Qui peut être assez excentrique pour faire graver sa moustache sur la façade de son édifice? Une seule réponse possible: Lester H. Higgins!
Le riche homme d’affaires a décidé d’apporter une touche un peu plus personnelle au bâtiment qui allait abriter son entreprise de bottes et de souliers sur la rue Main.
L’imposante structure en grès rose de style italien a été complétée en 1901.
À cette époque, ce matériel était très à la mode dans le centre-ville de Moncton. On peut d’ailleurs encore voir les arches romaines en demi-cercle dans les fenêtres.
Outre la moustache du propriétaire, les architectes ont aussi gravé des fleurs et des petits animaux sur la façade.
L’historien Lawren Campbell raconte qu’il y a eu une petite controverse au sujet de la fameuse moustache qui est encore visible aujourd’hui.
«Selon la légende urbaine, on dit que c’est la moustache de monsieur Higgins. Mais à cette époque, la famille a nié cette information. Un de ses petits-enfants a déclaré que son grand-père n’avait jamais porté de moustache», explique celui qui est gestionnaire du patrimoine à Place Resurgo.
«Nous avons trouvé une photo qui date de cette époque sur laquelle on peut clairement voir sa grosse moustache. C’est donc bien lui qu’on peut voir sur l’édifice.»
Son entreprise était située aux deux étages supérieurs, alors que les locaux du rez-de-chaussée étaient loués à divers commerces et entreprises.
En 1909, il a réalisé qu’il y avait plus d’argent à faire en louant des espaces dans l’édifice. Il a décidé de transférer son entreprise dans l’édifice Empire un peu plus loin sur la rue Main.
À cette époque, il était le plus important locateur d’espace commercial dans la ville de Moncton.
C’est justement dans cette optique qu’il a réalisé l’agrandissement du bâtiment cette même année.
Au fil des ans, l’édifice a attiré des locataires prestigieux comme la Bibliothèque publique de Moncton, la Banque canadienne de commerce et la Métropolitaine, Compagnie d’assurance-vie.
Pendant une vingtaine d’années, dans les années 1980 et 1990, le bar Spanky’s a eu la cote auprès de la population étudiante de la ville de Moncton. Mais les deux étages supérieurs ont été abandonnés par les propriétaires qui se sont succédé.
«Au troisième étage, l’eau s’était infiltrée dans la toiture. Les planchers étaient ondulés et à moitié pourris. Ça prenait vraiment quelqu’un avec une vraie vision pour rénover tout ça», note Lawren Campbell.
Juste avant la pandémie, le groupe Adeline Properties a décidé de donner une seconde vie à cet édifice historique.
Tout a été rénové, de la cave au grenier. «C’est incroyable ce qu’ils ont fait avec ce vieil édifice. Ils ont d’ailleurs gagné un prix pour la qualité des travaux», indique l’historien.
On a eu la bonne idée de conserver plusieurs éléments d’origine afin de célébrer le côté patrimonial et historique du bâtiment.
«On peut voir dans toutes les pièces, les murs en brique d’origine. Plusieurs détails nous rappellent qu’on se trouve dans un bâtiment spécial.»
Aujourd’hui, plusieurs commerces et entreprises ont élu domicile dans l’édifice Higgins, dont les restaurants Mexi’s, Harvest Clean Eats et Japan Go Sushi, ainsi que Destination Moncton-Dieppe.
Le bâtiment a été désigné édifice historique par la ville de Moncton en 1996.

L’édifice Higgins dans les années 1920. – Gracieuseté

Les briques d’origines ont été conservées. – Acadie Nouvelle: Stéphane Paquette
Un endroit vivant
Pendant plusieurs années, les seuls occupants de l’endroit étaient une colonie de pigeons.
Aujourd’hui, le bâtiment grouille d’activités. «J’adore l’ambiance qui se dégage de cet endroit», avance Amy Race, gérante du Bella Promessa, une entreprise qui se spécialise dans la vente de robes de mariée.
«J’aime beaucoup les briques d’origine qu’on a conservées. On peut aussi voir que les plafonds ont beaucoup d’histoire. On peut encore admirer les poutres originales.»
Elle dit avoir un peu l’impression de faire un petit voyage dans le temps chaque fois qu’elle franchit la porte d’entrée.
«Quand on entre dans la pièce, on peut vraiment sentir l’histoire qui se dégage de cet endroit. On entend toujours les planchers craquer sous nos pas!», rigole-t-elle.
Jimmy Gallant, le gérant du restaurant Mexi’s, se dit aussi privilégié d’évoluer quotidiennement dans un édifice qui a autant d’histoire.
«C’est vraiment spécial de travailler ici. Même si nos locaux ont été rénovés plusieurs fois, ils gardent encore un cachet très particulier», explique-t-il.
«Quand je suis arrivé il y a une dizaine d’années, le bâtiment avait clairement besoin de rénovations. Les nouveaux propriétaires ont investi beaucoup d’argent pour restaurer l’édifice, tout en gardant son aspect historique.»
La façade a aussi subi des travaux majeurs de rénovation au cours des deux dernières années. Mais là encore, l’architecture originale a été préservée.
«J’adore les briques des murs. Ça donne une ambiance très spéciale. Mais on ne l’apprécie peut-être plus autant quand on travaille ici chaque jour.»
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