« Nous sommes de retour à la civilisation ! » Avec moins du tiers de son immense territoire couvert par Internet, le Niger mise sur Starlink, le fournisseur du haut débit du milliardaire américain Elon Musk pour combler le fossé numérique dans les zones rurales.
En novembre 2024, le régime militaire au pouvoir au Niger a accordé à Starlink une licence d’exploitation d’Internet haut débit pour cinq ans. Avec ses milliers de satellites, « Starlink permettra d’avoir une couverture avoisinant 80 % à 100 % » du territoire du Niger (1,267 million de km2), se réjouit Sidi Ahmed Raliou, le ministre de la communication. Un bond en avant pour ce grand pays désertique où le taux de pénétration d’Internet a même reculé entre 2022 et 2023, passant de 37 % à 32 %.
La baisse des investissements et les nombreuses destructions d’antennes relais par les groupes armés qui pullulent dans le pays sont notamment citées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep), pour justifier la persistance du fossé numérique.
Une quinzaine de pays africains ont signé des accords pour autoriser le déploiement de Starlink sur leurs territoires. « Les services essentiels qui soutiennent le développement comme la banque, les hôpitaux, les écoles, l’énergie et l’agriculture dépendent tous d’Internet et des données », souligne l’économiste Ibrahim Adamou Louché.
« Nous sommes de retour dans la civilisation »
Vendus entre 260 000 et 400 000 francs CFA (entre 400 et 600 euros), les équipements Starlink sont importés du Nigeria voisin, d’où ils entrent parfois frauduleusement. Dans la capitale Niamey, les ventes de kit de la marque n’ont toutefois pas encore « explosé » et « seuls quelques foyers sont connectés », observe Ali Sat, un commerçant. « C’est surtout dans les zones isolées du pays que Starlink a pignon sur rue », avance-t-il. « On nous sollicite en brousse pour installer Starlink parce que les gens se sont rendu compte que la connexion n’a jamais d’interruption », ajoute Moumouni Harouna, un technicien.
Il y a un mois, un ressortissant de Gorou, hameau de l’ouest du pays proche du Mali, a installé Starlink. Huit ans après la destruction des relais téléphoniques et d’Internet par des assaillants armés, la vie des villageois a changé. « Nous sommes de retour dans la civilisation », s’exclame Alfa Hama, un résident de Gorou. « Plus la peine de parcourir six kilomètres pour grimper au sommet d’une colline à la recherche d’un hypothétique signal, le Wi-Fi est juste là », se réjouit-il.
Dans les quatre coins du pays, Starlink engendre un commerce lucratif de services d’accès payant : moyennant quelques centaines de francs CFA (quelques euros), les usagers peuvent se connecter pour une durée donnée. « Les jours de marché hebdomadaire surtout, les gens s’agglutinent autour du routeur Wi-Fi », explique Moussa Djibrilla, un professeur de collège à Mangaïzé (ouest), une autre commune rurale où des équipements Starlink ont aussi été installés.
Du côté du vaste et désertique nord du pays, la technologie était déjà utilisée de manière illégale. Mais avec l’autorisation officielle délivrée par les autorités en novembre, tout s’est accéléré. « Starlink s’est imposé dans les foyers et auprès de fournisseurs des services » et « ses antennes font désormais partie du décor des campements et villages », confirme Abdourahamane Chégou, un ressortissant de Bilma, ville oasis au cœur du désert.
Ouverture sur le monde
La connexion haut débit est disponible même dans certains endroits du Ténéré, point d’escale obligatoire pour les voyageurs et les milliers de migrants pendant leur périlleuse traversée du désert vers la Libye.
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Un peu plus au sud, à Tabelot, sites d’orpaillage, marchés et gare routière, disposent eux aussi de points de connexion payante et des quartiers entiers cotisent pour s’offrir un Starlink, souligne Youssaf Houssa, un chef traditionnel local. « Starlink nous ouvre sur le monde, les gens se rapprochent davantage grâce aux groupes WhatsApp et font des affaires en ligne », affirme ce chef touareg. En plus d’être peu encombrant, le matériel peut fonctionner avec un groupe électrogène, de batteries de voitures et à l’énergie solaire, explique-t-il.
Souvent critiqués pour la qualité de leurs prestations, les quatre opérateurs présents au Niger depuis une trentaine d’années voient, quant à eux, d’un mauvais œil l’arrivée du nouveau concurrent. « Les solutions par satellite sont complémentaires, mais ne remplacent pas les avantages que nous offrons en termes de coût, de performance et de service personnalisé », assure un responsable d’une des sociétés qui souhaite garder l’anonymat.
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