Si les marchés financiers n’aiment pas l’incertitude, les agences de notation financière la détestent bien davantage. Après deux dégradations en un an, la première par Fitch en avril 2023 et la deuxième par Standard & Poor’s (S&P) le 31 mai 2024, le risque d’un troisième abaissement de la note française à l’automne a considérablement augmenté depuis le résultat des élections législatives et le flou sur les choix de politique économique qui en découle.
La preuve : en quelques jours, S&P et Moody’s ont chacune lancé un avertissement sévère. Les analystes de S&P ont tiré les premiers, avec un message sans ambiguïté émis quelques heures seulement après le dépouillement des bulletins de vote : « [La note serait] sous pression si la croissance était sensiblement inférieure à nos projections pendant une période prolongée, ou si la France ne parvenait pas à réduire son important déficit budgétaire. Et si le poids des intérêts de sa dette en pourcentage des recettes publiques s’envolait au-delà de nos attentes actuelles. » Quant à l’agence Moody’s, elle a mis en garde le 9 juillet quant aux conséquences d’une éventuelle abrogation de la réforme des retraites. Tout en ajoutant : « À la lumière des contraintes auxquelles sera confronté tout nouveau gouvernement, des mesures de stabilisation budgétaire nous semblent inatteignables l’an prochain. »
Jusqu’à présent, la France a réussi à conserver son statut d’« emprunteur privilégié »
Avec une dette publique qui atteint 110 % du PIB et un déficit budgétaire à 5,5 % du PIB (soit bien au-delà des 3 % imposés par la réglementation européenne), la situation financière du pays était déjà jugée fragile, autant par Bruxelles que par la majorité des experts, notamment les responsables obligataires au sein des fonds de gestion d’actifs. Tel Mauro Valle chez Generali : « Nous devons voir comment les agences de notation jugeront la France dans les prochains mois, en rappelant que son « AA » est en danger, à notre avis », prévient-il.
La France, malgré ses niveaux élevés d’endettement, a néanmoins réussi à conserver jusqu’à présent son statut d’« emprunteur privilégié » grâce à trois atouts : sa stabilité politique, la crédibilité de sa politique économique et sa capacité à lever l’impôt. Ainsi qu’à sa position en Europe, en tant que deuxième économie de la zone euro derrière l’Allemagne. « Les deux premiers ont été torpillés par la séquence électorale, estime le chef économiste d’une grande banque. Quant au troisième, on voit mal comment augmenter les impôts pour financer de nouvelles dépenses, alors que les prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés de l’OCDE. »
Avec pas moins de 25 milliards d’euros d’économies annoncées cette année, et 20 milliards d’euros supplémentaires en 2025 selon les calculs de Bercy, toute dépense imprévue et non financée aurait un effet dévastateur. D’autant plus que la découverte en mars dernier d’un dérapage inattendu du déficit avait encore accru les inquiétudes. « En matière de risque, la dette française se rapproche aujourd’hui de celle du Portugal. Et pourrait même approcher celle de l’Italie, l’épouvantail de la zone euro », redoute un macro-économiste.
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