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- Author, Par Ashley Lime à Nairobi et Nichola Mandil à Juba
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Udiki Severio affirme qu’il a été contraint de se cacher dans la brousse de l’État d’Equatoria occidental, au Soudan du Sud. Cet homme de 43 ans dit qu’il ne peut pas bouger de là parce qu’il risque d’être tué dans le conflit qui engloutit rapidement le plus récent pays du monde.
Des affrontements ont éclaté dans la région du Haut-Nil entre l’armée sud-soudanaise et un groupe armé composé de jeunes, l’Armée blanche. M. Severio fait partie des milliers de Sud-Soudanais déplacés par les combats en cours.
« À l’approche de la saison des pluies, les gens sont censés commencer à défricher leurs terres en prévision de la saison des cultures, mais ce n’est pas le cas parce que les gens ont peur. Certains sont chez eux, d’autres dans la brousse – ils ont toujours peur », explique-t-il.
Dans la ville de Nagero, la nourriture et les médicaments sont rares et le marché est vide. Les routes empruntées par les commerçants pour acheminer les marchandises sont coupées depuis deux mois.
Susan Simon, une autre habitante du même État, raconte qu’elle a été déracinée de son village, situé au sud de Yambio, la capitale de l’État.
Elle dit qu’elle a du mal à se nourrir et à nourrir son enfant.
« Lorsque nous étions dans notre maison, nous pouvions faire des choses de nos mains pour gagner notre vie. Aujourd’hui, nous comptons sur l’aide d’autres personnes qui connaissent la situation dans laquelle nous nous trouvons », explique-t-elle.
« Parfois, des personnes bienveillantes nous soutiennent, mais nous continuons à prier pour que la situation change ».
Paix instable

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En 2011, le Soudan du Sud est devenu la plus jeune nation du monde après avoir fait sécession du Soudan.
Le président Salva Kiir est devenu le premier président du pays, tandis que Riek Machar en est devenu le premier vice-président.
Mais deux ans plus tard, une guerre civile a éclaté lorsque le président Kiir a renvoyé l’ensemble de son cabinet et accusé Riek Machar d’avoir tenté un coup d’État.
Ce conflit brutal a duré cinq ans, au cours desquels 400 000 personnes ont été tuées et 2,5 millions déplacées.
En 2018, un accord de paix a été signé par les factions belligérantes. Baptisé « 2018 Revitalised Agreement on Resolution of the Conflict in South Sudan » [Accord revitalisé de 2018 sur la résolution du conflit au Sud-Soudan] (R-ARCSS), il était subordonné à la mise en œuvre d’une nouvelle constitution par les deux parties, à l’organisation d’élections, à la fusion des armées en une seule unité, à la planification d’un recensement et au désarmement des différents groupes armés.
Or, à ce jour, aucune de ces conditions n’a été remplie et les violences communautaires continuent de sévir dans le pays.
Parallèlement, la guerre qui fait rage au Soudan voisin menace également la paix au Soudan du Sud.
Le conflit a éclaté en avril 2023 entre l’armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, et les forces paramilitaires de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohammed Hamdan Dagalo dit « Hemedti ».
Selon les chiffres de l’ONU, le Soudan du Sud accueille aujourd’hui plus d’un million de réfugiés du conflit soudanais.
Au cours des combats de 2024, le principal oléoduc d’exportation du Soudan du Sud s’est rompu, entraînant la perte des deux tiers des revenus de l’État.
Cela a plongé le gouvernement du président Kiir dans une crise financière. Selon l’International Crisis Group, la perte de revenus a privé le président des fonds nécessaires au maintien de son « réseau de mécénat, mettant à rude épreuve sa capacité à maintenir son régime à flot ».
Conflit actuel

