Historiquement, le couvert de neige au sol atteint son épaisseur maximale en mars au Nouveau-Brunswick. Mais cette année, à la moitié du mois, il était plus mince que d’habitude à Moncton et à Caraquet. Un manque d’eau pendant l’été pourrait en résulter.
«Selon les normales climatiques, c’est en mars qu’il y a le maximum d’accumulation de neige au sol au Nouveau-Brunswick, jusqu’à ce qu’il y ait une fonte massive. Cet hiver, nous sommes en avance», constate un expert en changements climatiques de l’Université de Moncton, Guillaume Fortin.
Au moment où il parle, le 21 mars, les champs autour de Moncton sont des éponges gonflées par l’eau de fonte de la neige qui est tombée en hiver et qui s’infiltrera dans le sol vers les nappes phréatiques et les cours d’eau.
Ce seront les réserves censées permettre aux plantes dans les champs et les forêts de s’abreuver jusqu’à l’automne prochain.
Or, ces réserves se constituaient en avril et en mai entre 1991 et 2020 à Moncton, selon les données d’Environnement Canada.
En mars de ces années-là, la couverture moyenne de neige était de 25 centimètres (cm) après un pic de 32 cm en février.
Mais du 1er au 20 mars 2025, la couverture moyenne de neige a été de 4 cm.
Réserves aquifères
«Ce manque de neige au sol pourrait causer des problèmes pour la recharge des nappes phréatiques, prévient M. Fortin. Si tu remplis un réservoir et que tu commences à puiser dedans plus tôt que d’habitude, tu auras moins de réserves quand tu en auras le plus besoin, en plein été.»
Il précise que les nappes phréatiques sont le réservoir et que la neige contribue à le remplir.

«Quand on reçoit des précipitations sous forme de pluie plutôt que de neige en hiver ou au début du printemps, elles vont souvent être flushées plus vite, s’en aller par ruissellement dans les cours d’eau au lieu de s’accumuler dans le couvert de neige ou de s’infiltrer dans la terre», ajoute M. Fortin.
Le problème est le même à Caraquet qu’à Moncton. Le déficit de neige au sol a été de 32 cm du 1er au 20 mars 2025 autour de la ville de la Péninsule acadienne. Il y a eu un manteau blanc de 40 cm d’épaisseur en moyenne alors qu’il était de 72 cm en mars de 1991 à 2020.
Edmundston, qui reçoit traditionnellement plus de neige que partout ailleurs dans la province, semble échapper au phénomène.
La station météorologique de cette région enregistre une couverture moyenne de neige de 62 cm du 1er au 20 mars 2025, très proche de celle des normales climatiques de 1991 à 2020 (63 cm).
Toutefois, là aussi la neige fond plus vite que d’habitude cette année. La couverture de neige y était de 29 cm le 20 mars 2025, alors qu’elle était de 53 cm en moyenne à la fin de ce mois de 1991 à 2020.
Conséquences naturelles
Le manque de neige en mars peut avoir des conséquences à court terme sur les écosystèmes.
«La neige protège la végétation contre le froid. Au Sud-Est, un froid de -15°C pourrait par exemple tuer des cultures pérennes de luzerne ou de trèfle (servant de nourriture au bétail), comme il n’y a plus de neige au sol pour les recouvrir», indique M. Fortin.
Si la fonte précoce contribue à provoquer des sécheresses pendant l’été, en plus du renforcement de l’évaporation de l’eau des sols et des plantes à cause de températures élevées, plusieurs autres conséquences pourraient s’ensuivre.
«Il pourrait manquer d’eau dans les cours d’eau, quand ils atteignent leur niveau le plus bas. Ça peut avoir des effets négatifs sur les saumons ou sur d’autres espèces aquatiques», avance M. Fortin.
Les cultures et les forêts pourraient souffrir aussi.
«Ce n’est pas impossible qu’on reçoive encore des précipitations neigeuses d’ici la fin du mois, nuance M. Fortin. Et si on reçoit beaucoup plus de pluie que d’habitude, elle contribuera à recharger les nappes, compensant en partie la fonte hâtive du couvert neigeux.»
Réchauffement climatique
L’évolution de l’enneigement au Nouveau-Brunswick est liée au réchauffement climatique.
Le nombre de jours où la température descend sous -15°C, par exemple, a diminué à Moncton et à Caraquet entre 1950 et 2013, mais pas à Edmundston. Dans la ville du Sud-Est, ils étaient 41 en 1950 et 31 en 2013.
Ce nombre devrait décroître aux trois endroits dans les 20 prochaines années, comme celui du nombre de jours de gel, selon un scénario optimiste d’émissions de gaz à effet de serre de l’Atlas climatique du Canada.
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