En pleine «saison des impôts», la pénurie de comptables se fait particulièrement sentir et donne des maux de tête tant aux individus qu’aux entreprises et organismes.
Installés depuis trois ans dans la région de Moncton, Audrey Le Rouzo et son mari s’étaient toujours occupés seuls de produire leur déclaration de revenus annuels. Mais l’an dernier, la quadragénaire, employée dans la fonction publique, a ouvert une petite entreprise dans le secteur du bien-être.
Elle s’est donc dit qu’il serait judicieux de faire affaire avec un comptable, afin de ne pas faire d’erreur. Hélas, la nouvelle entrepreneure d’origine française est allée de déception en déception dans sa quête…
«J’en ai appelé sept ou huit, seulement des francophones parce que vu que c’est assez technique, je voulais être sûre de bien comprendre, explique-t-elle. Tout le monde me répondait la même chose, »on n’a pas de place »ou »votre cas va nous prendre trop de temps ».»
Son mari et elle se sont donc résolus à remplir leur rapport d’impôt seuls, encore une fois. «Ça nous a pris toute une journée, parce qu’il fallait vérifier quels frais on pouvait déclarer, et à quel endroit», relate-t-elle.
Outre le fait que le couple a peut-être omis de réclamer tout ce à quoi il avait droit, Audrey Le Rouzo espère ne pas s’être trompée, et ne pas avoir à recommencer dans quelques semaines sur demande de l’Agence du revenu du Canada.
Combien de cas comme celui-ci existent-ils au Nouveau-Brunswick? Difficile à dire, mais Léon Cormier, propriétaire d’Impôt Cormier à Dieppe, estime avoir refusé 150 à 200 dossiers cette année. Sa capacité maximale de 1700 clients est atteinte.
Il manque 500 comptables au Nouveau-Brunswick
«Comme bien d’autres domaines, la profession comptable vit une pénurie de main-d’œuvre, qui s’accentue pendant la saison des impôts», affirme Mylène Lapierre, PDG de CPA Nouveau-Brunswick, l’organisation qui représente les quelque 3000 comptables de la province.
Le problème n’est pas propre à un endroit particulier mais est «pancanadien» et serait dû à une «combinaison de facteurs», selon elle: «une baisse de nouveaux diplômés, de plus en plus de départs à la retraite, et une augmentation des besoins, notamment en raison de la complexité croissante des obligations fiscales et administratives».
D’après CPA Canada, l’organisation nationale, le nombre de comptables a peu varié depuis 2011 d’un océan à l’autre, en dépit de l’accroissement démographique et d’une hausse de 20% du nombre de petites entreprises.
Cela a un impact sur les frais que doivent débourser les clients. Ainsi, le Centre culturel Aberdeen, qui a aussi connu des difficultés à trouver une firme comptable, a vu sa facture augmenter de plus de 50% dans les dernières années.
«Le taux horaire a augmenté, mais en plus le nombre d’heures nécessaires pour vérifier les comptes a augmenté», résume le directeur général René Légère, qui se considère quand même «dans les chanceux», comparativement à certains de ses confrères qui peinent à trouver chaussure à leur pied.
«La capacité de payer des organismes culturels est moindre, je pense que ça rend la recherche plus difficile», avance-t-il.
CPA Nouveau-Brunswick estime qu’il manque au moins 500 comptables dans la province. Pour combler ce fossé, l’organisation professionnelle a mis en place un programme de reconnaissance des acquis qui permet à des comptables français d’exercer ici, et est en train de faire la même chose avec d’autres pays de la francophonie, comme la Tunisie.
«On va aussi dans les écoles, même au primaire, pour montrer aux plus jeunes que c’est un domaine où il va y avoir énormément d’opportunités et dans lequel on peut faire une très belle carrière», ajoute la PDG Mylène Lapierre. Et d’être aussi convoité qu’une rockstar, au moins quelques semaines par an.
Des solutions pour ceux qui sont mal pris
Les personnes dont la situation fiscale est simple peuvent bénéficier d’une aide gratuite pour remplir leur déclaration de revenus par le biais du Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt, qui est une collaboration entre des organismes communautaires et l’Agence du revenu du Canada.
Ce programme offre des «comptoirs d’impôt» gratuits partout au Canada. Rien qu’au Nouveau-Brunswick, il y a 48 endroits où on peut remplir sa déclaration en français.
Il est également possible de consulter la liste des cabinets de comptables néo-brunswickois sur le site de CPA Nouveau-Brunswick, en cliquant sur l’onglet «Trouver un CPA» puis «Répertoire des cabinets».
Sinon, il n’y a pas de solution magique pour trouver un professionnel: «Il faut s’assurer de s’y prendre le plus à l’avance possible pour la prochaine saison», recommande Mylène Lapierre.
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