Julien Berrier
Publié le
Ancienne ministre de l’environnement du gouvernement Jospin (1997-2001), la Doloise Dominique Voynet a été élue députée de la deuxième circonscription du Doubs avec plus de 95 % des voix au deuxième tour lors des élections législatives 2024 anticipées du 7 juillet.
Un retour à l’Assemblée nationale vingt ans après l’avoir quittée qui ne passe pas inaperçu. Expérimentée, connue des Français et éloignée des querelles récentes de la gauche nationale, l’écologiste doloise ferait partie des possibles ministrables. Elle s’explique.
Voix du Jura : Dominique Voynet, quels sentiments sont les vôtres au moment de revenir à l’Assemblée nationale ?
Dominique Voynet : Je me souviens avec amusement de mon enthousiasme lors de mon premier mandat en 1997. Nous avions une majorité plurielle, on avait l’impression qu’on allait transformer le monde, que plus rien ne serait jamais pareil. Aujourd’hui, le contexte est très différent, on sait que nous avons une majorité relative et devant nous une semaine de discussion et d’échange.
VdJ : Comment analysez-vous le contexte particulier de ces législatives anticipées ?
D. V : Des choses ont été faites depuis 30 ans qui ont contribué à améliorer la vie des gens comme le passage aux 35 heures de travail hebdomadaire, par exemple. Mais il y a un fossé entre les espérances des citoyens et le bilan de ces dernières années. Les Français sont en attente d’un projet de société, pas seulement de mesures techniques.
« Un clivage qui vient de loin »
VdJ : Autour de quels enjeux ce projet de société doit se bâtir selon vous ?
D. V : Nous sommes dans un monde très instable entre Poutine et le conflit en Palestine, la compétition économique qui s’intensifie avec la Chine… Beaucoup de nos concitoyens ne se sentent pas rassurés, beaucoup se sentent isolés, oubliés. Cela se traduit dans les résultats électoraux par ce clivage entre les villes et les territoires ruraux. C’est un clivage qui vient de loin.
VdJ : Lors de vos dernières prises de paroles, vous avez insisté sur le thème de la « justice sociale ». Faut-il comprendre que le cœur de la bataille sera là pour le futur gouvernement ?
D. V : La justice sociale, c’est sur cette ambition que s’est construit le Nouveau front populaire. Je pense que beaucoup de gens ont été révoltés de constater que le Macronisme n’a pas tenu sa promesse de « ruissellement ». On leur a dit, « les avantages accordés aux riches ruisselleront jusqu’en bas » mais c’est l’inverse qui s’est réalisé. Il y a eu aspiration des richesses du bas vers le haut, en réalité.
VdJ : Faut-il en conclure que vous souhaitez que le futur gouvernement se bâtisse exclusivement et entièrement sur le programme du NFP ?
D. V : On entre dans une phase de négociation. Nous sommes en train de discuter pour définir une majorité stable. On voit que le NFP n’a pas de majorité absolue ni de majorité relative suffisamment solide pour gouverner seul. Si on élargit pour bâtir un accord avec d’autres formations politiques, nous devons négocier des mesures prioritaires. Dans beaucoup de pays comme la Suisse, l’Allemagne ou même l’Italie, dans une situation comparable, on négocie un accord de gouvernement à partir des forces politiques qui ont la volonté de gouverner.
« Il ne faut pas refaire les mêmes bêtises »
VdJ : Vous êtes donc favorables à des accords au-delà du NFP ?
D. V : On sait qu’on ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale avant un an et on sait que le Président de la République ne veut pas démissionner. Si on prend en compte l’intérêt supérieur de la France, on doit se placer dans la perspective de faire des évolutions.
VdJ : Vous avez d’ailleurs expliqué avoir travaillé avec les forces du centre durant la campagne, est-ce à dire que vous pourriez être favorable à un accord de gouvernement y compris avec les Macronistes ?
D. V : Je n’ai pas exactement dit que j’avais travaillé avec le centre. Simplement, personne n’est élu avec les seules voix de son camp. Je constate que les électeurs du centre ont voté pour moi et je les en remercie. Je le souligne car j’ai entendu des élus Les Républicains qui ont eu du mal à admettre que les électeurs n’ont pas voté pour eux mais contre le Rassemblement national. Il ne faut pas refaire les mêmes bêtises et il faut constater que le Macronisme n’a pas tenu une autre de ses promesses : on nous annonçait la disparition du clivage droite/gauche et bien il faut constater qu’il s’est reconstitué.
VdJ : Finalement, vous semblez favorable à une majorité qui se constituerait en fonction des projets à voter… Mais dans cette perspective, le NFP ne risque-t-il pas de devenir un allié objectif du RN sur certains dossiers ?
D. V : Dans un conseil municipal, vous avez 80 à 90 % des délibérations qui sont votées par l’ensemble du conseil y compris l’opposition. Les conflits ne portent finalement que sur 10 à 15 % des textes qui sont proposés. On peut envisager les choses de cette manière. Donc, si on prend l’exemple de l’abrogation de la réforme des retraites (Ndlr : qui figure dans les programmes du RN et du NFP), je confirme que nous y travaillerons, absolument.
« J’essaie de faire preuve d’humilité »
VdJ : Compte tenu de votre statut et de votre expérience, comment envisagez-vous votre rôle de députée dans le contexte ?
D. V : J’essaie de faire preuve d’humilité ; je ne suis d’ailleurs pas la seule à avoir été réélue… Je donne mon avis de la même manière que chacun d’entre nous. Il est vrai que je connais beaucoup de monde à l’Assemblée et j’en profite pour parler, expliquer. J’ai par exemple échangé avec Élisabeth Borne, on s’explique sur nos différences, sur nos idées, on essaie de comprendre quelles sont les lignes rouges des uns et des autres.
VdJ : Ancienne ministre d’un gouvernement de gauche, connue des Français et restée éloignée des conflits des dernières années… Certains pensent que vous avez le profil pour entrer au gouvernement…
D. V : On ne sait même pas si Emmanuel Macron choisira un premier ministre à gauche… J’entends ces rumeurs mais ça me fait juste rigoler. Ce que j’espère, c’est pouvoir me rendre utile ne serait-ce que sur un texte.
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