Le Sénégal devrait observer de près ce qui se joue au Bénin en termes de partenariat stratégique sécuritaire. Les menaces des groupes armés terroristes se précisent, notamment à l’Est et appelle une réponse efficace et coordonnée.
Comme aucun pays ne peut seul agir contre le terrorisme, les partenariats sécuritaires de grande envergure sont une piste à privilégier sur les fronts militaires et diplomatiques dans l’espace CEDEAO. Le cas du Bénin est intéressant à ce sujet.
Toute la bande sahélo-soudanienne fait face au défi du terrorisme dont les capacités et les menaces ne cessent de s’accroitre. A l’instar des pays voisins des dictatures de l’AES, depuis 2021, le Nord du Bénin subit une pression accrue de la part des groupes djihadistes sahéliens. Le pays fait effectivement partie de la zone d’influence et d’opération ciblée par ces derniers, qui sont parvenus à étendre leur contrôle sur des régions entières au Sud du Burkina Faso et du Niger. Faute d’action significative des autorités de ces pays, les terroristes de l’Etat islamique et du JNIM circulent librement dans ces zones peu surveillées et/ou administrées à partir desquelles ils projettent leurs forces au Bénin. Ces derniers mois, une multiplication des attaques a été observée sur le sol béninois, ciblant aussi bien les forces de sécurité que les civils. Si les terroristes n’occupent pas de position permanente au Bénin, leur capacité de nuisance reste importante, en témoigne l’attaque menée par le JNIM contre un site militaire de la Pendjari (Nord) le 8 février, tuant une trentaine de soldats béninois.
A l’heure actuelle, on estime que 83% des Béninois sont préoccupés par la dégradation de la situation sécuritaire régionale. Face à cela, le gouvernement béninois a entrepris de renforcer sa stratégie de défense et d’intensifier la lutte contre le terrorisme. Les effectifs de l’armée ont augmenté de manière significative, passant de 7500 à 12 300 soldats entre 2022 et 2024 et le budget alloué à la défense a été porté à 90 milliards FCFA (contre 60 milliards). Le Bénin a également cherché à renforcer son arsenal et à moderniser ses capacités de renseignement, en achetant des véhicules blindés (VAB), des drones, des hélicoptères auprès d’opérateurs français notamment. Malgré ses investissements, les bilans meurtriers des dernières attaques terroristes ont poussé les autorités à entamer une révision de l’opération de lutte anti-terroriste Mirador mobilisant 3000 hommes au Nord du pays depuis 2022.
LE DEVELOPPEMENT DES PARTENARIATS INTERNATIONAUX DANS LA CEDEAO
Dans ce contexte tendu, le gouvernement béninois a entrepris de renforcer ses relations avec plusieurs partenaires internationaux, comme du reste le Sénégal l’a toujours fait avec la France, les USA, la Grande Bretagne ou le Canada. Le Bénin collabore historiquement avec les Etats-Unis dans le domaine de la sécurité et de la défense. Les forces béninoises qui bénéficient des formations américaines sur la sécurité frontalière (programme BORSEC) mènent des exercices interarmées de lutte contre le terrorisme avec le Commandement des opérations spéciales des forces africaines.
En janvier 2025, les deux Etats ont signé un accord de coopération bilatéral qui prévoit durant cinq ans « la facilitation du soutien logistique réciproque entre les deux parties pendant les manœuvres conjointes, l’entraînement des soldats, le déploiement, les opérations, ainsi que le soutien en matière d’approvisionnement et de service en cas de circonstances imprévues ou de situations critiques ».
Toutefois, ce partenariat avec les Etats-Unis est de plus en plus remis en question et l’Alliance des Etats du Sahel (AES) nouvellement formée, exerce des pressions dans le champ informationnel pour le décrédibiliser davantage. Ses activistes et réseaux d’influence s’activent à saper la confiance dans l’appui militaire américain et diffusent l’idée selon laquelle cette coopération constituerait une trahison pour les pays africains. L’objectif étant de transformer ce scepticisme à l’égard des Etats-Unis en opportunité pour la Russie.
Cette dernière tente effectivement de se positionner comme une alternative dans le domaine sécuritaire. A cet égard, plusieurs médias en ligne ont décrit l’escale des navires russes Smolny et Neustrashimy au port de Cotonou à l’automne 2024 comme une première étape du renforcement du partenariat bilatéral. À plusieurs occasions en 2023 et 2024, la Russie a présenté au gouvernement béninois des offres de formation et de vente de matériel militaire mais aucune avancée significative n’a été observée depuis. Ainsi, bien que son engagement reste largement symbolique, la Russie est perçue plutôt favorablement dans les régions du nord du Bénin en proie à la menace terroriste (notamment Alibori, Donga et Atakora). Ailleurs dans le pays, la population montre davantage de méfiance, en particulier à l’égard des activités de la société de mercenariat Wagner présente au Sahel. L’image de Wagner dans la région s’est érodée ces derniers mois, sous l’influence de ses échecs sécuritaires (Tinzawaten, Mali) et de la multiplication des exactions contre les civils. Malgré ces difficultés, la Russie promeut son offre de coopération au Bénin sur les réseaux sociaux et dans les médias grâce à des vecteurs locaux comme le quotidien « Hirondelle Infos », ou son média « Sputnik Afrique ».
QUID DE LA COOPERATION REGIONALE ?
Le Bénin a récemment sollicité une coopération militaire avec le Niger. Cette demande est intervenue plus d’un an après que les autorités nigériennes ont dénoncé l’accord de partenariat bilatéral signé sous la présidence de Mohamed Bazoum. Conclu en 2022, celui-ci prévoyait l’échange de renseignements, une assistance aérienne, l’organisation d’opérations conjointes par les armées des deux pays, en particulier dans le parc animalier du W considéré comme un repaire de djihadistes. L’accord permettait également aux forces béninoises de traquer les terroristes jusque sur le sol nigérien et vice versa.
Le contexte sécuritaire pousse les Etats de la région à mutualiser certains de leurs efforts. Le Sénégal et le Mali ont annoncé l’instauration de patrouilles mixtes pour faire face à la menace des groupes armés sur le front Est sénégalais. Pendant ce temps, le Général Tiani décide unilatéralement de se retirer de l’accord avec le Bénin, l’accusant de soutenir une intervention militaire contre le Niger. Depuis le coup d’état de juillet 2023 et la formation de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), les relations que le Niger entretenait avec ses partenaires du champ se sont largement détériorées, comme en témoigne la fermeture de la frontière commune Benin-Niger. La paranoïa des autorités nigériennes semble nourrie par des difficultés à enrayer la menace sur le terrain.
Or, au regard de la capacité de projection des groupes armés terroristes qui pullulent dans les pays de l’AES, tous les voisins dont le Sénégal sont sous la menace d’attaques. Les attaques des djihadistes dans le nord du Bénin témoignent de la métastase du cancer du terrorisme dans la région. Tous les Etats peuvent formellement être touchés, d’où l’importance de montrer le cas béninois, notamment en termes de transition démocratique, surtout que le président actuel a toujours soutenu ne pas se présenter pour la prochaine présidentielle.
Ces dernières années, le Bénin et ses voisins avaient pourtant tenté de mettre en place des cadres de coopération régionaux. Avec le Burkina Faso, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Nigeria et le Togo, le Bénin avait intégré l’Initiative d’Accra en 2017, mécanisme hors CEDEAO, qui a permis de coordonner l’opération « Koudanglou » de lutte contre le terrorisme et le crime transfrontalier. Toutes ces initiatives survivront-elles au départ de Talon ? Wait and see…
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