Le Mali claque la porte de la Francophonie

Assimi Goïta, président de la Transition du Mali

Le Mali a officiellement annoncé son retrait de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), emboîtant ainsi le pas à ses alliés du Burkina Faso et du Niger.

Cette décision, qui s’inscrit dans une dynamique de rupture avec les institutions internationales jugées inféodées à la France, est une véritable fracture dans l’histoire des relations entre Bamako et la sphère francophone.

Une décision motivée par le souverainisme

Dans un communiqué publié par le ministère malien des Affaires étrangères, Bamako justifie son retrait en dénonçant une application « sélective » des sanctions par l’OIF, jugée partiale et motivée par des considérations géopolitiques. Le gouvernement malien reproche à l’organisation de ne pas respecter la souveraineté des États et de servir de levier d’influence pour des puissances étrangères.

Cette annonce intervient après la suspension du Mali par l’OIF en 2020, à la suite du coup d’État qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta. Depuis, les relations entre Bamako et l’organisation se sont détériorées, notamment en raison des sanctions imposées après les putschs successifs qui ont conduit les colonels au pouvoir à resserrer leur alliance avec le Niger et le Burkina Faso au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Une rupture avec l’héritage francophone

Le Mali, membre fondateur de l’OIF, avait participé au sommet de Niamey en 1970 qui avait donné naissance à l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), ancêtre de l’OIF. Le départ de Bamako symbolise donc une rupture avec un passé marqué par la coopération culturelle et linguistique entre les anciennes colonies françaises.

Ce retrait s’inscrit également dans une tendance plus large de rejet des vestiges coloniaux. Récemment, le Mali a adopté une nouvelle constitution qui relègue le français au rang de simple langue de travail, tandis que les langues nationales sont désormais considérées comme officielles. Cette reconfiguration linguistique illustre une volonté d’émancipation face à l’influence francophone.

Un repositionnement géopolitique

Le retrait du Mali de l’OIF s’ajoute à d’autres décisions marquantes prises par les autorités militaires du pays. En janvier dernier, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont également annoncé leur départ de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qu’ils accusent d’être instrumentalisée par la France et ses alliés.

Parallèlement, Bamako a consolidé ses relations avec la Russie, notamment sur le plan militaire, en remplaçant progressivement les forces françaises et européennes par des partenariats stratégiques avec Moscou. Ce réalignement illustre la volonté des autorités maliennes de s’éloigner de la tutelle occidentale au profit de nouveaux alliés jugés plus respectueux de leur souveraineté.

Quelles conséquences pour le Mali ?

Si cette décision est perçue comme une affirmation d’indépendance par les autorités maliennes, elle soulève néanmoins des interrogations quant à ses répercussions. L’OIF ne se limite pas à une organisation politique : elle joue un rôle clé dans la promotion de la langue française, l’éducation et la coopération économique entre ses membres.

En quittant cette institution, le Mali risque de se priver d’opportunités dans ces domaines, bien que les dirigeants actuels semblent privilégier des partenariats alternatifs, notamment avec des pays non francophones comme la Russie ou la Chine.

Vers une recomposition du paysage francophone ?

Avec le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, l’OIF voit s’éloigner trois de ses membres historiques, ce qui pose la question de son influence en Afrique de l’Ouest. Ces retraits successifs traduisent un rejet croissant des institutions perçues comme liées à l’ancienne puissance coloniale et pourraient inciter d’autres États africains à reconsidérer leur appartenance à l’organisation.

Ainsi, le départ du Mali de la Francophonie ne se limite pas à un acte isolé. Il s’inscrit dans un mouvement plus vaste de redéfinition des alliances et des rapports de force en Afrique, avec des implications qui dépassent largement le seul cadre linguistique.

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