le président Embalo décidé à rester en fonction, contre l’avis de l’opposition

Mardi 25 février, Umaro Sissoco Embalo a atterri à Moscou. Le 13, il était au Soudan du Sud et, quelques jours auparavant, aux Emirats arabes unis. Fin janvier, c’était le Kenya et l’Ouganda. C’est un trait devenu une marque de fabrique du président bissau-guinéen, presque une signature : il affectionne les visites d’Etat et les rencontres avec ses pairs. Mais la date de son séjour en Russie interroge. Il n’est pas évident que ce soit sous ces latitudes qu’il parvienne à régler la crise dans laquelle le pays est plongé.

Pour l’opposition, c’est entendu : le quinquennat d’Umaro Sissoco Embalo prend fin ce 27 février en début d’après-midi. Mais ce dernier invoque un autre calendrier : celui de la Cour suprême, en charge d’une partie du processus électoral, qui a indiqué que le mandat du président prenait fin le 4 septembre.

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En 2020, après l’élection présidentielle, Umaro Sissoco Embalo avait en effet prêté serment le 27 février. Mais Domingos Simoes Pereira, son rival arrivé en tête à l’issue du premier tour du scrutin, avait contesté le résultat et la Cour suprême n’avait reconnu la victoire de M. Embalo que le 4 septembre.

Dimanche 23 février, le dirigeant a finalement annoncé que les élections présidentielle et législatives se tiendraient le 30 novembre. Selon l’opposition, M. Embalo a vu ses soutiens s’effriter au cours de son mandat et cherche à gagner du temps avant d’organiser le scrutin.

Après avoir déclaré qu’ils ne reconnaîtraient plus la légitimité du pouvoir à partir du 27 février, les grands partis d’opposition ont appelé les citoyens à un mouvement de grève et de paralysie du pays. Le pouvoir a réagi en déployant un imposant dispositif sécuritaire, dans un pays où les « bastonnades » ne sont pas rares.

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Depuis son arrivée au pouvoir, le président a dissous le Parlement à deux reprises, en 2022 puis en 2023, après des affrontements entre des éléments de la garde nationale et de la garde présidentielle, qualifiés de tentatives de coup d’Etat. Avant la dernière dissolution, la représentation nationale était dominée par une coalition d’opposition dirigée par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC).

Domingos Simoes Pereira, numéro un de cette organisation historique issue de la lutte anticoloniale et matrice de la quasi-totalité des partis du pays, avait été élu président du Parlement.

L’opposition se mobilise

Depuis plusieurs semaines, l’opposition s’efforce de se mettre en ordre de marche en prévision de la date du 27 février. Certains de ses militants et de ses cadres qui résidaient à l’étranger sont rentrés. Les rencontres se multiplient entre le PAIGC, d’autres partis et le Front populaire, mouvement d’organisation de la société civile.

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« La situation n’était pas idoine, mais elle est devenue franchement inquiétante », souligne un fonctionnaire sénégalais connaisseur de la vie politique bissau-guinéenne. L’attitude des forces armées et sécuritaires est scrutée de près. Depuis son indépendance en 1974, la Guinée-Bissau a connu de nombreuses crises, putschs, tentatives de coups d’Etat et épisodes de violence.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est aussi attendue. L’organisation régionale a déjà assumé un rôle de premier plan en Guinée-Bissau et maintient une mission d’appui à la stabilisation de plusieurs centaines d’hommes depuis 2022.

Des institutions paralysées

Une délégation de la Cedeao est arrivée à Bissau le 23 février pour cinq jours. « Nous devons discuter avec toutes les parties de la situation immédiate, mais surtout tâcher de répondre aux causes profondes de la crise », explique au Monde Abdel-Fatau Musah, le commissaire aux affaires politiques de la Cedeao.

« De crise en crise, c’est toute la chaîne institutionnelle qui s’est grippée et beaucoup des structures de la vie démocratique qui ont été abîmées ces dernières années », éclaire Paulin Maurice Toupane, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS). De la Cour suprême à la commission électorale, de nombreuses institutions sont paralysées ou soupçonnées de collusions.

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« Le pays est toujours très pauvre et la concurrence est intense pour l’appropriation de l’appareil d’Etat, in fine un des principaux pourvoyeurs de revenus », souligne Vincent Foucher, chercheur au CNRS. En outre, le régime semi-présidentiel occasionne de nombreuses tensions entre le pouvoir législatif et la présidence. Une instabilité qui pousse Abdel-Fatau Musah à plaider pour « une réforme constitutionnelle ».

Mais, sur le terrain, l’opposition attend de la Cedeao plus de fermeté à l’égard du président Embalo. Elle espère imposer des élections législatives et présidentielle sous 90 jours, organisées avec la participation du Parlement tel qu’il était avant sa dissolution.

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