le casse-tête de la résolution du conflit

L’Angola a annoncé de possibles négociations directes entre Kinshasa et le M23. Une annonce surprise qui pourrait être le premier étage d’une négociation à trois niveaux : avec le M23, le Rwanda et l’AFC.

Félix Tshisekedi et Joao Lourenço se sont rencontrés à Luanda © DR X

Acculé par 3 années de défaites militaires en cascade, Félix Tshisekedi pourrait bien finir par céder et franchir la fameuse ligne rouge qu’il s’était lui-même imposée : négocier directement avec le M23. La nouvelle est une surprise tant le président congolais et tous les membres de son gouvernement répétaient à l’envie qu’ils ne s’assiéraient jamais autour de la table avec les « marionnettes de Kigali », tous qualifiés de « terroristes » et tous condamnés à mort par la justice congolaise. Rien n’est encore joué, mais le médiateur angolais a annoncé ce mardi qu’il établirait « des contacts avec le M23 afin que des délégations de la RDC et du M23 mènent des négociations directes qui auront lieu à Luanda dans les prochains jours, en vue de négocier une paix définitive ». Pour l’instant, Kinshasa indique « prendre acte », mais temporise en affirmant« rester attachée au processus de Nairobi sur la possible rencontre ». Quant au M23, il ne s’est pas encore exprimé sur le sujet. Côté rebelle, on se méfie de la volte-face du président congolais et sur la fiabilité de ses engagements. Mais il est sûr que cette annonce change la donne. Il faut dire que depuis la prise de contrôle de Goma, fin janvier, les rebelles n’ont pas arrêté de progresser, en s’emparant de Bukavu au Sud et en lançant ses derniers jours une nouvelle percée vers l’Ouest, en direction de Walikale. L’annonce de ces possibles négociations acte un cuisant constat d’échec pour Félix Tshisekedi qui avait promis une « riposte vigoureuse » après la chute de Goma.

Une solution à trois étages

Pourtant, de futures négociations entre Kinshasa et le M23 ne signent pas automatiquement la fin du conflit, dont la résolution s’avère être un sérieux casse-tête. Car dans ce conflit, il y a bien trois acteurs face au gouvernement congolais, chacun avec ses propres revendications. Il y a tout d’abord le M23, qui demande le respect des accords de 2013, à savoir leur réintégration dans l’armée, leur transformation en mouvement politique, et le retour des réfugiés du Rwanda et d’Ouganda. Il y a ensuite le Rwanda, qui soutient en hommes et en armes la rébellion, et qui réclame la neutralisation des FDLR, ce groupe armé composé d’anciens génocidaires hostiles à Kigali. Et puis, il y a un nouveau venu : l’AFC de Corneille Nangaa, apparu comme par miracle en plein conflit. La vitrine politique de la rébellion à des revendications plus radicales et demande le départ de Félix Tshisekedi. La résolution du conflit résiderait dans une solution à trois étages : M23, Rwanda, AFC. Mais dans quel ordre ?

Le M23 d’abord

La question est donc de savoir par quel bout prendre ces négociations. Visiblement, Félix Tshisekedi et le médiateur Joao Lourenço ont décidé de commencer par le M23. On se souvient que le processus de Luanda avait capoté, en décembre dernier, parce que le Rwanda exigeait que Kinshasa ouvre des négociations directes avec le M23. Ce pré-requis acté, la RDC et l’Angola espèrent ensuite pouvoir convaincre le Rwanda de revenir sur le chemin du dialogue et retirer ses troupes du Congo en échange d’une neutralisation des FDLR. Reste l’AFC de Nangaa, dont l’autonomie est limitée par son parrain rwandais, mais qui peut encore poser des difficultés de politique intérieure à Félix Tshisekedi, notamment avec son opposition. Sur ce volet, l’initiative des Églises catholique et protestante pourrait alors entrer en piste avec leur « pacte social pour la paix », qui réunirait l’ensemble de la classe politique et la société civile avec le gouvernement.

Négocier quoi ?

Reste maintenant à savoir ce qui peut être négocié entre la RDC et le M23 ? Kinshasa a toujours annoncé qu’elle ne réintégrerait pas les rebelles dans l’armée régulière. Cette pratique du « brassage » a été l’un des facteurs qui a considérablement affaibli les FARDC, en plus de la corruption et d’une chaîne de commandement dysfonctionnelle. Corneille Nangaa, va-t-il s’inviter aux négociations avec ses revendications qui tournent autour de l’illégitimité du président et de sa mauvaise gouvernance. Peut-il demander une transition sans Tshisekedi ? Que demandera le M23, la branche militaire ? Et surtout, que peut espérer Kinshasa face à des rebelles qui occupent désormais une bonne partie de l’Est congolais et l’administrent avec leurs propres fonctionnaires, prélevant leurs propres taxes et exploitant les riches sites miniers ? Mais l’heure n’est pas encore aux négociations. L’Angola doit d’abord se rapprocher du M23 et trouver un modus operandi avec le gouvernement congolais. Ce qui est loin d’être fait.

Christophe Rigaud – Afrikarabia


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