La filière du biométhane se porte bien. C’est le message délivré par Jules Nyssen, président du syndicat des énergies renouvelables (SER), lors de la présentation du Panorama des gaz renouvelables fin avril. La France a toujours l’ambition d’atteindre 20 % de gaz renouvelable dans la consommation de gaz d’ici à 2030. Cet objectif représente plus de 70 TWh en 2030, dont 10 TWh de biogaz consommé pour produire de l’électricité par cogénération.
Concrètement, cela représente l’équivalent des importations de gaz russe avant le début de l’offensive en Ukraine. « Le gaz renouvelable n’est plus une filière émergente, c’est une filière mature », se félicite Jules Nyssen.
L’agriculture en leader
En 2023, 652 unités injectaient du biométhane en France pour une production annuelle de 9,1 TWh, contre 7,0 TWh en 2022 (+31 %). Les installations agricoles autonomes représentent 65 % des sites, soit 423 installations sur 652.
Ces installations à l’échelle de l’exploitation ou d’un groupement d’exploitations valorisent des déchets dont plus de 90 % sont d’origine agricole, principalement des effluents d’élevage, résidus de cultures, déchets agroalimentaires ou cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE).
Le SER a également recensé 136 installations agricoles territoriales. Contrairement aux installations agricoles individuelles, elles ne sont contraintes de n’incorporer que 50 % de matières d’origine agricole. Le reste de la ration est complété par des déchets issus du territoire (industries, station d’épuration…). Avec la technologie la plus mature, le secteur agricole a donc un poids non négligeable dans la filière biométhane et connaît une dynamique toujours soutenue, même si les installations ont ralenti en 2023, du fait d’une politique tarifaire peu incitative.
Des nouvelles sources et technologies
Pionniers et bons élèves du gaz renouvelable, les agriculteurs ne sont plus seuls sur ce marché. Les industriels, avec des capacités d’investissements nettement plus importantes que celles des agriculteurs, se lancent à leur tour dans le biométhane. Cette situation pourrait rapidement inverser la tendance avec une arrivée massive de gaz « vert » d’origine non agricole.
Sur la technologie de la méthanisation traditionnelle, « encore minoritaire, les installations d’injection basée sur les biodéchets (7 sites) et les stations d’épuration (47 sites) sont toutefois celles qui affichent le plus gros potentiel de raccordement à court terme », prévient Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF. Et ce n’est pas la seule menace pour les méthaniseurs agricoles.
Ils pourraient en effet être concurrencés à moyen terme par de nouvelles technologies de production du gaz renouvelable. Ainsi, les procédés industriels de pyrogazéification, de gazéification hydrothermale ou de méthanation (aussi appelée procédé de « power-to-methane ») émergent et sont amenés à prendre une place grandissante dans le paysage du biogaz français.
« Avec 6 TWh de biogaz injecté d’ici à 2030, la pyrogazéification présente le plus gros potentiel à moyen terme », affirme Marie-Claire Aoun, Directrice Prospetive et Relations institutionnelles de Terega. Cette technologie convertit à haute température des résidus solides en un gaz de synthèse par une étape de pyrolyse suivie d’une étape de gazéification. Le gaz obtenu est ensuite épuré des composés indésirables.
Pour être injecté dans le réseau gazier, le gaz de synthèse issu de la pyrogazéification doit subir un autre procédé innovant, celui de la méthanation. Il s’agit d’un processus de recombinaison où du dioxyde de carbone (CO2) réagit avec de l’hydrogène (H2) pour former du méthane. L’hydrogène est préalablement obtenu par électrolyse de l’eau grâce à de l’électricité renouvelable excédentaire (énergie éolienne et photovoltaïque).
De son côté, la gazéification hydrothermale permet de produire du biogaz grâce à un procédé de conversion thermochimique à partir de déchets tels que les boues issues des stations d’épuration ou les déchets et effluents agricoles. Elle utilise également la méthanation comme étape de purification. La production de gaz par méthanation et gazéification hydrothermal est actuellement nulle mais GRDF projette une production de 2 TWh pour chacune de ces technologies d’ici 2030 et jusqu’à 12 TWh/an en 2035.
Si ces différentes technologies sont beaucoup moins matures que la méthanisation, pour l’heure, elles suscitent un fort intérêt de la part des industriels. Le risque est donc qu’à terme, elles soient privilégiées aux dépens de la méthanisation agricole. Les agriculteurs français doivent se montrer prudents et garder un œil sur ces nouveaux concurrents qui ne se battront pas à armes égales.
Corinne Le Gall et Laurine Mongenier
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