L’«effet Trump» métamorphose la campagne fédérale au N.-B.

Qu’attendre des élections fédérales du 28 avril au Nouveau-Brunswick? Pour l’instant, les libéraux sont bien placés pour faire des gains, mais rien n’est figé.

Si les bernaches s’intéressaient à la politique, elles n’en croiraient pas leurs yeux alors qu’elles reviennent ces jours-ci au Canada: le Parti libéral, donné mort et enterré au début de l’hiver, caracole en tête des sondages. Exit les débats sur la taxe carbone et la crise du logement, adieu Justin Trudeau, c’est une tout autre campagne qui est proposée à l’électorat.

«La fameuse question de l’urne, celle que tout le monde a dans la tête, c’est: qui, entre Mark Carney et Pierre Poilievre, peut mieux gérer la crise à laquelle on fait face avec Trump?», pose le politologue de l’Université de Moncton Roger Ouellette, qui affirme n’avoir jamais vu un tel bouleversement en 40 ans de carrière.

«Les gens ont recours au vote stratégique, et cela fait que les tiers partis (NPD, Verts et même Bloc Québécois) sont un peu tassés», poursuit-il. Ce vieux réflexe de l’électorat bénéficie aux Libéraux, qui siphonnent le réservoir de voix néo-démocrate, mais le côté plus «centriste» de Mark Carney séduit aussi quelques red tories, ces conservateurs aux penchants progressistes.

En date du 27 mars, l’agrégateur de sondage 338Canada prévoyait que les libéraux décrocheraient sept des 10 sièges disponibles le 28 avril au N.-B., soit un de plus qu’en 2021. Les trois circonscriptions majoritairement francophones, plus celle bilingue de Moncton-Dieppe, devraient rester dans le giron du PLC.

En l’état actuel des choses, Roger Ouellette n’exclut pas un scénario à la 2015, quand le Parti libéral avait raflé toutes les circonscriptions des Maritimes. Chose certaine, s’il y a des comtés qui peuvent changer de camp au Nouveau-Brunswick, c’est selon lui les quatre qui battent pavillon bleu.

«Regardez Saint-Jean, un siège qui aurait pu aller aux conservateurs… Le député [libéral] Wayne Long était un critique de longue date de Trudeau. Mais Mark Carney est arrivé dans le portrait, les deux ont visiblement eu une bonne discussion, et Wayne Long a décidé de rester.»

L’«effet Carney» reste fragile

Il y aurait donc un certain «effet Carney», mais attention, prévient le professeur de science politique Thomas Bateman, de l’Université St. Thomas: ce qui monte vite peut également redescendre rapidement, surtout si Mark Carney multiplie les gaffes (comme lorsqu’il a confondu les tueries de Polytechnique et Concordia) et trébuche lors du débat en français.

En particulier, la circonscription de Fredericton-Oromocto est à suivre, juge le professeur. La sortante Jenica Atwin (PLC) ne se représente pas, et sera remplacée par le chanteur David Myles.

«Le candidat conservateur Brian Macdonald, qui est un ancien député provincial, est extrêmement déterminé, note Thomas Bateman. Dès le moment où la campagne a été déclenchée, il avait des pancartes partout dans Fredericton.»

Les deux universitaires s’accordent sur une chose: les programmes des deux principaux partis ont tendance à se ressembler de plus en plus. Mark Carney tente de se dissocier du bilan Trudeau en prônant à la fois une plus grande responsabilité budgétaire et des baisses d’impôt, tandis que Pierre Poilievre cherche à paraître plus modéré qu’on ne le décrit.

Le chef conservateur n’a pas vraiment le choix s’il veut faire des gains dans une province comme le Nouveau-Brunswick, qui a montré la porte à un autre politicien classé très à droite, Blaine Higgs, il y a quelques mois de cela.

La stratégie reste risquée: «Pierre Poilievre peut aller chercher des électeurs fatigués des libéraux, mais d’autres pourraient penser qu’il ne croit pas vraiment à ce qu’il dit», résume Thomas Bateman.

«Ce que je trouve fascinant avec l’effet Trump, c’est qu’il produit une convergence entre les deux partis, conclut le professeur basé à Fredericton. Les deux veulent abolir la taxe sur les maisons [pour les premiers acheteurs], développer le secteur énergétique, etc. Lorsque les propositions de politiques publiques s’équivalent, ce qui reste, ce sont les discussions sur les qualités des leaders. Ça devient Poilievre contre Carney.»

Au passage, cette recherche d’«homme fort» risque de faire passer au second plan les enjeux régionaux, sacrifiés sur l’autel de l’intérêt national. «Le Canada d’abord» comme disent les conservateurs, «un Canada fort» comme leur répondent les libéraux. n

«Que le Canada reste le Canada»

Plusieurs électeurs rencontrés ce jeudi midi à la Place Champlain de Dieppe ont expliqué à l’Acadie Nouvelle placer la question de la relation avec les États-Unis au sommet de leurs priorités lors de cette campagne fédérale.

Ainsi, Raymond Austin souhaite «que le Canada reste le Canada» et que le prochain premier ministre soit capable de «répondre» à Donald Trump.

Deux amis attablés pour discuter, qui n’ont pas voulu donner leurs noms, pensent qu’«il faut que le Canada apprenne à être moins dépendant économiquement des États-Unis», mais aussi qu’il «se protège de la désinformation» et «investisse dans l’armée».

«Il faut avoir un leader capable de bien négocier [avec Trump]», nous a dit une entrepreneure voulant elle aussi rester anonyme. Elle s’inquiète du recul rapide des droits humains aux États-Unis, et espère que le futur gouvernement s’assurera que la même chose n’arrive pas ici. Par ailleurs, elle aimerait voir plus de rigueur dans la fonction publique, où elle trouve que le recours au télétravail a amené de «mauvaises habitudes».

Enfin, Nadine, venue de Nouvelle-Écosse, a été la seule à évoquer des préoccupations du quotidien.

«Les impôts, le logement et l’emploi, énumère-t-elle. Surtout le logement, car les maisons sont devenues très chères!»

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