Le Kenya au secours d’Haïti

Cela fait maintenant une dizaine d’années que l’île est en proie à une instabilité politique chronique et à une violence indescriptible : 80 % de la capitale, Port-au-Prince, sont aujourd’hui détenus par les gangs. Pour lutter contre cette violence, le Conseil de sécurité de l’ONU entérine, le 2 octobre 2023, le principe d’une force d’intervention, financée majoritairement par les États-Unis.

La mise en place de cette mission, baptisée Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), a toutefois été maintes fois retardée : un recours juridique au Kenya, l’absence d’un gouvernement à Port-au-Prince, ou encore quelques problèmes de financements ont retardé le départ des troupes kenyanes et mettent encore aujourd’hui en doute l’efficacité de cette opération. Car le Kenya n’est pas l’unique pays supposé envoyer des contingents en Haïti : les Bahamas, le Bénin ou encore le Tchad devraient participer à une force de 5 000 hommes – dont 1 000 pour le Kenya.

En Haïti, cette nouvelle intervention étrangère ravive le triste souvenir de précédentes missions internationales sur le territoire. De 2004 à 2017, la Minusma laisse un goût amer aux Haïtiens, lorsque de nombreux Casques bleus sont accusés d’abus sexuels, sur des mineurs notamment.

Il n’y a « aucune fierté à célébrer une nouvelle arrivée de soldats étrangers sur le sol national »

Le média local Le Nouvelliste compare ainsi cette intervention à un « mal nécessaire », estimant qu’il n’y a « aucune fierté à célébrer une nouvelle arrivée de soldats étrangers sur le sol national ». Toutefois, face au fléau des gangs, toutes les mesures sont bonnes pour rétablir la paix et la stabilité. Comme le rappelle le journaliste Vincent Hervouet dans son édito sur Europe 1, les habitants de Port-au-Prince fuient la capitale, et près de 600 000 personnes ont quitté Haïti, le plus souvent pour la Floride.

Ceux qui restent espèrent que la police kényane saura être efficace, mais les observateurs restent sceptiques quant aux moyens qui lui seront alloués. Le 21 juin, un accord de mission était signé entre Washington et Port-au-Prince, pour régler le statut juridique du contingent kényan. Le Nouvelliste précise qu’il bénéficiera « de l’immunité de juridiction pour tous les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions officielles ». Traduire : tous les moyens sont bons pour mettre fin à la violence.

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Derrière la violence, “Barbecue”

Si les gangs sont depuis longtemps une composante du paysage haïtien, cette recrudescence de la violence est due à un homme, « Barbecue ». De son vrai nom Jimmy Chérizier, cet ancien policier qui luttait contre les gangs les rejoint en 2018. Le 5 mars 2024, il promet de mener le pays à la guerre civile, exigeant la démission du Premier ministre Ariel Henry, au pouvoir depuis 2021 et qui aurait dû le quitter en février dernier.

En mars, alors en visite à Nairobi, il s’y retrouve coincé, après que Barbecue et ses hommes aient pris d’assaut l’aéroport de Port-au-Prince, lui interdisant de revenir. En exil à Porto-Rico, Ariel Henry démissionne finalement le 12 mars.

Depuis mars dernier, Barbecue est à la tête d’une coalition de 300 gangs, subtilement dénommée Viv Ansanm — « Vivre ensemble ». Il bénéficie aujourd’hui de l’absence de représentants étatiques : le président haïtien, Jovenel Moïse, a été assassiné en 2021, et l’absence de députés et sénateurs laisse la police seule pour tenter d’endiguer la situation.

Cette police s’est d’ailleurs dotée d’un nouveau chef, le 21 juin, avant l’arrivée des policiers kenyans : critiqué pour deux années de mandat sans résultats probants, Frantz Elbé a été remplacé par Normil Rameau, qui avait déjà occupé le poste de Directeur Général à la Police nationale d’Haïti de 2019 à 2021. Autant de mesures qui font espérer la fin d’un épisode catastrophique de l’histoire haïtienne.

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