LA TRIBUNE – Concernant la réduction de l’aide publique au développement de 800 millions d’euros annoncée par la France au printemps dernier, cela pourrait-il pousser davantage d’entreprises privées à s’investir sur ce sujet ? Quel regard portez-vous sur cela ?
MACKY SALL – On peut résumer en disant que l’aide publique au développement n’a pas donné les résultats escomptés et ne peut pas être la réponse attendue par les Africains pour le développement. Nous parlons plutôt aujourd’hui de partenariats et d’accès aux marchés des capitaux dans des conditions soutenables. L’Afrique, ce qu’elle demande, c’est de pouvoir avoir accès à ces marchés, avec des conditions qui ne soient pas handicapées par le système de notation sur la perception des risques. Car c’est ça qui fait que le prix de l’argent est très élevé quand on est un pays en développement, alors que ce sont des pays qui font l’effort de payer leur dette. Car si l’Afrique a des gisements énormes en terres rares, en minerais critiques, en toute sorte de minéralisation, d’énergie dont du gaz, du pétrole et du soleil, des cours d’eau, mais aussi des terres arables pour l’agriculture, il ne lui manque que des capitaux. Il ne faut plus voir l’Afrique comme un réservoir de ressources naturelles, mais la considérer comme un véritable acteur économique.
Etait-ce le but de la création du Pacte de Paris pour les peuples et la planète ?
La création du 4P est, en effet, venue de cette question : comment financer le développement ? En effet, lors du sommet de Paris convoqué par le président Emmanuel Macron en 2023, 32 pays ont répondu présent et ont créé ce pacte afin d’apporter une réponse collective, de repenser le multilatéralisme, qu’il soit plus inclusif, plus latéral et plus transparent. Pour cela, il faut une réforme de l’architecture financière internationale. Il faut que les institutions issues du consensus de Bretton Woods tiennent compte de la présence des nouveaux arrivés : les pays africains, asiatiques, d’Amérique latine, qui sont du Sud global comme on dit. Il faut qu’on tienne compte de leurs préoccupations dans le financement de leur développement, dans la transition climatique.
Peut-on néanmoins dire qu’aujourd’hui le dialogue a changé, qu’il est moins unilatéral ?
Il y a des efforts, mais c’est encore timide. L’Afrique a été admise au G20, elle vient d’obtenir un troisième siège au conseil d’administration du Fonds monétaire international. Ce sont des progrès à saluer, mais ce n’est pas suffisant. Les besoins sont tels, pour ceux qui veulent assurer le développement d’un vaste continent, de 30 millions de kilomètres carrés, d’un milliard quatre cent mille habitants, qu’il ne faut pas régler ces besoins avec l’aide publique au développement. Il faut donc des solutions innovantes que l’on doit inventer ensemble. Nous avons besoin de plateformes de dialogue, et c’est aujourd’hui la vocation du 4P (Pacte de Paris pour les peuples et la Planète).
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