le député sortant des Français de l’étranger en campagne au pas de charge pour le Nouveau Front populaire

Deux ans durant, Karim Ben Cheikh a enchaîné les réunions de « circo » comme les avions. Mais depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin, et la convocation d’élections législatives, le rythme des voyages du représentant des Français de l’étranger dans la 9circonscription s’est brutalement accéléré.

Avec 16 000 km parcourus en douze jours de campagne, le député sortant Génération. s, investi par le Nouveau Front populaire (NFP), ne peut se prévaloir de son bilan carbone pour battre le Rassemblement national (RN) dans le seul bastion de gauche à l’étranger, grand comme seize fois la France, regroupant seize pays d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Ouest et plus de 155 000 inscrits en 2024.

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Les campagnes au pas de charge, Karim Ben Cheikh en est désormais coutumier. C’est la troisième fois en trois ans qu’il reprend son bâton de pèlerin, le scrutin de 2022 ayant été invalidé par le Conseil constitutionnel pour un « dysfonctionnement » dans le vote électronique. L’ancien diplomate n’a pas de quoi s’inquiéter : en 2023, il l’a emporté au second tour avec 25 points d’avance sur Caroline Traverse (Renaissance). Mais « la perspective d’une arrivée au pouvoir du RN me met une boule au ventre », confie-t-il.

Il n’est pas le seul. Parmi la quarantaine de Français résidant au Sénégal venus l’écouter à Dakar mardi 25 juin, se trouvaient une majorité de binationaux. Des Franco-Sénégalais, des Franco-Libanais, des Français descendants de tirailleurs sénégalais ayant combattu pour la France, choqués par la proposition du président du Rassemblement national, Jordan Bardella, d’exclure les binationaux de certains postes publics dits « stratégiques ».

« Le danger existe »

A 80 ans, Laurence Carpentier, descendante métisse d’un colon français – « trésorier-payeur général de Martinique arrivé à Dakar en 1848 » – est venue mercredi avec deux de ses amies se déplaçant difficilement avec des cannes : « Cette haine résonne ici, dit-elle, et nous fait craindre à nous, binationaux, un basculement dans l’inconnu. »

« Jordan Bardella va aussi supprimer le droit du sol. Après ce sera quoi ? Le droit à la filiation pour l’acquisition de la nationalité ? La France, c’est ma patrie et mon histoire. Je ne veux pas qu’elle soit souillée par Jordan Bardella, dont les mesures ne vont en réalité qu’accentuer le sentiment antifrançais », estime Birahima Camara, président d’une association de Français au Sénégal, petit-fils de tirailleur et père d’une fille avocate au barreau de Paris.

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« Je n’ai pas peur du mot barrage, car le danger existe, abonde Hassan Bahsoun, pilier des Français de Dakar. Pour la première fois depuis la Libération, on court le risque d’un gouvernement d’extrême droite. On aurait donc deux types de Français. Avant Bardella, un seul homme politique avait osé faire cela : Pétain, sous Vichy, excluant les juifs de certains métiers. »

Si les votes d’une majorité de Français de Dakar semblent acquis à Karim Ben Cheikh depuis les deux derniers scrutins législatifs de 2022 et 2023, ceux de Saly pourraient également lui renouveler leur confiance. Dans la petite cité balnéaire située à quelque 80 km de la capitale sénégalaise, beaucoup de Français – principalement des retraités attirés par le faible coût de la vie – ont voté Marine Le Pen ou Eric Zemmour lors de la présidentielle de 2022. Mais lors des deux derniers scrutins législatifs, ils ont placé en tête M. Ben Cheikh.

Des Français « oubliés » de la France

Après avoir organisé une dizaine de permanences au cours de ces deux années de mandats, l’élu a réuni, mardi, au golf de Saly une quarantaine de personnes, des abstentionnistes et des électeurs de droite. « Moi, j’ai toujours voté à droite, clame Gilles Lhoste. Mais je dois avouer que notre député a répondu présent. »

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L’ancien consul général de France à Beyrouth, au Liban, a su mettre à profit sa connaissance de l’appareil diplomatique et a bataillé à l’Assemblée nationale pour évoquer la question de la dépendance, des petites retraites, des bourses scolaires, de la Caisse des Français de l’étranger (CFE), dont les cotisations ne cessent d’augmenter et de son désinvestissement dans les réseaux consulaires amputés de moitié de leur budget et de leurs effectifs à temps plein en l’espace de trente ans. « On caricature souvent les Français de l’étranger comme des exilés fiscaux, balaie M. Ben Cheikh. Mais je vois surtout des exilés sociaux. »

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Des Français « oubliés » de la France, voilà comment se perçoivent Mathias, Alain, Serge et Jacques, quatre copains attablés comme chaque midi aux Délices de Coumba, crêperie bien connue des Salysiens. « Avec une pension de 293 euros, explique Alain Huyche, je n’ai même pas le droit au minimum vieillesse car j’habite au Sénégal. Une fois ici, je ne suis plus considéré par la France », se désole celui qui pourrait être tenté par le RN, « pas par racisme, mais pour un vrai changement ». « Attends, tu ne connais même pas le nom du candidat du RN dans la 9e », le sèche son voisin de gauche.

« Moi, j’y tiens à la double nationalité, lance à la cantonade Jacques. Et dimanche, je voterai pour la première fois. » Attendue comme importante en France, la mobilisation pourrait également croître dans la 9e circonscription des Français de l’étranger, au vu du grand nombre de procurations récoltées à ce jour. En 2022 et 2023, les taux de participation plafonnaient à 18 % et 10 %.

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