Le Mali abandonne la Francophonie après ses alliés sahéliens, défiant la France. Une vague souverainiste secoue la région : jusqu’où ira cette rupture ?
Avez-vous déjà imaginé un monde où les nations se détournent de leurs anciennes alliances pour tracer leur propre chemin ? C’est exactement ce qui se passe au cœur du Sahel. En l’espace de quelques jours, le Mali, suivi de près par ses voisins et alliés, le Niger et le Burkina Faso, a décidé de claquer la porte de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Une décision qui résonne comme un coup de tonnerre dans les relations déjà tendues avec l’ancienne puissance coloniale française.
Une Vague de Souveraineté au Sahel
Ce n’est pas une simple formalité administrative. Derrière ce retrait, il y a une volonté farouche de reprendre le contrôle. Dans une lettre officielle, le ministère malien des Affaires étrangères a justifié cette sortie par une incompatibilité entre les valeurs de l’OIF et les principes de souveraineté nationale inscrits dans la Constitution. Un message clair : Bamako ne veut plus se plier à des règles qu’elle juge imposées de l’extérieur.
Ce mouvement n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une dynamique régionale portée par l’Alliance des États du Sahel (AES), un pacte unissant le Mali, le Niger et le Burkina Faso, tous dirigés par des régimes militaires. Ces trois pays, jadis piliers fondateurs de l’OIF, tournent aujourd’hui le dos à une organisation qu’ils perçoivent comme un vestige de l’influence française.
Un Passé Colonial en Question
Pour comprendre cette rupture, il faut remonter le fil de l’histoire. Le Mali, indépendant depuis 1960, a longtemps conservé le français comme langue officielle, un héritage direct de la colonisation. Mais ce lien linguistique et culturel avec la France est aujourd’hui remis en cause. En juillet 2023, une nouvelle Constitution a bouleversé la donne : le français est relégué au rang de langue de travail, tandis que les nombreuses langues locales – comme le bambara ou le peul – sont élevées au statut de langues officielles.
Le Mali ne peut rester dans une organisation dont les actions vont à l’encontre de notre souveraineté.
– Extrait d’une déclaration officielle du ministère malien des Affaires étrangères
Ce changement symbolique s’accompagne d’actes concrets. À Bamako, les rues portant des noms de figures coloniales françaises ont été rebaptisées en décembre 2024. Exit les Faidherbe et Archinard, place à des héros locaux comme Mamadou Lamine Drame ou El Hadj Cheick Oumar Tall. Un geste fort, répété au Niger et au Burkina Faso, où les traces de l’histoire coloniale sont effacées au profit d’une identité nationale revendiquée.
Des Coups d’État aux Nouvelles Alliances
Le Mali n’en est pas à sa première secousse. En août 2020, un coup d’État militaire a renversé le président en place, plongeant le pays dans une instabilité chronique. Un second putsch en 2021 a consolidé le pouvoir des colonels, qui ont rapidement rompu avec leurs partenaires traditionnels. La France, autrefois alliée militaire clé dans la lutte contre les groupes jihadistes, a été mise à la porte en 2022. À sa place ? Moscou, devenu le nouvel interlocuteur privilégié de Bamako.
Ce pivot vers la Russie n’est pas anodin. Il reflète une stratégie plus large des régimes sahéliens pour diversifier leurs soutiens et s’affranchir de toute tutelle occidentale. Mais cette réorientation a un coût : les promesses de transition démocratique, initialement fixées à mars 2024, ont été balayées. Aujourd’hui, aucune date n’est avancée pour un retour du pouvoir aux civils.
L’Alliance des États du Sahel : Une Force Régionale
Le retrait de l’OIF n’est que la dernière étape d’un divorce plus large. En janvier 2024, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu’ils accusent d’être sous influence française. Cette décision, effective un an plus tard, a renforcé leur union au sein de l’AES, une alliance militaire et politique tournée vers l’autonomie.
- Objectif principal : Affirmer la souveraineté face aux anciennes puissances coloniales.
- Moyen : S’appuyer sur des partenariats alternatifs, notamment avec la Russie.
- Conséquence : Un isolement progressif des organisations régionales traditionnelles.
Malgré les tentatives de médiation de certains pays ouest-africains, comme le Ghana, les trois États restent inflexibles. Leur rapprochement avec Moscou, tant sur le plan diplomatique que militaire, marque un tournant stratégique dans une région minée par les violences jihadistes.
Le Français au Mali : Une Langue en Recul ?
Avec seulement 3,7 millions de francophones sur une population de plus de 23 millions, le Mali n’a jamais été un bastion linguistique francophone. Pourtant, le français a longtemps dominé l’administration, l’éducation et les affaires. La réforme constitutionnelle de 2023 change la donne : en valorisant les langues nationales, le pays redéfinit son identité culturelle.
Statut | Avant 2023 | Après 2023 |
Français | Langue officielle unique | Langue de travail |
Langues locales | Non reconnues officiellement | Langues officielles |
Ce virage linguistique est révélateur d’une aspiration plus profonde : se libérer des chaînes symboliques du passé colonial. Mais il soulève aussi des questions pratiques. Dans un pays où l’éducation et l’administration reposent encore largement sur le français, cette transition sera-t-elle viable à court terme ?
Un Message au Monde
En quittant l’OIF, le Mali ne se contente pas de rompre avec la France. Il envoie un signal à la communauté internationale : le Sahel veut écrire son propre avenir. Cette vague souverainiste, portée par des régimes militaires, redessine les alliances et les équilibres régionaux. Mais elle n’est pas sans risques.
Face aux attaques jihadistes qui continuent de ravager la région, l’isolement diplomatique pourrait fragiliser ces États. Leur dépendance croissante envers la Russie, dont les priorités ne coïncident pas toujours avec celles du Sahel, interroge également. Et si cette quête d’indépendance se transformait en une nouvelle forme de tutelle ?
Et Après ?
Le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de l’OIF marque un tournant historique. Il cristallise des années de frustrations face à une organisation perçue comme un outil d’influence étrangère. Mais au-delà du symbole, c’est l’avenir de ces nations qui se joue. Entre souveraineté affirmée et défis colossaux – sécurité, économie, éducation –, le chemin reste incertain.
Une chose est sûre : le Sahel ne veut plus être un simple pion sur l’échiquier mondial.
Alors que les rues de Bamako résonnent de nouveaux noms et que les drapeaux français s’effacent peu à peu, une question persiste : cette rupture ouvrira-t-elle la voie à une véritable indépendance, ou précipitera-t-elle ces nations dans un isolement périlleux ? L’histoire, comme toujours, tranchera.
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