La ruée vers le zircon défigure la région des Niayes au Sénégal : quelles autres conséquences ?

La région des Niayes, d’où est extrait le zircon, est l’une des zones clés de la production agricole sénégalaise.

Aux yeux de l’activiste, cette cicatrice n’est que la face émergée des conséquences de l’exploitation du minerai. Car la région des Niayes, d’où est extrait le zircon, est l’une des zones clés de la production agricole sénégalaise. « Ça pourrait, si ça continue, impacter tout le pays ! En légumes frais, le Sénégal est alimenté à 80 % par la zone des Niayes. Et il y a aussi beaucoup d’élevages dans la région », explique Idy Ka.

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Pour lui, comme pour son collectif, la menace du projet sur la production des Niayes ne fait aucun doute. Le groupe minier a « occupé des terres cultivables pour l’exploitation du zircon et, pour les zones de recasement des habitants, (il a) utilisé des terres pastorales ». S’ajoutent les pompages d’eau nécessaires au lac artificiel, laissant les terres « complètement à sec », d’après l’association.

Les déplacés du Zircon

A baby plays in front of a house in the village of Foth, Senegal, on February 11, 2025. The village of Foth was built by Eramet Grande Cote (EGC) to resettle families that were affected by the mine's activities. 
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Un bébé joue dans le village de Foth, le 11 février 2025. ©AFP or licensors

Mais les conséquences ne se limitent pas aux exploitations agricoles. Sur le tracé de l’usine flottante, trois villages ont déjà dû être déplacés. « Une fois installés dans les zones de recasement, les conditions ne sont pas bonnes pour beaucoup d’habitants. Trop peu de maisons ont été construites et, surtout, trop loin des lieux de travail. Certains n’ont pas d’autre choix que de marcher des heures chaque jour pour s’y rendre« , dénonce Gora Gaye, maire de la commune Diokoul Diawrigne, et critique du projet minier.

Un rapport incendiaire auquel il a participé, paru fin janvier, décrit même des cas d’intimidations pour ouvrir la voie aux installations mobiles d’Eramet, pointant du doigt une connivence des autorités locales. « Des personnes de la zone ont notamment subi des gardes à vue, des passages en prison ou encore des condamnations, alors qu’elles essayaient de protéger leurs biens et d’exprimer leurs désaccords sur les procédures engagées par les services de l’État et par […] Eramet », détaille le compte rendu de presque cent pages.

Une situation insupportable aux yeux de l’élu. « Aujourd’hui, c’est un autre village, nommé Keur Djiby, qui est à moins de 100 mètres du site. Et je crains que ses habitants subissent les mêmes traitements s’ils ne veulent pas partir« , regrette-t-il, peu optimiste face à l’avancée des unités d’extraction. Depuis 2016, presque 3 000 personnes ont ainsi dû être déplacées.

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Désert de Lompoul : vers la fin d’un site touristique

Plus récemment, les installations d’Eramet sont arrivées jusqu’au désert de Lompoul, célèbre destination touristique de la région. Sept lodges y étaient installés, proposant aux touristes des sorties au cœur des dunes et des nuits à la mode nomade dans des campements de toile. Poussés par l’exploitation, tous les opérateurs ont depuis quitté le petit désert, à l’exception de « L’écolodge de Lompoul ».

« Eramet essaie clairement de nous mettre la pression« , lance sans hésitation Cheikh Yves Jacquemain, gérant du site. « Il y a une politique d’encerclement. Pour nous isoler, ils ont bloqué ou utilisent nos chemins d’accès habituels, font tourner les machines toute la nuit à 200 mètres de notre site« , poursuit le gérant, qui dénonce avant tout l’impact sur l’emploi local. Selon ses estimations, ce sont a minima 160 emplois directs qui ont disparu avec l’approche des installations d’Eramet et la fermeture des différents lodges. « Et c’est sans parler des vendeuses du village artisanal et des commerçants locaux, qui eux aussi dépendaient de l’activité touristique« , ajoute-t-il, la voix grave.

Des compensations « équitables » ?

Une perte d’emplois touristiques que le groupe minier annonce largement compenser, avec la récente ouverture de « L’Oasis du Désert ». Installé sur une parcelle anciennement exploitée pour extraire le zircon, le complexe hôtelier aux proportions XXL se revendique « havre de paix unique au Sénégal ». Le projet à trois millions d’euros compte ainsi mille palmiers fraîchement plantés et la plus grande piscine d’Afrique de l’Ouest, creusée en plein sable. Un projet titanesque pour « préserver les emplois existants et en créer davantage grâce à une offre touristique plus diversifiée », affirme Eramet.

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Concernant les populations déplacées, le groupe français revendique une totale transparence dans la prise en compte et le relogement des habitants. Une commission départementale de réinstallation a ainsi été créée en associant les autorités locales, afin de veiller à « l’effectivité d’une indemnisation équitable, durable, discutée et acceptée par les personnes concernées ». Questionné sur son impact écologique à long terme, notamment sur les terres cultivables, le groupe affirme n’utiliser « aucun produit chimique » dans le processus d’exploitation du zircon. Même chose concernant la concurrence pour l’eau, qu’Eramet déclare puiser plus en profondeur, dans une nappe bien distincte de celle vitale aux agriculteurs.

Reste à voir si ces compensations pourront rassurer les populations, mais aussi convaincre les nouvelles autorités sénégalaises. Mi-février, une commission parlementaire s’était ainsi rendue dans la région pour juger des impacts de l’exploitation du zircon et ses apports pour le pays.

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