Les régimes militaires au pouvoir au Burkina, au Mali et au Niger ont fait un pas de plus vers le divorce avec le reste du bloc ouest-africain en actant samedi la création d’une confédération entre leurs trois États lors d’un sommet inédit à Niamey.
Ce sommet rassemblait pour la première fois les présidents de l’Alliance des États du Sahel (AES), une organisation créée en septembre 2023 qui réunit le Mali, le Burkina Faso et le Niger, où des militaires ont pris le pouvoir par des coups d’État entre 2020 et 2023 et qui font tous face à des violences djihadistes récurrentes.
Cette alliance est devenue samedi une confédération de quelque 72 millions d’habitants afin de franchir une étape supplémentaire vers une intégration plus poussée entre les États membres
, selon le communiqué final du sommet.
Ces trois pays avaient annoncé en janvier leur départ de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), une organisation qu’ils jugent instrumentalisée par la France, ex-puissance coloniale avec laquelle ils ont multiplié les actes de rupture.
Et ils ne semblent pas disposés à faire marche arrière.
Le sommet de samedi à Niamey, la capitale du Niger, sera le premier à réunir les chefs militaires d’un nouveau régime.
Photo : AFP
Samedi, en ouverture du sommet, le chef du régime militaire nigérien Abdourahamane Tiani a affirmé que les peuples de leurs trois pays avaient irrévocablement tourné le dos à la CEDEAO
.
Le général Tiani s’exprimait devant ses homologues burkinabé, le capitaine Ibrahim Traoré, et malien, le colonel Assimi Goïta.
Les trois hommes, tous vêtus de leurs habits militaires, se sont rendus vers 13 h (heure locale) au centre de conférences de Niamey, où le sommet s’est tenu sous haute sécurité.
Le général Tiani a appelé à faire de l’AES une solution alternative à tout regroupement régional factice en construisant une communauté souveraine des peuples, une communauté éloignée de la mainmise des puissances étrangères
.
Les relations AES-CEDEAO se sont considérablement détériorées à la suite du coup d’État du 26 juillet 2023 qui a porté le général Tiani au pouvoir.
En septembre dernier, les partisans du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) du Niger se sont rassemblés au stade général Seyni Kountche à Niamey pour soutenir les chefs militaires à l’origine du coup d’État. (Photo d’archives)
Photo : Getty Images / AFP
La CEDEAO avait alors pris de lourdes sanctions économiques contre le Niger et menacé d’intervenir militairement pour rétablir le président déchu, Mohamed Bazoum, dans ses fonctions.
Les sanctions ont depuis lors été levées, en février, mais les relations entre les deux camps restent glaciales malgré des appels de certains présidents – sénégalais et mauritanien notamment – à renouer le dialogue.
La CEDEAO doit tenir dimanche un sommet de ses chefs d’État à Abuja, où la question des rapports avec l’AES sera au menu des discussions.
L’AES constitue le seul regroupement sous-régional efficace dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, la CEDEAO ayant brillé par son déficit d’implication dans cette lutte.
Avant lui, le capitaine Traoré avait dit estimer que l’Afrique continuait de souffrir du fait des impérialistes
. Nous mènerons une guerre sans merci à quiconque osera s’attaquer à nos États
, a-t-il ajouté.
Assimi Goïta a quant à lui assuré que les armées des trois pays opèrent en totale complémentarité face aux attaques terroristes
.
Début mars, le Mali, le Burkina Faso et le Niger avaient annoncé la création d’une force conjointe antidjihadiste, dont les contours et les effectifs n’ont pas été précisés.
Les pays de l’AES ont fait de la souveraineté une ligne directrice de leur gouvernance.
Ils ont tour à tour chassé les soldats français engagés dans la lutte antidjihadiste de leur sol et se sont tournés vers d’autres pays comme la Russie, la Turquie et l’Iran, qu’ils qualifient régulièrement de partenaires sincères
.
En janvier dernier, des centaines de personnes se sont déplacées à Niamey, la capitale du Niger, pour soutenir le retrait de leur pays de la CEDEAO, brandissant du même coup des affiches d’appui à l’Alliance des États du Sahel (AES).
Photo : AFP / VIA GETTY IMAGES / HAMA BOUREIMA
Le Niger a également poussé les soldats américains vers la sortie, tandis que le Mali a fait de même avec la mission de l’ONU, la MINUSMA.
Ces trois pays font face depuis des années à des violences djihadistes meurtrières, en particulier dans la zone dite des trois frontières
, où des groupes liés à Al-Qaïda et à État islamique tuent civils et soldats dans des attaques et entraînent le déplacement de millions de personnes.
Outre la coopération militaire, cette confédération – dont le Mali prend la présidence pour un an – doit permettre de mutualiser les moyens dans des secteurs jugés stratégiques tels que l’agriculture, l’eau, l’énergie ou encore les transports, de même que la création d’une banque d’investissement de l’AES.
La question de la monnaie commune et d’une éventuelle sortie du franc CFA n’a pas été évoquée dans le communiqué final.
Samedi, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) a alerté sur le fait que ce sommet survient dans un contexte difficile pour les médias
dans les pays de l’AES, où plusieurs journalistes ont été arrêtés ces derniers mois, au Mali et au Burkina notamment.
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