l’accès à l’eau potable est un droit humain – Libération

La célébration de la Journée mondiale de l’eau le 22 mars a catalysé de nombreuses prises de parole en faveur du droit à l’eau potable. Si l’eau est le plus vital des besoins après l’air, c’est aussi un préalable nécessaire à l’exercice de tous les autres droits. Boire, cuisiner, se laver et laver ses vêtements sont autant de conditions essentielles pour mener une vie digne, préserver sa santé ou accéder à l’école et à l’emploi. Pourtant, contrairement aux idées reçues, l’accès à l’eau n’est toujours pas un acquis pour tous, ni en Europe, ni en France.

Depuis 2010, l’ONU considère le droit à l’eau et à l’assainissement comme un droit humain. La France, elle, témoigne de timides avancées en la matière. Depuis la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, le code de l’environnement prévoit que «chaque personne physique a le droit d’accéder à l’eau potable». En 2013, la loi Brottes a interdit les coupures d’eau tout au long de l’année, même en cas d’impayés. La transposition de la directive européenne «eau potable» a apporté une nouvelle pièce à l’édifice en définissant les besoins de base en eau potable et en créant l’obligation pour les collectivités locales d’améliorer son accès pour tous.

Mais cette construction juridique reste fragile. Les dispositions légales ne sont, à ce jour, pas opposables aux autorités par les justiciables. Malgré plusieurs initiatives parlementaires en ce sens, la France refuse toujours de consacrer clairement dans son bloc constitutionnel un droit fondamental à l’eau potable et à l’assainissement. Le gouvernement a pourtant été épinglé à plusieurs reprises par les juridictions internes et l’ONU sur la situation des personnes précaires en eau et les atteintes à la dignité qui en découlent.

Inégalités territoriales entre Hexagone et outre-mer, stigmatisation des personnes vivant en habitat informel ou précaire… Nombreuses sont les discriminations imbriquées avec l’accès à l’eau potable. On estime aujourd’hui à plusieurs centaines de milliers le nombre de personnes affectées en France. Sur les 350 000 sans domicile (selon le 30e rapport sur l’état du mal-logement de la Fondation pour le logement des défavorisés, publié en février), les pouvoirs publics recensent 65 333 habitants de bidonvilles et squats (1). Ces estimations ne prenant pas en compte une multitude d’autres situations : personnes en transit à la frontière franco-britannique, vivant dans des copropriétés dégradées, sur des aires d’accueil avec infrastructures défectueuses, etc. Chaque jour, nos équipes rencontrent des personnes pour qui l’accès à l’eau potable est une bataille au quotidien. Ces hommes, femmes et enfants sont contraints d’utiliser des fontaines publiques, des bornes incendie ou des rivières parfois à plusieurs kilomètres, souvent parcourus à pied.

Le partage de l’eau, bien commun de l’humanité, est sans conteste l’enjeu de notre siècle. Souvent appréhendé par le prisme environnemental, l’accès à l’eau pour toutes et tous est aussi une question de justice sociale. Alors que les changements climatiques ont des conséquences fortes et rapides sur la disponibilité de la ressource hydrique, il est urgent que le droit à l’eau soit protégé et mis en œuvre sans discrimination. Cette année marque les cinq ans de l’ouverture des programmes de Solidarités International en France. Depuis 2020, notre ONG s’attache à démontrer sans relâche que garantir un accès digne et sécurisé à l’eau potable pour les plus précaires ne repose pas sur des obstacles techniques, financiers ou juridiques, mais bien sûr des choix politiques. Aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel de continuer à se battre pour l’effectivité de ce droit pour toutes et tous.

(1) Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL), «Résorption bidonvilles», mars 2025.

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