Le bras de fer s’intensifie dans l’est du Congo : « L’été risque d’être très violent »

Ils étaient 8 000, selon les organisateurs, à marcher de Nyongera à Rutshuru-centre, dans le Nord-Kivu. Massés derrière le coordinateur et des cadres de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), la structure mise sur pied pour tenter de fédérer les opposants au régime du président congolais Félix Tshisekedi.

Une mobilisation populaire qui tentait de démontrer la capacité de mobilisation et de formation de l’AFC sur un territoire de plus en plus important.

Tous en treillis impeccables, qui contrastent avec les guenilles des militaires congolais, “ces recrues ont reçu une formation politico-militaire de plusieurs semaines”, selon le discours de Corneille Nangaa qui multiplie ces derniers temps les sorties publiques et médiatiques dans les territoires gérés par son mouvement qui s’apprête à célébrer les deux ans d’occupation de la ville de Bunagana sur la frontière avec l’Ouganda.

”Un quotidien insupportable”

Cette marche encadrée a aussi permis d’afficher les nouvelles armes dont dispose désormais le mouvement stationné depuis plusieurs jours à quelques kilomètres de Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu.

”Goma, c’est aujourd’hui une ville de 2 millions d’habitants avec tous les réfugiés qui se sont repliés ici”, explique Jean-Paul M., un quadragénaire qui a fait ses études supérieures en Belgique avant de revenir dans sa ville “il y a près de 15 ans”. Le Gomatracien insiste sur “l’insécurité totale qui règne ici. Dans le centre-ville, pendant la journée, tout le monde vaque presque normalement à ses activités. Le soir, tout le monde se barricade, mais plus on se rapproche des extrémités de la cité, plus l’insécurité et la violence sont palpables”.

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”Chaque nuit, ça tire”, poursuit un autre habitant de Goma qui parle “d’un inévitable embrasement. Vous avez des militaires qui ne sont pas payés mais qui sont plutôt de bonne composition. Vous avez aussi des wazalendo (volontaires) qui sont toujours armés et qui ont l’habitude de vivre de rapine et d’extorsion. Ajoutez-y toujours les mercenaires blancs et une population qui peine à survivre dans une ville où tous les coûts ont explosé, où tout est importé de Tanzanie, du Kenya, du Rwanda. Si la détérioration se poursuit, le M23 et Nangaa seront accueillis à bras ouverts par la population fatiguée par ce quotidien.”

Tous nos interlocuteurs soulignent “l’absence” ou “la faillite de l’État” à Goma.” Tout est géré par les ONG”, explique un autre habitant de Goma qui sort d’une “formation sur la production et la gestion de l’eau à Goma donnée par la Croix-Rouge. L’État est complètement absent, les gens sont abandonnés à leur sort. Au vu de la difficulté à survivre, certains Gomatraciens tentent de se faire enregistrer dans les camps installés pour accueillir les réfugiés. S’ils y parviennent, ils sont certains d’avoir au moins une petite ration de nourriture par jour.”

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« L’été sera violent en RDC »

Sur le terrain militaire, une certaine accalmie prévaut sans qu’aucune piste sérieuse de dialogue se dégage entre ces rebelles et le pouvoir de Kinshasa. Félix Tshisekedi continue de présenter le M23 (il n’évoque jamais l’Alliance Fleuve Congo) comme une cinquième colonne de l’armée rwandaise. Kigali, de son côté, nie mollement son implication et continue de pointer la collaboration de l’armée congolaise avec le FDLR (les “héritiers” des génocidaires hutus) dans une chasse “perpétuelle” aux tutsi congolais pour justifier au moins la mobilisation de ses troupes sur la frontière congolaise. “Le président Kagame n’oublie pas la rhétorique de son homologue congolais pendant la campagne présidentielle de décembre dernier. Félix Tshisekedi avait menacé de frapper Kigali, il avait appelé au renversement du régime rwandais et comparé le président rwandais à Hitler”, se souvient un ministre togolais de passage à Bruxelles.

Dans ce contexte, difficile d’envisager le début d’une solution diplomatique. D’autant que tant les rebelles que Kinshasa semblent lancés dans un processus de réarmement intensif qui fait craindre une nouvelle explosion de violence dans les Kivu ans les prochaines semaines ou les prochains mois.

”Cela tue déjà beaucoup à Goma”, explique un ancien ministre congolais. “Il faut s’attendre à un été encore plus violent. L’Europe est concentrée sur l’Ukraine et les élections européennes, les États-Unis sur le Proche-Orient et la présidentielle. Les garde-fous actuels vont disparaître. La parole sera aux armes. Tout le monde peut répéter que la solution est diplomatique, s’il n’y a ni volonté politique, ni réelle envie de désescalade, le Congo fonce droit dans le mur”.

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