Le Tour du Rwanda 2025 se lance sur fond de conflit dans les régions frontalières de la République Démocratique du Congo
L’hémorragie n’a pas eu lieu. Quand le nouveau patron de l’équipe Soudal-QuickStep Jurgen Foré a annoncé qu’il ne déplacerait pas son équipe au Tour du Rwanda (23 février-2 mars), les organisateurs ont craint que cette défection fasse boule de neige auprès des autres équipes étrangères. Les violents affrontements survenus de l’autre côté de la frontière, à Goma (RD Congo) fin janvier, entre les forces gouvernementales de la République Démocratique du Congo et les milices rebelles pro-Rwanda ont bien failli mettre en danger l’organisation de l’épreuve, en raison surtout des deux arrivées d’étapes situées à quelques kilomètres des lieux d’affrontements de ces dernières semaines, à Goma au Nord du Lac Kivu et de Kubavu au Sud, le deuxième point de passage entre les deux pays.
Depuis une dizaine de jours, tout semble s’être apaisé de ce côté-ci de la frontière même si à Kigali, où auront lieu les premiers Mondiaux sur le continent africain en septembre prochain, la vie n’a jamais semblé perturbée. Réputée pour son calme (elle était classée en 2e position en 2024 par le magazine Jeune Afrique des villes africaines les plus attractives notamment pour son cadre de vie) la capitale située à près de trois heures de routes du conflit n’a pas été emportée par la panique, savamment entretenue en Occident selon les Rwandais par le puissant voisin congolais dont les ramifications politiques notamment en Belgique ne sont un secret pour personne.
« La vision en Europe n’est pas la même qu’ici en Afrique, explique un diplomate qui était en poste dans cette région des grands Lacs. Le Rwanda de Paul Kagame attise des jalousies car il prend à contre-pied l’idéologie post-coloniale encore en cours dans certains pays européens. Comme en 1994, avant les terribles événements (qui ont fait un million de morts parmi les Tutsis), il y avait ces derniers mois les mêmes indices qui annonçaient un nouveau génocide. Même si les moyens utilisés ont été violents, le Rwanda s’est défendu pour se protéger et ne pas connaître la même tragédie 30 ans après. »
« Nous tenons autant à la sécurité des coureurs que de notre public qui va venir en masse les acclamer durant toute la semaine pour ne pas prendre des risques insensés »
Freddy Kamuzinzi, directeur général du Tour du Rwanda
Que la seule équipe à avoir refusé de venir au Tour du Rwanda soit belge a pu provoquer quelques agacements dans les arcanes du pouvoir à Kigali et l’annonce du gouvernement rwandais mardi dernier de la rupture des échanges de coopération avec Bruxelles peut être considérée comme une réponse politique. Mais d’après nos informations, la décision de Jurgen Foré de suivre les seules recommandations du nouveau ministre des Affaires étrangères belges aurait suscité également une part d’incompréhension dans l’entourage de son équipe. « Tous les coureurs et le staff voulaient y aller car ils connaissent bien cette course et savent qu’elle est très bien organisée », assure-t-on sous couvert d’anonymat. Un devoir de réserve que n’a plus Patrick Lefévère l’ancien boss, qui n’a pas manqué non plus de critiquer indirectement cette décision à travers quelques messages bien ciblés.
Depuis plusieurs jours, les Rwandais ont vu un net regain de demandes d’accréditations de la part de médias « mais on sait très bien qu’ils ne veulent pas venir pour suivre la course mais pour chercher à faire du buzz avec des images qu’ils ne trouveront pas au Rwanda car tout est toujours aussi calme chez nous », explique un journaliste local.
Le directeur général de l’épreuve Freddy Kamuzinzi est resté impassible face aux nombreuses sollicitations : « Nous avons une course à organiser comme on le fait depuis 16 ans, a-t-il martelé, nous avons toujours apporté la preuve qu’on pouvait connaître, ici au Rwanda, le même degré de qualité d’organisation qu’en Europe. Le Tour du Rwanda ne doit pas être au centre d’un débat. Nous tenons autant à la sécurité des coureurs que de notre public qui va venir en masse les acclamer durant toute la semaine pour ne pas prendre des risques insensés. Nous n’avons pas, non plus, à apporter plus de réponses que d’autres organisateurs de compétitions sportives proches de vraies zones de guerre. »
Avec du recul, les Soudal-QuickStep apparaissent aujourd’hui bien isolés alors que les autres équipes sont toutes arrivées normalement à Kigali depuis vendredi. Leurs dirigeants avaient pris le temps de se renseigner et surtout de voir que les zones frontalières du conflit qui étaient en rouge sur les sites gouvernementaux pendant les événements sont passées depuis deux semaines en orange et pourraient même être rétrogradées en jaune en milieu de semaine au moment où passeront les coureurs.
Crédit: Lien source