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Le conflit actuel entre le président Kiir et le premier vice-président Machar a commencé le 4 mars lorsqu’une milice Nuer liée à Machar a pris le contrôle d’une base militaire à Nasir, une ville cruciale située à la frontière avec l’Éthiopie.
Machar semblait agir en représailles après avoir accusé Kiir d’avoir attaqué ses forces à Ulang, un comté voisin, le 25 février, et dans deux autres régions de l’ouest du pays.
En réponse, Kiir a arrêté un général de l’armée appartenant à l’opposition principale ainsi que d’autres responsables du Mouvement populaire de libération du Soudan dans l’opposition (SPLM-IO), qui sont tous des alliés de Machar.
Un porte-parole de l’opposition a déclaré à la BBC que l’arrestation du général de l’armée constituait une « grave violation » de l’accord de paix.
Daniel Akech Thiong, analyste principal du Soudan du Sud à l’International Crisis Group, estime que certains signes indiquent que les combats pourraient raviver la guerre civile.
Toutefois, il estime que cela pourrait être évité si les dirigeants régionaux du Kenya, de l’Afrique du Sud, de l’Ouganda, du Soudan et de l’Éthiopie s’unissaient.
« Il y a de bonnes chances qu’ils puissent encore arrêter cela. Mais si rien n’est fait, le pays finira par sombrer dans une nouvelle guerre civile », déclare M. Thiong.
Mardi dernier, le chef militaire ougandais, le général Muhoozi Kainerugaba, a déclaré que son pays avait déployé des forces spéciales dans la capitale du Soudan du Sud, Juba, pour aider le président Kiir à la « sécuriser ».
Mais le Soudan du Sud nie avoir reçu le soutien militaire de l’Ouganda.
M. Thiong estime qu’il n’est pas surprenant de voir l’Ouganda impliqué dans les retombées actuelles, car il existe des relations de travail entre le parti au pouvoir au Soudan du Sud et le parti au pouvoir en Ouganda.
« Ce lien a donc toujours existé. L’Ouganda est enclavé et le Soudan du Sud dépend de l’Ouganda pour ses importations. Il y a donc des avantages économiques mutuels », ajoute-t-il.
Coût humain

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Avant même que les récents combats n’éclatent, le Soudan du Sud était déjà aux prises avec les effets d’inondations extrêmes qui avaient entraîné le déplacement de près de 400 000 personnes.
Aujourd’hui, les Nations unies affirment que la reprise du conflit a forcé près de 90 000 personnes à fuir leur domicile.
En outre, environ 10 000 ressortissants du Soudan du Sud sont entrés dans l’Éthiopie voisine.
Dans un communiqué, l’agence des Nations unies pour les réfugiés indique que le nombre de personnes se déplaçant vers l’Éthiopie « augmente à un rythme alarmant ».
Le conflit entraîne également des risques sanitaires accrus.
L’organisation d’aide médicale, Médecins sans frontières (MSF), affirme que 35 patients souffrant du choléra se sont enfuis de leur hôpital d’Ulang lorsque les combats ont éclaté.
« Certains sont allés dans des villages plus éloignés, d’autres ont traversé la frontière jusqu’en Éthiopie, ce qui signifie que, où qu’ils aillent, ils vont propager le choléra », explique Zakaria Mwatia, chef de mission de MSF au Soudan du Sud.
« Certains collègues ont raconté comment leurs proches ont dû traverser des marécages avant d’obtenir un canoë, puis un bateau jusqu’à ce qu’ils atteignent un autre hôpital », explique-t-il à propos des patients atteints de choléra qui ont dû se battre pour obtenir un traitement à temps.
Bien que les patients reviennent progressivement à l’hôpital pour y être soignés, M. Mwatia craint que certains de ceux qui ont fui ne soient morts dans la brousse ou en tentant de passer en Éthiopie.
Il craint également que les patients atteints de maladies chroniques telles que la tuberculose et le VIH ne manquent leur traitement en raison du conflit.
Outre l’hôpital, les entreprises d’Ulang ont été touchées par le conflit, leurs propriétaires ayant été contraints de fermer.
Peter Wadalla, directeur exécutif de Mission for Sustainable Advancement, une organisation non gouvernementale qui se concentre sur la protection des enfants et la violence sexiste, explique que le conflit a affecté les activités de son agence.
« Il nous arrive de suspendre certaines activités dans certaines régions pour nous assurer que notre personnel est en sécurité », explique-t-il.
« L’insécurité a entraîné une limitation des ressources, car la demande de la communauté est trop élevée. Il est donc difficile d’atteindre les personnes vulnérables ».
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