Le Niger, le Mali et le Burkina Faso confirment la rupture avec la France et quittent l’OIF

Le Mali a, lui aussi, claqué la porte de l’OIF (l’Organisation internationale de la francophonie) mardi 18 mars 2025, emboîtant le pas  au Niger et au Burkina Faso qui, un jour auparavant, ont annoncé leur départ de cet organisme regroupant les pays “ayant le français en partage”.

« Le Mali ne peut demeurer membre d’une organisation aux agissements incompatibles avec les principes constitutionnels (…) fondés sur la souveraineté de l’Etat », a expliqué le ministère malien des Affaires étrangères dans une lettre.

« Par conséquent (…) le gouvernement décide du retrait du Mali de l’Organisation internationale de la Francophonie », poursuit la lettre adressée au ministère des Affaires étrangères français.

Une réaction que partagent aussi le Niger et le Mali, les deux autres pays membres de l’EAS (Alliance des Etats du Sahel), tous dirigés par des militaires à la suite de coups d’États.

Issus de coups d’Etats, ces régimes militaires mènent une politique souverainiste marquée par la rupture avec la France, l’ancienne puissance colonisatrice.

La sortie de ces pays de l’OIF n’est nullement une surprise, pour les spécialistes des questions du Sahel.

“Ces pays de l’AES étaient en train d’égrener leurs agendas, en rompant systématiquement avec ce qu’ils appellent le cordon ombilical avec la France, puissance coloniale, ou toutes les institutions chapeautées ou sous la coupe de la France, a expliqué à TRT Français Eric Topona, essayiste et spécialiste du Sahel. “C’est donc une réaction logique de rupture avec la France et de tout ce qui s’en rapproche”.

Souverainisme ?

L’OIF, « au lieu d’accompagner ces pays (Mali, Niger et Burkina Faso, ndlr) dans la réalisation des objectifs légitimes de leurs peuples, (…) s’est illustrée par l’application sélective de sanctions sur la base de considérations géopolitiques et le mépris pour leur souveraineté », dénoncent les ministres des Affaires étrangères de l’AES dans un communiqué conjoint diffusé mardi soir.

Comme mesure conservatoire et conformément à ses statuts, l’OIF avait suspendu ces trois pays du Sahel en attendant un retour à l’ordre constitutionnel. Une décision mal accueillie par ces pays qui l’ont interprétée comme une atteinte à leur souveraineté.

« Le Mali ne peut demeurer membre d’une organisation aux agissements incompatibles avec les principes constitutionnels (…) fondés sur la souveraineté de l’Etat », souligne le ministère des Affaires étrangères dans une lettre reflétant également la vision du Niger et du Burkina Faso.

Eric Topona insiste sur le fait qu’il s’agit d’une “fuite en avant de ces pays pour se soustraire à leurs obligations”, même s’il relève le cas de la Guinée qui donne l’impression “ d’une logique de “deux poids, deux mesures. Pour être cohérente et crédible, une organisation comme l’OIF ne peut garder en son sein des pays dirigés par les auteurs de coups d’Etat, elle qui prône les principes démocratiques”.

L’Organisation internationale de la francophonie semble faire profil bas devant cette tournure des événements.

« C’est une décision qu’on déplore mais qu’on respecte », a réagi Oria Vande Weghe, porte-parole de l’OIF. « L’OIF considère peut-être un dommage collatéral d’une situation géopolitique qui la dépasse », a-t-elle commenté, ajoutant que celle-ci resterait « près des Nigériens ».

Pour autant, il convient de signaler que c’est au Mali en 2000 que fut adoptée la “Déclaration de Bamako”. Il s’agit du premier texte normatif de l’OIF en matière de pratiques de la démocratie, des droits et des libertés, alors qu’en 1992, l’organisation avait déjà mené une mission de supervision du processus électoral en Roumanie. L’organisation se dotait ainsi de pouvoirs contraignants face à ses membres qui ne respectent pas “les valeurs démocratiques communes”. 

L’usage du français en question

Quoi qu’il en soit, l’avenir de la langue française se pose déjà au sein des pays de l’AES. Iront-ils jusqu’à imiter l’Algérie qui interdit l’enseignement du français dans les écoles privées ? Le processus du remplacement du français comme langue officielle et langue de travail semble prendre corps. 

Langue officielle du Mali depuis l’indépendance en 1960, le français est relégué à langue de travail, depuis la promulgation de la nouvelle Constitution,  le 22 juillet 2023. 

“La langue française n’était pas une langue choisie. D’abord c’est une langue coloniale qui a été imposée, ensuite, au départ du colonisateur dans les années 1960, ils nous ont légué cette langue française et l’administration française, ce qui fait que tout le mode de gouvernance s’était justement calqué sur le prototype de la mauvaise gouvernance coloniale”, a expliqué à Anadolu le linguiste malien Boubacar Bocoum.

“La langue française qui est une langue hégémonique était, explique-t-il, une langue de manipulation, de propagande, d’aliénation qui a fait que, à un moment donné, on ne pouvait que réfléchir par le référentiel français”.

Boubacar Bocoum, Universitaire et linguiste malien

“La langue française qui est une langue hégémonique était, explique-t-il, une langue de manipulation, de propagande, d’aliénation qui a fait que, à un moment donné, on ne pouvait que réfléchir par le référentiel français”.

Pour l’universitaire malien, le français “(…) a posé beaucoup de préjudices. Nous avons étudié dans cette langue, nous avons été endoctrinés par les grandes théories de ces pays et, finalement, nos dirigeants ne réfléchissent que par la France”.

Au Burkina Faso aussi, le parlement de transition a relégué le français au rang de langue de travail en décembre 2023. Les langues nationales sont promues langues officielles.

 Rupture totale avec “la France et ses satellites”

C’est dire que,  le départ groupé des pays de l’AES de l’OIT s’inscrit dans le processus de rupture avec la France, enclenché dès  2020, par la prise de pouvoir par les militaires maliens, burkinabé et nigériens. 

Hérissés par les critiques de la France qui reprochent aux militaires de l’AES d’être “illégitimes” à la suite des coups de force, ces derniers ont d’abord dénoncé la coopération militaire.

Après le Burkina Faso le 23 janvier 2023, c’était au Mali et au Niger de dénoncer tour à tour le 2 mai et le 22 septembre 2023, la coopération militaire avec la France. Un prélude à la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Niamey en septembre 2023. Peu avant, en février 2022  le Mali et la France avaient déjà rompu leurs relations diplomatiques.

Même au niveau régional, les trois Etats du Sahel ont maintenu le cap de la rupture  en quittant  la Cedeao, le 16 septembre 2023, pour l’Alliance des Etats du Sahel ( AES). La Communauté économique des Etats d’Afrique centrale est en effet considérée comme par ces pays comme  “simple satellite de la France”.

Financement des projets

Au-delà de la promotion de la langue française, la 5ème langue dans le monde avec 321 millions de locuteurs, l’OIF finance plusieurs projets ciblant prioritairement les jeunes, l’éducation et l’autonomisation des jeunes filles, à côté de la promotion des affaires.

Du reste, l’OIF est un soutien de poids à la culture et beaucoup se demandent quel sort sera accordé au Fespaco, le Festival panafricain du cinéma de la télévision de Ouagadougou (Burkina Faso).

“C’est dommage, beaucoup de jeunes seront les principaux perdants regrette Eric Topona. Les jeunes de l’AES bénéficient des bourses d’étude, des services des campus numériques et même des formations dans l’audiovisuel”. 

Lire aussi: Plaidoyer de John Mahama pour un rapprochement Cedeao-AES

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