Le 25 mars, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de Mme Maude Pulchérie, une riveraine de l’oléoduc censé alimenter la centrale électrique du Larivot. La plus haute juridiction administrative française a donné raison à EDF PEI estimant les arguments juridiques de la plaignante non fondés. L’ex-fonctionnaire de la DEAL s’estime mise en danger de mort par la proximité de la canalisation.
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Est-ce l’épilogue du marathon judiciaire entre la centrale électrique du Larivot et ses opposants ? Dans une décision du 25 mars, le Conseil d’Etat a tranché en faveur d’EDF Production électrique en zone insulaire (PEI) dans le conflit qui l’opposait à Maude Pulchérie, une habitante de la zone Beauregard, à Rémire Montjoly, dont la maison se situe à proximité de l’oléoduc destiné à alimenter la centrale.
Son habitation se trouve en effet à l’intérieur de la bande de « servitudes », une zone délimitée par arrêté préfectoral où le droit de propriété est restreint en raison du passage d’une infrastructure à risque.
En l’occurrence, la canalisation de 14 kilomètres de long qui acheminera les 50 000 à 100 000 tonnes de biomasse liquide nécessaire au fonctionnement de la centrale, chaque année.
La riveraine, ancienne fonctionnaire à la DEAL ayant participé, avec d’autres riverains, a la création du collectif « Non à l’oléoduc », a donc attaqué les arrêtés préfectoraux du 30 novembre et du 5 décembre 2020 déclarant le projet de canalisation « d’utilité publique » et autorisant son déploiement.
Elle estime que celle-ci lui ferait courir un risque de mort en cas d’explosion ou d’incendie de la canalisation, ce qui va à l’encontre de l’ensemble des normes prises a niveau national, suite à la catastrophe industrielle AZF, à Toulouse, en 2001.
Déboutée au tribunal administratif de Cayenne qui ne lui a pas reconnu son « intérêt à agir », Maude Pulchérie a ensuite fait appel devant la Cour de Bordeaux. Le 23 mai 2023, celle-ci a bien reconnu l’intérêt à agir de la riveraine, tout en donnant raison à EDF PEI sur le fond.
La décision du Conseil d’Etat, que nous avons pu consulter, porte, elle, avant tout sur la forme et sur la qualité des arguments juridiques des parties. Il donne raison une nouvelle fois raison à EDF et clôt le sujet au niveau national.
« Le Conseil d’Etat a donné raison à EDF de nous mettre sous un risque de mort… Où sont les libertés fondamentales des Guyanais ? « , se contente de réagir Maude Pulchérie. À ce jour, elle n’a pas annoncé si elle allait porter le contentieux devant la Cour européenne des droits de l’homme, (CEDH) dernier échelon judiciaire à sa portée.
EDF, de son côté, prend acte « avec satisfaction de la décision rendue par le Conseil d’État, qui vient confirmer la légalité de la servitude d’utilité publique de la canalisation » et se réjouit d’une décision qui leur « permet de poursuivre sereinement le chantier de construction ».
Sur le fond, le fournisseur d’électricité rappelle que plusieurs mesures de sécurité ont été prises comme la mise en place d' »un grillage avertisseur » signalant la présence de l’oléoduc ou de « capteurs permettant de déceler toute anomalie en temps réel ».
L’entreprise publique estime aussi avoir pris de la marge dans la réalisation du projet, celui-ci étant conçu « selon les standards les plus élevés, en appliquant les mêmes exigences que celles utilisées pour le transport d’hydrocarbures ».
De son côté, le collectif de riverains estime que l’abandon des carburants traditionnels au profit de biocarburants, qui fait suite à la modification du projet en octobre 2020, ne modifie pas les risques encourus et ne rend pas la canalisation « moins dangereuse ».
Une note de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), non publiée mais que nous avons pu consulter, accrédite leurs propos. Elle explique qu’avec le changement de carburants, la probabilité des phénomènes dangereux est réduite de « manière difficilement quantifiable » mais que les effets ne seraient en revanche « pas modifiés de manière significative ».
Entre juillet 2021 et mars 2023, une autre bataille judiciaire avait opposé EDF PEI et les services de l’Etat à l’association Guyane nature environnement (GNE). Celle-ci avait demandé l’annulation du permis de construire et de l’autorisation environnementale du projet.
L’association dénonçait notamment l’emplacement de la centrale, en plein dans une zone humide, riche en biodiversité et située en zone inondable.
Après une première victoire au tribunal judiciaire de Cayenne en 2022 ayant provoqué l’arrêt des travaux, la cour d’appel de Bordeaux a finalement autorisé la construction de la centrale, en mars 2023. Les travaux ont repris en juillet de la même année tandis que GNE a décidé de ne pas se pourvoir en Conseil d’Etat.
Au-delà de ces épopées judiciaires, la centrale fait toujours l’objet de plusieurs polémiques, notamment sur son intérêt environnemental.
La centrale du Larivot, censée remplacer la très polluante centrale thermique de Dégrad des Cannes, sera dépendante de biocarburants à base de colza importés depuis l’Hexagone, avec, donc, un important coût de transport, tant sur le plan écologique qu’économique.
La centrale, d’une capacité de 120 MW devrait fonctionner à partir de début 2027. À ce jour, elle n’est pas incluse dans la production énergétique renouvelable inscrite au sein de la Programmation pluriannuelle de l’énergie 2024 – 2033, actuellement en phase de révision.
Dans ce document, qui fait l’objet d’une concertation publique avec les professionnels, elle apparaît comme un simple « moyen de sécurisation », et n’aurait donc, visiblement pas vocation à fonctionner à plein temps.
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