Cédric Bérubé – Ce contenu est produit par les étudiants en ATM – Journalisme du Cégep de Jonquière.
Depuis 14 ans, Y’en a marre, une organisation formée d’artistes, de journalistes et de citoyens, milite pour la bonne gouvernance au sein du pays de l’Afrique de l’Ouest. « Il y avait beaucoup de problèmes au Sénégal à l’époque. L’insécurité était incessante, donc la criminalité était en hausse. On s’est donc dit qu’en tant qu’artistes, nous devions porter la voix des sans voix », explique le directeur artistique du mouvement citoyen, Arone Faye.
Au bout du fil, celui-ci relate le combat perpétuel mené par son ami et artiste engagé, Thiat, qui a déjà été derrière les barreaux pour avoir critiqué le président. « On est en Afrique, ce monde est injuste. Nos élites ne veulent pas entendre de discours dissidents, surtout pas dans de la musique. C’est pourquoi que lors des manifestations, la police a tabassé Thiat, avant de l’arrêter. »
Le professeur au Département de l’histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal, Dominic Hardy, soutient que l’exemple du chanteur Thiat est fréquent dans des pays où la liberté d’expression est bafouée. « Une société s’attend à ce qu’il y ait une réflexion politique dans l’art, même si dans cette même société on n’aime pas ça. Des influenceurs vont dire que l’art devrait être dépouillé de politique, souvent quand des œuvres controversées font la une. »

L’art, la matraque du peuple
L’objectif du collectif est d’éduquer la population sénégalaise sur leurs droits, en tant que citoyens dans un pays démocratique. « On fait des ateliers et des formations sur la citoyenneté, parce que sans la connaissance, on ne peut pas porter son combat plus haut. Il faut s’armer de savoir », soutient Arone Faye.
Pour rejoindre cette jeunesse, Arone Faye affirme utiliser l’art comme véhicule principal. « En tant que directeur artistique, avant chaque manifestation, j’appelle les artistes à produire une chanson. Nous savons que tout le monde écoute de la musique, et donc, si on peut rentrer dans les oreilles des gens avec nos paroles militantes, c’est une victoire pour nous. »
L’art, un outil pour militer?
Dominic Hardy soutient que le public ne devrait jamais s’attendre à ce que l’art soit réservé à un outil de militantisme, même si certains artistes ont rendu la chose monnaie courante dans les dernières années. « Un problème survient lorsqu’on dit que c’est le strict rôle de l’artiste de produire une œuvre avec un message politique sous-jacent. »
Arone Faye affirme toutefois qu’une proportion importante des artistes sénégalais avait un ras-le-bol de la mauvaise gouvernance, justifiant l’essor artistique qui entoure le mouvement. « Il y a plusieurs mouvements sociaux panafricains qui sont nés grâce à Y’en a marre. Par notre action au Sénégal, nous avons déclenché cette envie de revendication et la jeunesse a suivi. »
Les artistes engagés ont souvent joué un rôle important dans les revendications sociales. Bob Dylan et Joan Baez ont chanté contre la guerre au Vietnam, tandis que Robert Charlebois et Pauline Julien ont fait vibrer une société québécoise en pleine ébullition. « Être accro à la musique, ça rentrait dans l’optimisme de l’indépendance [du Québec] à l’époque. Les gens s’approprient des énergies culturelles, la musique rassemble », affirme Dominic Hardy, en se remémorant ses jeunes années.
Arone Faye désire certainement que les choses continuent à changer, par ce sentiment d’unité qu’engendre l’art au sein de la population. « Notre objectif final est d’être un pays pleinement indépendant. Nos ressources naturelles sont gérées par l’extérieur, notre monnaie [franc CFA] est fabriquée en France, pour nous rappeler que le colonialisme européen est toujours là. Il est grand temps que les choses primordiales pour les Sénégalais soient détenues par les Sénégalais. »
Crédit: Lien source