La privatisation d’Énergie NB ne mettrait pas fin aux hausses de tarifs

Le Nouveau-Brunswick est passé à l’ère des augmentations répétées des tarifs de l’électricité. Afin d’en sortir, la première ministre, Susan Holt, proposera une grande consultation sur Énergie NB. Mais pour Donald J. Savoie, un expert en administration publique, les décisions ont trop tardé et les consommateurs n’ont pas fini d’en faire les frais.

M. Savoie n’est pas le dernier venu. Depuis des décennies, ministères, gouvernements et organismes internationaux (l’OCDE, la Banque mondiale et les Nations Unies), font appel à ses services.

Plus près de nous, il a co-présidé dans les années 1990, sous Frank McKenna, un comité qui devait décider du sort d’Énergie NB. Aujourd’hui, il est professeur à l’Université de Moncton.

En entrevue avec l’Acadie Nouvelle, mardi, il a brossé un tableau plutôt sombre de l’état des choses. Selon lui, il n’existe pas de solution miracle. Même la privatisation d’Énergie NB ne permettra pas aux Néo-Brunswickois d’échapper aux augmentations substantielles des coûts de l’électricité.

Le journal lui a demandé si les Néo-Brunswickois étaient condamnés à payer leur électricité de plus en plus cher dans les prochaines années… vraiment plus cher.

«Sans aucun doute!», a-t-il immédiatement répondu.

Énergie NB baigne dans les dettes, a-t-il rappelé, et ses infrastructures sont en mauvais état, notamment le barrage de Mactaquac qui devra être remplacé plus tôt que tard. Il voit la situation précaire d’Énergie NB comme une menace à la prospérité du N.-B.

«C’est extrêmement sérieux pour le N.-B., pour son avenir économique, non seulement pour les consommateurs comme vous et moi, mais aussi pour notre secteur privé, sa capacité de faire concurrence à d’autres régions. C’est le problème numéro un au N.-B.»

«C’est la question la plus importante à laquelle doit faire face le gouvernement Holt; ça et les droits de douane de Washington», a-t-il repris.

Vendre Énergie NB?

À peine élue, la première ministre du N.-B., Susan Holt a annoncé qu’elle consultera la population au sujet d’Énergie NB. En mars, lors d’une entrevue avec l’Acadie Nouvelle, elle n’avait rien voulu exclure.

«Tout est sur la table, avait-elle affirmé. On cherche des solutions pour une énergie disponible, durable, abordable, avec la prévisibilité dont on a besoin. Alors, on considère toutes les options.»

Des partenariats avec des entreprises du monde énergétique pourraient être établis. Même la vente au privé de cette société de la Couronne serait considérée.

Cette dernière solution n’est pas nouvelle. En 2009, le premier ministre du N.-B., Shawn Graham, a voulu céder Énergie NB au Québec. L’affaire n’avait finalement jamais été conclue.

Toutefois, l’idée de se départir d’Énergie NB circulait déjà sous Frank McKenna. Pour Donald J. Savoie, c’était même la voie tout indiquée.

«En 1997, j’ai dit: « Il faut trancher la question, mais on ne peut pas la trancher en deux. Si l’on veut privatiser, il faut le faire sans tarder ». C’était ma recommandation, mais les autres membres du comité ont dit: « Non, c’est trop vite. On va y aller par étapes. »»

On a alors divisé Énergie NB en plusieurs sociétés. La gestion en serait facilitée, avait-on soutenu, se souvient M. Savoie. Il avait rétorqué que les problèmes fondamentaux allaient demeurer, qu’on ne faisait que reporter l’heure des grandes décisions.

Vers la même époque, a-t-il repris, le gouvernement fédéral était lourdement endetté.

«Jean Chrétien faisait face à un déficit structurel. Des décisions extrêmement difficiles ont été prises. L’aéroport de Moncton a été privatisé, l’aéroport de Saint-Jean, les ports de mer aussi. Maintenant, on revit la même situation (avec Énergie NB).»

Rien d’étonnant, donc, à ce que M. Savoie approuve la démarche de Susan Holt. Selon lui, elle serait en meilleure position que Shawn Graham, il y a une quinzaine d’années.

«Elle a décidé de s’attaquer au problème dès la première année de son mandat, a-t-il remarqué. Shawn Graham? Lancer ce projet (la vente) quand tu es à 12 mois d’une élection provinciale? Je ne suis pas sûr que c’était sage.»

«Mais j’ajoute vite, vite, vite, que même si on lance un débat dès la première année, il n’y aura vraiment pas de décision facile.»

Pour ce qui est d’une vente, M. Savoie estime que la situation chez Énergie NB s’est tellement détériorée depuis une quinzaine d’années que les acheteurs ne se bousculeront pas aux portes.

«Il y a de sérieux défis qui s’annoncent, comme Mactaquac. Il y a des rénovations qui s’imposent, qui vont coûter très cher. On a une dette. Au fond, ceux qui vont acheter Énergie NB vont acheter une dette», a-t-il indiqué.

Et selon lui, que le gouvernement conserve Énergie NB dans son état actuel ou qu’il s’en départisse, les hausses substantielles d’électricité se poursuivront.

«Il y a des décisions extrêmement difficiles, sinon pénibles, que le gouvernement devra régler au plus vite», a repris Donald J. Savoie. n

Inscrire Énergie NB en bourse?

L’inscription en bourse d’Énergie NB pourrait-elle être une avenue? Ouvrir l’actionnariat au public permettrait la vente d’actions, et par ricochet, d’accroître les fonds.

M. Savoie nous a répondu par une question: «Est-ce que vous seriez prêt à acheter des actions d’une compagnie contrôlée par un gouvernement provincial?»

«Non, a-t-il ajouté. Si vous voulez privatiser, privatisez. Si vous voulez un partenariat avec un autre, peut-être Hydro-Québec, comme on a voulu le faire, ce sont d’autres options. Mais dire qu’on coterait Énergie NB à la bourse, et que la province aurait 60% des parts, j’ose croire que ça serait difficile de vendre des actions au grand public.»

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