Au Bénin, les joueurs ne bénéficient toujours pas de chambre de résolutions des litiges.
« C’est un triste constat mais le joueur béninois est traité comme un moins que rien dans notre pays. Nous ne pouvons dire autre chose. » Wenceslas Teko, le chargé de communication et des relations extérieures de l’UNFPB (Union Nationale des Footballeurs Professionnels du Bénin présidé par l’ancien international Romuald Boco), est l’une des voix s’élevant pour dénoncer la précarité touchant les footballeurs béninois jouant en première ou seconde division. « Sur les 36 clubs, il n’y a que 6 clubs où le syndicat n’a pas été saisi pour des retards de salaire, c’est dire à quel point le système est profondément ancré. »
L’an passé, les innombrables impayés avaient généré des affaires rocambolesques comme la garde à vue de huit joueurs de la Jeunesse Sportive de Ouidah qui avaient réclamé auprès de leur club les quatre mois de salaire et quatre primes non réglés. « On est logé à Ouidah dans un lieu inhabitable », racontait le gardien Gilchrist Vanou à Sport News Africa. « Il n’y a pas d’eau, ni d’électricité, pas de nourriture et c’est difficilement qu’on arrive à dormir… On a cherché à rencontrer les autorités du club, ils ne répondent pas. On a alors décidé de venir les rencontrer. La directrice nous avait demandé 72 heures pour gérer la situation. Après les 72 heures, on est revenu puisque rien ne s’est amélioré. On attendait la sortie de directrice quand ils ont appelé la police. On a été ramassé et on a passé la nuit au commissariat. »
Au final, la médiation de l’UNFPB et de COSI Bénin, la Confédération des organisations syndicales indépendantes, permit d’obtenir le lendemain la libération des huit joueurs concernés…
La Fédération ne répond pas aux courriers de la FIFPRO
Depuis plus d’un an, l’UNFPB et d’autres acteurs béninois (anciens joueurs, journalistes ou magistrats) appellent à la création d’une chambre nationale des résolutions des litiges. Une manière d’assurer un minimum de droits aux footballeurs locaux. « Les joueurs sont dans une telle position de faiblesse qu’ils ne peuvent rien revendiquer, rien du tout », déplore Wenceslas Teko. « Les clubs savent que les joueurs n’ont pas les moyens de saisir les juridictions locales ou nationales. Quand c’est un étranger, les équipes font attention car elles savent que par le biais de notre syndicat, on peut saisir directement la cellule juridique de la FIFA. Or, lorsque c’est un joueur béninois, ils s’en foutent car cela doit passer par la chambre nationale des résolutions des litiges. Or, elle n’existe pas. »
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Le 30 août 2023, la FIFPRO, le syndicat mondial des joueurs, écrivait un courrier officiel à la Fédération béninoise pour s’enquérir de la situation préoccupante des joueurs locaux quant aux impayés et l’absence de la chambre des résolutions. Près d’un an plus tard, la FIFPRO attend encore une réponse de la FBF et a dû relancer la fédération par une lettre officielle le 9 juillet 2024. « La fédération n’a aucun intérêt à ce que cette chambre soit mise en place », lance Teko. « La raison est simple : la plupart des présidents de club sont en même temps membre de la fédération, parfois au Comité exécutif… »
Un système impliquant la Fédération et les clubs
Contrairement aux injonctions de la FIFA, qui encourage la création de ces chambres nationales à travers le monde, la FBF ne montre aucun intérêt à déployer un tel mécanisme. Sans un mot, elle annonça donc la reprise du championnat pour le 15 août sans veiller à ce que les clubs s’acquittent des arriérés de salaires à leurs joueurs.
Parmi les mauvais payeurs, plusieurs hauts membres de la fédération trônent comme Innocent Atindehou, le directeur de cabinet du président de la FBF qui dirige la Jeunesse Sportive de Ouidah, cette formation qui avait vu huit de ses joueurs terminer en garde à vue, ou Pedro Ayema, le cinquième vice-président de la FBF et propriétaire du Club Ayema FC. Des irrégularités qui concernent aussi régulièrement les Requins de l’Atlantique, l’AS Tonnerre de Bohicon ou Hodio de Come.
Où est passé l’argent de l’État ?
Plus que les retards de salaire, les clubs béninois s’abrogent des prérogatives au mépris des lois et des droits des joueurs locaux. « Pourquoi cette chambre de résolution est importante ? », questionne Teko. « Car elle traitera les impayés, la résiliation des contrats de manière unilatérale, les doubles des contrats non donnés aux joueurs, les cas des joueurs blessés sans assurance maladie, etc. »
Si une rencontre entre le syndicat et l’ancien ministre des Sports, Oswald Homéky, avait eu lieu l’an passé, aucune avancée n’a été signalée du côté de la FBF. Pourtant, l’État béninois a consenti à de lourds investissements pour soutenir le football national et ses clubs. Dans ces conditions, deux questions se posent : où est passé cet argent et pourquoi personne ne dit rien ?
Romain MOLINA
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