L’ancien commandant de la cellule antidrogue du port autonome d’Abidjan, Armand Agnin Angbonon, son frère et un autre officier de gendarmerie, ainsi qu’un de leurs indicateurs, ont été condamnés, mercredi 5 mars, à cinq ans de prison ferme, au terme d’un procès à huis clos ouvert en novembre 2024. Ils ont été jugés coupables d’avoir détourné au moins dix sacs de cocaïne, soit environ 220 kg, sur une saisie de 1,56 tonne de drogue effectuée en février 2021.
Les six autres gendarmes poursuivis dans ce dossier ont été acquittés. « Ils ont juste été chargés de remettre la drogue que leur a confiée Armand Agnin Angbonon à son grand frère, Jean-Claude – un colonel de gendarmerie à la retraite, indique Jean Serge Gbougnon, leur avocat. Ils ont obéi sans se méfier. Pour eux, ça faisait partie de l’opération. » Les officiers condamnés les avaient accusés d’avoir perçu de l’argent sur la vente de la drogue, mais cette somme serait en fait une prime officielle de 125 000 francs CFA (190 euros) pour les féliciter de la saisie, explique leur avocat, qui regrette « qu’ils aient passé deux ans en détention pour rien ».
C’est en juillet 2022, un an après la saisie initiale, que sont apparues les suspicions sur l’implication des frères Angbonon et du troisième officier, Richard Bi Djessan, alors chef de la cellule antidrogue de la ville de San Pedro.
L’affaire a débuté par une banale arrestation, celle d’un petit dealer de drogue surnommé « Abou », chez qui les enquêteurs découvrent une trentaine de grammes de cocaïne. Lors des interrogatoires, « Abou » déclare être un indicateur de la cellule antidrogue du port autonome d’Abidjan. Mais aussi un revendeur, pour leur compte, dans un trafic parallèle : sous la houlette du commandant Armand Agnin Angbonon, explique-t-il, une partie de la drogue saisie est détournée par les gendarmes, qui lui confient la responsabilité de l’écouler au détail. Une pratique qu’il dit courante.
Plusieurs millions d’euros en jeu
« Le commandant du port, qui fait la saisie, est en même temps le chef de l’enquête, signale une source proche du dossier. C’est lui qui rédige les procès-verbaux de la perquisition. Donc il peut inscrire le montant qu’il veut ! » D’autant plus que les sommes en jeu sont considérables. La seule saisie de 1,56 tonne de cocaïne brute en 2021 était estimée à 25 milliards de francs CFA (environ 38 millions d’euros), un chiffre beaucoup plus élevé après la revente au détail.
En 2024, des membres des forces de l’ordre ivoiriennes avaient déjà été jugés pour leur implication dans un autre trafic de cocaïne, a priori sans lien avec celui-ci. Après la saisie de 2 tonnes de poudre blanche à Abidjan et à San Pedro, l’autre grande ville portuaire du littoral ivoirien, treize personnes ont été condamnées en première instance le 7 mai 2024 pour « trafic international de drogue » et « association de malfaiteurs » à dix ans de prison, la peine maximale prévue par la loi. Parmi eux, Guy Serge Leïla Kouassi, le commandant de la base navale de San Pedro, César Ouattara, un membre du Conseil régional, et le commissaire Dosso Karamoko. Leur procès en appel est en cours au tribunal d’Abidjan.
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