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Les membres du Parlement de Papouasie-Nouvelle-Guinée ont voté le 12 mars, par 80 voix contre 4, la modification du préambule de la Constitution du pays. Un préambule désormais libellé ainsi : « [Nous, le peuple de Papouasie-Nouvelle-Guinée] reconnaissons et déclarons Dieu, le Père, Jésus-Christ, le Fils, et le Saint-Esprit, comme notre Créateur et le soutien de l’univers tout entier et la source de nos pouvoirs et autorités, délégués au peuple et à toutes les personnes relevant de la juridiction géographique de la Papouasie-Nouvelle-Guinée ». Parmi les autres modifications adoptées par les parlementaires, la Bible, qui est désormais reconnue comme symbole national officiel. Les élus n’ont néanmoins pas modifié l’article 45 garantissant « la liberté de conscience, de pensée et de religion ».
Avec près de 11,8 millions d’habitants, la Papouasie-Nouvelle-Guinée est le deuxième pays le plus peuplé d’Océanie, après l’Australie. Si le pays est très riche en ressources naturelles, sa population reste extrêmement pauvre, et près de 40% des habitants vivent en dessous du seuil d’extrême pauvreté. La corruption des élites est prédominante, et on y trouve également l’un des plus fort taux de criminalité au monde. Selon un recensement de 2011, le pays est très majoritairement chrétien puisque 95,6% des Papouans-Néo-Guinéens s’identifient comme tels, les catholiques étant les plus nombreux, suivis des luthériens. Ce sont des missionnaires français, les pères maristes, qui ont évangélisé le pays à la moitié du XIXe siècle. Lors de sa tournée asiatique en septembre 2024, le Pape François a d’ailleurs tenu à rendre visite aux 9.000 habitants d’un petit port isolé. D’après les chiffres du Vatican, le pays compterait aujourd’hui près de 2,5 millions de catholiques, dont un cardinal, 27 évêques et 600 prêtres.
Méfiance de l’Église
Quelques jours après le vote de cette modification constitutionnelle, l’Église locale a pourtant fait part de son inquiétude. Dans un texte daté du 18 mars, le père Giorgio Licini, ancien secrétaire général de la conférence épiscopale de Papouasie-Nouvelle-Guinée, et qui travaille aujourd’hui pour Caritas Papouasie-Nouvelle-Guinée, a rappelé qu’il ne suffit pas, pour qu’un pays soit chrétien, que cela soit écrit dans un texte. C’est dans la réalité du quotidien que l’on doit vivre en chrétien, et donc mettre fin à « la violence, la corruption, l’ignorance et les intérêts personnels », a-t-il ainsi rappelé.
Cet amendement constitutionnel a été voulu par le Premier ministre du pays, James Marape, qui est membre de l’Église adventiste du septième jour et qui a déclaré vouloir faire du pays la « nation chrétienne noire la plus riche de la planète » dans les dix ans qui suivront son élection de 2019. Le père Licini craint donc la désillusion de tout un pays, car la transformation n’a pas l’air d’avoir lieu, et ce n’est pas parce qu’une constitution déclare un État chrétien que les institutions agissent en véritables chrétiens. À son tour, le père Miguel de La Kale, qui a aidé le pape François à visiter la ville isolée de Vanimo en septembre dernier, a déclaré que l’amendement lui semblait superflu. « Michaël Somare, le fondateur du pays, était catholique, ce qui signifie que nous sommes déjà un pays chrétien… mais pour nous, catholiques, nous sommes également chrétiens dans notre mentalité, nous n’avons pas besoin de déclarer qu’un pays est chrétien. »
Le scepticisme de ces deux prêtres est partagé par les évêques du pays. Courant 2024, la conférence épiscopale avait déjà exprimé son opposition à ce changement de constitution rappelant que l’amendement avait été « poussé par un groupe de pasteurs et de professionnels non représentatifs, sans consultation plus large et sans transparence parmi les Églises ». La solution aux problèmes de la Papouasie-Nouvelle-Guinée « ne réside pas dans le rejet de nos traditions, la transformation en un État confessionnel, la promotion du fondamentalisme religieux, du nationalisme chrétien ou d’une idéologie de ce genre », avait-elle alors déclaré.


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