LE SENEGAL ET L’AES DECONSTRUISENT LA FRANCOPHONIE

Après avoir quitté la Cedeao au bout d’une passe d’armes, les militaires souverainistes de l’Aes, plus incompétents et avides de pouvoir que les civils, reviennent à la charge contre l’ordre francophone et ses suppôts de l’impérialisme françafricain. Ces militaires dont la seule légitimité émane des baïonnettes, «mus par les idéaux de rapprochement de leurs peuples par la coopération multilatérale fondée sur la promotion de la diversité linguistique et culturelle, et le dialogue des civilisations», ont conjointement décidé de quitter l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif). Dans un communiqué de presse conjoint des ministres des Affaires étrangères du Niger, du Mali et du Burkina Faso en date du 18 mars 2025, ils ont dénoncé les «sanctions sélectives sur la base de considérations géopolitiques» qui leur ont été infligées par cet «instrument politique téléguidé» qu’est l’Oif, depuis l’avènement des différentes transitions (ou intronisations).

Le Niger -il est très intéressant de le rappeler- est un pays fondateur de la Francophonie institutionnelle. Le 20 mars 1970 à Niamey, le poète-Président Léopold Sédar Senghor et ses homologues tunisien, Habib Bourguiba, et nigérien, Hamani Diori, ainsi que le Prince Norodom Sihanouk du Cambodge, décidèrent de mettre en place cette institution. Toujours est-il que le plus illustre des Sénégalais, dans «De la francophonie» -discours qu’il avait prononcé pour le cinquantième anniversaire de la Faculté des Lettres de l’Université Laval, à Québec, le 5 septembre 1987-, précise ceci : «On oublie, trop souvent, le rôle majeur que joua le Général de Gaulle dans la naissance et l’organisation de la Francophonie. Il est vrai qu’homme de culture et de courtoisie, homme de pudeur par excellence, Charles de Gaulle voulut, toujours, laisser les Africains prendre les initiatives, après Brazzaville.» Mais enfin… Au fond, l’idée était de mettre le français (langue que Français et Africains ont en partage) au service du dialogue fécond des cultures et du développement.

C’est le Sénégal, pays fondateur et porte-étendard de la Francophonie, qui a commencé le «boycott» de celle-ci. Lors du dernier sommet à Villers-Cotterêts, les 4 et 5 octobre 2024, le président de la République Bassirou Diomaye Faye avait décidé, vraisemblablement pour des raisons souverainistes (les raisons officielles de cette absence n’ont pas été communiquées), de ne pas y assister. Notre pays, pour la première fois de son histoire, avait décidé de négliger cette grande rencontre où les affaires du monde se discutent, posant ainsi un acte fort de marginalisation de l’organisation. D’une manière générale, nos souverainistes, qui singent parfois les militaires de l’Aes, ont un sérieux problème avec le français -ce vieux saligaud qui souille notre authenticité sénégalaise, sinon africaine, depuis les indépendances. Après le congédiement inélégant des Eléments français au Sénégal (Efs) pour des raisons aussi débiles que fallacieuses, il faut s’attendre à ce que cette langue du maître soit conjurée de notre quotidien. L’irresponsabilité de Ousmane Sonko -le Premier ministre dont la geste fait ombrage au plus atone des présidents de la République- est allée à un point où nos différends avec la France se règlent sur Facebook…

C’est Mme Yassine Fall, ministre de l’Intégration africaine et des affaires étrangères, et diplomate de petit calibre, qui était chargée de représenter le Sénégal à ce grand rendez-vous. L’on se souvient, avec indignation, de sa cacophonie sur la Francophonie, de son discours inaudible et ignominieux pour notre pays. En plus de baragouiner notre langue officielle, la cheffe de notre diplomatie peine à tenir un seul discours structuré et audible, digne de la grandeur de notre pays. Elle porte difficilement la voix du Sénégal. Celle-ci, à sa décharge, pourrait-on dire, n’est pas si facile à porter du fait de son histoire. C’est le successeur de Antoine de LévisMirepoix à l’Académie française qui a eu le génie de faire du Sénégal, petit pays très pauvre, une Nation dont le rayonnement culturel est respecté partout dans le monde. Impossible d’oublier ces mots sublimes de André Malraux, alors ministre français de la Culture, à l’occasion du Festival mondial des arts nègres en 1966 : «C’est la première fois qu’un chef d’Etat [Léopold Sédar Senghor] prend en ses mains périssables le destin spirituel de tout un continent.»

Il n’est pas étonnant, au regard de la conduite anachronique de notre pays, de voir ces militaires, qui fascinent nos dirigeants contre toute raison, quitter la Francophonie. L’imaginaire sénégalais, et c’est déplorable, a été mobilisé contre cette organisation que nous avons créée. Cette posture est indigne de notre pays. Mesurer la grandeur du Sénégal consiste à se dire qu’il doit être présent partout où l’avenir de notre monde se joue, avec ses positions, avec sa grande voix. Notre mission naturelle, facilitée par une diplomatie redevenue conquérante, doit être le renforcement et la promotion de la Francophonie aux fins de poursuivre les idéaux de celle-ci : la promotion de la langue française, la paix, l’éducation, la démocratie, les droits de l’Homme, le métissage, la diversité culturelle, le plurilinguisme, etc. Ce souverainisme ambiant est un anachronisme. Il faut s’attaquer au vrai problème des Sénégalais : l’économie. Pour ce faire, il faut des hommes compétents et républicains, et non des plaisantins qui ne mesurent ni la portée ni la symbolique de leurs fonctions respectives.


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