Le journaliste Anas Aremeyaw Anas et les photojournalistes Muntaka Chasant et Bénédicte Kurzen remportent le Prix Carmignac 2024 avec leur reportage transnational autour des déchetteries électroniques au Ghana. Considéré parfois comme « la poubelle du monde », le pays fait face à un véritable colonialisme occidental par les e-waste.
Cette année, le Prix Carmignac du Photojournalisme est consacré au Ghana et au problème des déchets électroniques qui y sont déversés en provenance des pays occidentaux. L’enquête E-waste in Ghana a été menée par le journaliste d’investigation anti-corruption et activiste Anas Aremeyaw Anas et par les photojournalistes Muntaka Chasant et Bénédicte Kurzen (NOOR). De février 2023 à février 2024, la fondation Carmignac a financé ce travail de grande ampleur qui suit la trajectoire des déchets de l’Europe au Ghana et met en lumière les conséquences de ce trafic sur la population locale. En 2022, la quantité de déchets électroniques produits dans le monde a été de 62 millions de tonnes, selon le dernier Global E-Waste Monitor Report publié par les Nations Unies. Pendant des décennies, ces objets en fin de cycle étaient stockés abusivement en Asie (Russie, Inde, Chine…), tandis qu’aujourd’hui, ces déchets venus d’Europe et des États-Unis se déversent en quantités industrielles et en violation des traités internationaux dans les ports de pays d’Afrique de L’Ouest, dont le Ghana. D’immenses décharges informelles sont organisées sur le territoire, de plus en plus proches des habitations, dans un lent processus de « colonisation » par l’e-waste. C’est dans ce contexte qu’a démarré l’enquête transnationale d’Anas Aremeyaw Anas, Muntaka Chasant et Bénédicte Kurzen, qui mêle photographie, vidéo, enregistrements audios et reportage écrit.
Une enquête transnationale
Par une enquête transnationale, les lauréat⸱es du Prix Carmignac décortiquent les ramifications du trafic d’e-waste. Un parcours opaque, qui transite particulièrement entre l’Europe et l’Afrique et donne naissance à un écosystème beaucoup plus complexe que le Ghana « poubelle du monde » décrit par les médias. Bénédicte Kurzen met à mal les stéréotypes négatifs sur les exportateurs de produits électroniques reconditionnés, et remet en question l’inefficacité de la bureaucratie européenne face à la gestion de ces produits. Dans son travail, elle a documenté les flux de déchets électroniques et les communautés qui les activent. À l’autre bout de la chaîne, à Accra, capitale du Ghana, le chercheur et photographe documentaire Muntaka Chasant s’intéresse aux communautés qui cohabitent avec ces déchetteries, en mettant en évidence les liens de dépendance économique générés par ces trafics. Anas Aremeyaw Anas a couvert les ports du Ghana et particulièrement celui d’Accra, en répertoriant les échanges d’e-waste légaux et illégaux. Grâce au travail d’infiltré⸱es, il révèle les stratégies de corruption mises en place par l’Europe et le Ghana pour traiter les déchets en contournant les lois. Journaliste d’investigation, avocat et militant anti-corruption, il s’est autrefois introduit incognito dans des asiles, des bordels, des prisons, des orphelinats et des villages afin de réunir des preuves pour appuyer ses reportages qui servent aux autorités pour poursuivre les personnes mises en cause.
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