Dominique Ferrière est un acharné de travail et ne s’en cache pas. « Je vais peut-être devenir un peu plus fainéant en vieillissant, je l’espère, mais j’ai toujours aimé beaucoup travailler. Et j’ai eu la chance d’avoir besoin de peu de sommeil. » De longues journées qui lui ont permis de faire énormément. Celui qui a marqué le Bocage lors de son passage au tribunal de grande instance de Bressuire dans les années 1990 est l’invité de l’émission Médias sur Collines la radio en partenariat avec La Nouvelle République et Le Courrier de l’Ouest. Pendant une heure, le sexagénaire revient sur la première partie de sa vie en tant qu’enfant adopté, balaye une activité professionnelle palpitante en tant magistrat et aborde son engagement auprès des enfants placés.
Fervent défenseur d’une justice de proximité
Dans la peau d’un enfant adopté. De prime abord, on aurait tendance à croire que Dominique Ferrière n’a pas eu de chance au moment de venir au monde. Dès sa naissance, en 1957, sa « maman de naissance » le confie à l’Assistance publique. « Elle a fait un très bel acte », juge-t-il. Dans la foulée, il est adopté à l’âge de trois mois par un couple qui ne pouvait pas avoir d’enfant. Une adoption qu’il n’a pas apprise à un moment précis : « Je l’ai toujours su », répète-t-il.
Commence alors une enfance heureuse, pleine d’amour et de tendresse en Seine-et-Marne, à Meaux. Tellement d’amour qu’il n’a finalement jamais perçu en lui « cette douleur de l’abandon » ressentie par d’autres. « Pour beaucoup d’enfants adoptés, cette filiation adoptive peut remplir complètement une vie, comme une filiation charnelle, et dans ce cas-là, on ne ressent pas le besoin de combler un manque car en réalité il n’y a pas de manque. » Un message honnête et positif sur ce qu’est l’adoption dans la majorité des cas.
Je quittais un palais de justice tout neuf, j’avais un grand bureau… J’arrive à Bressuire, je me souviens des chaises en plastique orange cassées dans la salle des pas perdus
Dominique Ferrière
D’éducateur de justice à la magistrature. En 1979, celui qui vient d’une famille modeste, équilibrée, heureuse se heurte à une réalité beaucoup plus brutale. Il entre dans un internat spécial d’éducation surveillée à Bures-sur-Yvette (Essonne) en tant qu’éducateur de justice. « On accueillait des jeunes placés par des juges des enfants de la région parisienne. La plupart du temps pour des procédures pénales très graves, explique Dominique Ferrière. Durant cette expérience, j’ai découvert qu’on pouvait vivre dans la violence, dans la très grande pauvreté matérielle… On peut le savoir intellectuellement, mais le vivre auprès et avec ceux qui vivent ces réalités-là, c’est très différent. »
Après six années à occuper ce poste, il obtient en 1985 le concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature. Celui qui se destinait à devenir juge pour enfants s’empare finalement des fonctions de juge d’instruction. « J’étais fait pour être auprès des gamins dans une posture de travailleur social, d’éducateur, pas du tout dans une posture de juge, et je ne suis pas sûr que j’aurais fait un bon juge des enfants. »
En 1994, il reçoit un appel pour une nomination en tant que président du tribunal de Bressuire. « Je quittais un palais de justice tout neuf, j’avais un grand bureau avec les premiers outils informatiques… J’arrive à Bressuire, je me souviens des chaises en plastique orange cassées dans la salle des pas perdus… » Un accueil qui ne fait pas rêver, et pourtant, l’ancien juge découvre à Bressuire une équipe compétente. « On rendait 1.450 jugements, on était 6 juges, une vingtaine de greffiers, ça bossait beaucoup. »
Pendant cinq ans, l’homme fait vivre une justice en laquelle il croit, la justice dite de proximité, « au service des gens et du territoire ». Quelques années après la fermeture du tribunal de Bressuire, Dominique Ferrière reste convaincu qu’il est très difficile pour le tribunal de Niort d’assurer cette justice de proximité sur le territoire du Nord-Deux-Sèvres. « Il y a des réalités contre lesquelles il n’y a aucun intérêt à lutter. La réalité du département des Deux-Sèvres, c’est sa bipolarité. Celui qui, en responsabilité dans ce territoire, ne l’a pas compris, pour moi, il est aveugle. »
Engagé pour l’association Rebonds. Désormais retraité, Dominique Ferrière reste pour le moins engagé. Il occupe la fonction de président de l’association de protection de l’enfance Rebonds, basée à Cerizay. « Une sorte de retour aux sources du métier d’éducateur », admet-il.
L’association bénéficie de quatre modalités d’accueil : un service d’accueil familial, un relais enfance-famille, un accueil de jour éducatif ainsi qu’une ferme-outil dédiée à l’insertion d’adultes très éloignés de l’emploi. « Aujourd’hui, Rebonds, c’est 90 places pour des enfants et des jeunes, c’est une centaine de salariés et presque 30.000 journées d’accueil pour un budget qui va avoisiner les 3,8 millions d’euros. »
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