Le coton bio, une voie vers l’indépendance pour les femmes agricultrices du Bénin – Edition du soir Ouest-France

En marge d’une culture du coton encore largement dépendante des pesticides émerge une filière bio béninoise, portée notamment par des femmes. Ce débouché parallèle leur permet de percevoir leurs propres revenus et de s’affranchir un peu de la mainmise économique des hommes. Reportage au village de Goussigon, à Djidja, où 28 femmes ont déjà franchi le pas.

C’est un petit papillon blanchâtre de moins de 2 cm de long, en apparence inoffensif. En France, il est connu sous le nom de Noctuelle de la tomate. Mais en anglais, il devient le Cotton Bollworm, littéralement le vers de la capsule de coton. Des surnoms qui, dans les deux cas, soulignent la gloutonnerie de la larve du lépidoptère. Au Bénin, le ravageur a longtemps fait des dégâts dans les champs de coton, avant d’être combattu à coups de pesticides. Une solution radicale qui a contribué au développement de la filière, plaçant le pays en position de leader sur le continent.

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La menace que fait planer l’insecte ne décourage pas pour autant une poignée de pionniers et de pionnières, qui ont engagé leur conversion en agriculture biologique. À Goussigon, un village de la commune de Djidja, dans le centre du pays, 28 femmes, cultivant 17 hectares de terres, ont décidé de se passer des produits chimiques.

Une diversification des cultures

Accompagnées, pour la technique, par l’Organisation béninoise pour la promotion de l’agriculture biologique (Obepab), elles ont pris le contrepied total de la monoculture, jusqu’ici pratiquée dans la plupart des fermes. Au coton, elles associent notamment le soja et l’arachide, qu’elles valorisent sous la forme de fromage, de galettes et d’huile. « Grâce à la formation, notre chiffre d’affaires a augmenté. Nous avons produit dix tonnes de coton grain cette année et nous sommes passées d’une à trois bassines de soja par jour », se réjouit Honorine Aghboyin, présidente du groupement professionnel. Pour compléter, les agricultrices élèvent aussi des poulets, des cabris et des pintades.

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Lorsqu’elles reçoivent des visiteurs, les villageoises font des chants et des danses d’accueil. (Photo : Ouest-France)

En guise d’engrais, elles concoctent un compost et valorisent les résidus des cultures, comme le Tchotchokpo, le tourteau de palme, obtenu après l’extraction de l’huile. Pour lutter contre les ravageurs, elles utilisent un répulsif bio, mais elles sont aussi contraintes d’employer des techniques rudimentaires : lorsqu’un plant est infesté, elles le secouent au-dessus d’une toile blanche pour faire tomber les nuisibles.

Une voie parallèle

Si certaines cultivatrices affirment qu’elles sont moins malades que lorsqu’elles déversaient des pesticides, toutes évoquent d’abord un autre avantage de leur transition bio. En s’engageant sur cette voie parallèle, comme il faut bien différencier le bio du conventionnel au moment de la vente, elles ont cessé de fusionner leurs récoltes avec celles de leurs maris. Bien qui percevaient autrefois tous les bénéfices. « Je travaille pour avoir un meilleur revenu. Ça me permet de m’occuper de mes problèmes, d’aider à financer mon foyer et à l’éducation des enfants » , confie par exemple Charlotte.

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Une indépendance qui va au-delà du financier. Selon Simplice Vodouche, coordinatrice de l’Obepap, les équilibres familiaux se sont aussi réajustés : « Avant, les femmes étaient complètement dépendantes des hommes. Elles n’avaient pas le pouvoir de pousser les enfants à aller à l’école. Pas d’accès au crédit. Maintenant, la femme commence à élever le ton. À dire ce qu’elle pense. »

À Goussigon, les femmes qui ont adopté le bio dressent un bilan très positif de leurs nouvelles pratiques. (Photo : Ouest-France)

Les agricultrices en ont profité pour apprendre à utiliser les balances et à lire les chiffres afin de tenir elles-mêmes la comptabilité de leurs récoltes. « Au début, elles n’osaient même pas parler en public », abonde Estelle Alladé, qui accompagne et forme les productrices.

Des prix déjà plus élevés

Si les rendements ne sont pas les mêmes qu’avec l’usage des pesticides, le prix de vente est déjà intéressant. Lorsque le kilo de coton conventionnel se cède autour de 300 francs CFA, le bio peut monter jusqu’à 360 francs. Un prix qui pourrait même encore grimper avec une labellisation qu’espèrent obtenir les habitantes de Goussigon après trois années de transition.

Le soutien au développement de cette filière est intégré au projet « Tazco ». Soutenu notamment par l’Agence française de développement, ce vaste programme vise plus largement une révolution des pratiques agricoles, dans le pays dominé par la monoculture et confronté à une baisse de fertilité des sols et au réchauffement climatique.

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