Le saviez-vous ? Votre mode de vie peut déterminer l’efficacité de votre médicament, révèle une étude

Chaque médicament peut entraîner un ou plusieurs effet(s) indésirable(s) et même si ces derniers sont généralement mineurs par rapport aux bénéfices apportés par le traitement, ils sont tout de même susceptibles de réduire la qualité de vie des patients (perturbations du système digestif, maux de tête, fatigue…). Parmi les facteurs les plus cités dans ce domaine figurent la composition et/ou les caractéristiques médicaments en eux-mêmes mais les particularités du patient et/ou des interactions entre le médicament et certains produits consommés (par exemple alimentation, alcool, tabac) sont également en cause. Voilà qu’une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université d’Aarhus met en lumière la relation complexe entre nos choix de mode de vie et leurs impacts sur l’efficacité des traitements. Publiée dans la revue Drug Metabolism and Disposition celle-ci révèle plus précisément que trois habitudes précises que sont le tabagisme, l’obésité et la consommation d’alcool peuvent être déterminants quant à la manière dont les principes actifs des médicaments sont métabolisés dans l’organisme pour un patient individuel.

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Cette découverte ouvre un nouveau chapitre dans la médecine personnalisée, soulignant la nécessité de plans de traitement aussi uniques que les individus qu’ils visent à aider. L’équipe scientifique est partie du constat qu’il est déjà bien connu dans les milieux scientifiques qu’un mode de vie malsain affecte les niveaux d’enzymes (protéine présente dans les cellules et qui a pour fonction de faciliter les réactions chimiques qui s’y produisent) dans l’organisme et donc la possibilité de métabolisme des médicaments. Comme le précise le CEA à ce sujet, le médicament est considéré par l’organisme comme une substance étrangère après son absorption. Celui-ci va essayer de l’empêcher de se diffuser et chercher à le métaboliser, c’est-à-dire à le transformer pour qu’il soit inactif et éliminé plus facilement. Ainsi, les molécules actives sont biotransformées en métabolites par des enzymes, par différentes réactions. Après absorption, l’intestin ainsi que les bactéries présentes participent à cette dégradation, mais le foie en sera le principal acteur. L’étude a consisté à analyser des échantillons de foie de 116 personnes décédées souffrant de troubles mentaux.

« C’est passionnant de voir comment le mode de vie affecte la quantité d’enzymes métabolisant les médicaments dans le corps »

En examinant les quantités d’enzymes exprimées dans le foie des personnes décédées, les chercheurs ont pu avoir des indications sur la qualité ou la mauvaise qualité du métabolisme des médicaments importants par les personnes décédées. Les résultats sont sans appel : les choix de mode de vie affectent les niveaux d’enzymes métabolisant les médicaments. « C’est passionnant de voir comment le mode de vie affecte la quantité d’enzymes métabolisant les médicaments dans le corps, car un changement dans leur quantité peut réduire l’efficacité des médicaments utilisés par les patients. », affirme Kata Wolff Pedersen, chercheuse spécialisée en sciences de la santé et principale auteure de l’étude. Comment expliquer ce constat ? Les fumeurs présentaient deux fois plus de niveaux d’enzyme CYP1A2 que les non-fumeurs, ce qui entraînait un métabolisme accéléré des médicaments antipsychotiques au risque de rendre les doses standards inefficaces, laissant les patients vulnérables. Autrement dit, « le niveau d’enzymes chez les fumeurs augmente simplement parce que davantage d’enzymes sont exprimés dans le corps. », note l’experte.

Les tissus hépatiques ont été prélevés lors d’autopsies médico-légales. Par la suite, une analyse toxicologique complète a été réalisée, croisée avec des informations sur les antécédents alcooliques et tabagiques du défunt, par exemple à partir des déclarations du rapport d’autopsie de la police, des proches ou du médecin généraliste. Sur cette base, Kata Wolff Pedersen a conclu que les niveaux d’un autre enzyme appelé CYP2E1 chez les personnes consommant de l’alcool étaient environ 30 % plus élevés que chez les personnes sans consommation d’alcool connue. « Il s’avère que 40% des personnes décédées incluses dans notre étude étaient des alcooliques déclarés. C’est un groupe intéressant car ils ont un mode de vie particulier. Avec autant d’individus, nous pouvons prouver que la consommation d’alcool augmente la quantité d’enzymes dans l’organisme. », ajoute-t-elle. À l’inverse, l’étude montre que les personnes ayant un indice de masse corporelle très élevé produisent des quantités beaucoup plus faibles d’un enzyme portant le nom de CYP3A4 : ces dernières présentaient un taux divisé par deux par rapport aux personnes de poids normal.

Un argument de plus vers la médecine personnalisée

Cette particularité a pour conséquence d’amener ces personnes à métaboliser leur médicament trop lentement, augmentant ainsi le risque d’effets secondaires. Et pour cause, le CYP3A4 est impliqué dans le métabolisme d’un grand nombre de médicaments importants, et ce constat donc être important pour les personnes en surpoids qui ne reçoivent donc pas la bonne posologie de traitement, au risque encore une fois de recevoir potentiellement un traitement incorrect. Bien que d’autres études plus poussées sont nécessaires pour confirmer ces résultats, l’équipe scientifique estime qu’ils ont d’ores et déjà importants car ils permettent de mettre en lumière un aspect critique de la pharmacologie qui a jusqu’à présent été quelque peu éclipsé par une approche universelle de la médecine sur ordonnance. Ainsi, l’impact des facteurs liés au mode de vie sur le métabolisme des médicaments souligne la nécessité de dosages personnalisés, en particulier chez les personnes présentant des habitudes de vie malsaines. Du côté des médecins, ces derniers devraient prendre en compte ces facteurs de vie individuels lors de l’élaboration des plans de traitement.

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L’université d’Aarhus rappelle d’ailleurs l’importance de mener davantage de recherches scientifiques en ce qui concerne la médecine personnalisée, qui implique que le traitement et la prévention sont adaptés à la génétique, à l’environnement et au mode de vie de chaque patient. L’objectif est de traiter une série de maladies allant du cancer aux maladies cardiovasculaires et immunitaires en passant par le diabète et les troubles psychiatriques plus efficacement et avec le moins d’effets secondaires possibles. « Ces résultats marquent une avancée significative dans ce domaine. En comprenant comment le tabagisme, la consommation d’alcool et l’obésité affectent le métabolisme des médicaments, les professionnels de la santé peuvent adapter les traitements aux facteurs spécifiques du mode de vie de chaque individu. Cette approche promet non seulement d’améliorer l’efficacité des traitements médicamenteux, mais également d’ouvrir la voie à des stratégies de soins de santé plus nuancées et plus efficaces qui reconnaissent l’interaction complexe entre les choix de mode de vie et les médicaments. », conclut ainsi l’équipe scientifique.

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