Dans le maquis [parfois appelé “circuit” ou nganda, le maquis désigne en Afrique francophone un restaurant] populaire à ciel ouvert Sous les manguiers, au quartier Tanghin de Ouagadougou, un groupe de jeunes mène une discussion animée marquée par des plaisanteries, des taquineries. Mais l’ambiance change lorsque nous introduisons un sujet tabou : la consommation des produits aphrodisiaques. Des éclats de rire mêlés de gêne retentissent. Certains se détachent même du groupe comme pour éviter qu’ils ne soient questionnés.
Mais Abdoul Aziz, l’aîné du groupe, après un bref moment de réflexion prend la parole : “Ce n’est pas bien qu’un jeune homme consomme des produits aphrodisiaques pour augmenter ses performances sexuelles.” Il estime que la consommation de ce produit est réservée aux personnes âgées, car jugés moins endurantes.
Pour sa part, il nie en avoir déjà consommé. En effet, quand la question est posée, chacun se renvoie la réponse. “Je n’ai jamais pris ça, hein”, lance-t-il comme pour éviter de dévoiler un secret. Le reconnaître serait un aveu de faiblesse.
À côté de lui, Léopold, d’un sourire et la voix hésitante, finit par admettre qu’il a déjà utilisé ces produits pour augmenter ses performances sexuelles. “J’ai essayé une fois. Quand tu consommes cela, ça te remonte. Tes performances sont meilleures que d’habitude”, dit-il. Malgré les rires qui accompagnent ses propos, Léopold reste sérieux et poursuit : “Mais, après, toi-même tu sens que ce n’est pas bien de consommer parce que ce n’est pas comme d’habitude.”
“Si tu n’utilises pas, elles ne te respectent pas”
Non loin de là, un autre groupe de jeunes assis sur des motos échange. Là également, la gêne est palpable. Razack, entre hésitation et parfois des revirements dans sa réponse, est le seul à admettre ouvertement son usage des produits aphrodisiaques. “Parfois, il y a certaines femmes avec lesquelles si tu n’utilises pas, elles ne te respectent pas. Elles iront parler entre elles que ça ne va pas chez toi”, regrette-t-il. Razack dit l’utiliser seulement avec ses maîtresses pour ne pas perdre la face. C’est une question de performance et d’honneur.
Mariam (nom d’emprunt), vendeuse de pagnes, corrobore les propos de Razack. “C’est une question de pression”, dit-elle sous les éclats de rire de ses compagnons. Par “pression”, la jeune fille veut parler de vigueur. “Sinon, quand vous avez fini et que le monsieur t’a vraiment fait plaisir, tu pourras dire qu’il a été fort”, explique-t-elle sous les rires de ses compagnons.
Le commerce des produits dits “aphrodisiaques” se fait à chaque coin de rue de Ouagadougou. Mais il y en a un qui a une réputation particulière : l’Atoté. Il s’agit d’un produit traditionnel composé d’une mixture de plantes et fabriqué à Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire.
Au quartier Wemtenga, Essana Kanko, naturothérapeute, vend des produits Atoté. Dans sa petite boutique située non loin d’un carrefour, des clients se succèdent un à un pour se procurer ce fameux produit. C’est le cas d’un client, la soixantaine, qui lance : “Il y a le produit du troisième pied ?” La vendeuse acquiesce et lui présente les boîtes avec un regard complice. “Ce n’est pas celui-là. On m’a recommandé un en particulier. Ce n’est pas le même emballage”, explique l’homme en présentant une photo dans son téléphone.
Alors, la patronne, Essana, intervient. Elle lui fait comprendre que ces produits ont les mêmes effets. Seulement, il y a une rupture de stock. Peu convaincu, il prend quand même le produit. “J’irai essayer et voir ce que ça donne”, affirme-t-il, visiblement non sans gêne.
L’influence de la pornographie
Essana Kanko vend les produits Atoté depuis une dizaine d’années. Malgré les vertus aphrodisiaques attribuées à ce produit, elle nuance : “Quand un client consomme ce produit, il peut constater que sa prostate est en train de se soigner, qu’il n’a plus d’insomnies. Que ses performances sexuelles augmentent alors que ce n’est pas fait pour cela.”
Cependant, l’appellation du produit, “Atoté”, “ça suffit” en langue dioula, est trompeuse. En réalité, Atoté signifie “Pas de commentaire. Le produit va se vendre de lui-même”, selon la version de dame Kanko.
Mais pourquoi cette ruée vers les produits aphrodisiaques ? Klifford Clovis Kaboré, médecin urologue en service à l’hôpital Paul-VI de Ouagadougou, observe également cette tendance. Il explique ce phénomène par le désir de prolonger l’érection.
“C’est une conception erronée sur ce que c’est que la sexualité, les rapports sexuels.”
“Avec des films pornographiques où l’on voit des acteurs qui peuvent faire une heure de rapports sexuels en étant toujours en érection, les gens pensent que c’est cela la normale”, témoigne-t-il. Alors que la durée normale d’une relation sexuelle “est celle qui satisfait le couple”.
Produits trafiqués
Cependant, la consommation de ces produits est dangereuse lorsqu’elle n’est pas encadrée par des médecins. Pour cela, le médecin doit détecter le type de trouble avant de prescrire un traitement.
Le pire, selon les médecins, c’est que la plupart des produits supposés naturels vendus dans la rue sont trafiqués. “Ils utilisent souvent le Viagra qu’ils écrasent, mélangent, mettent dans la bouteille et revendent”, détaille-t-il.
La consommation de ces produits peut provoquer des troubles sexuels et des maladies du rein, des arrêts cardiaques, des érections qui ne s’arrêtent pas ou d’autres troubles sexuels.
Alors que la solution est simple pour avoir une bonne hygiène sexuelle. “Il faut éviter les excès. La cigarette, la consommation de graisse, avoir un temps de sommeil normal”, conseille Clovis.
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