Les relations commerciales profondément enracinées entre le Canada atlantique et les États américains de la Nouvelle-Angleterre ont commencé à être mises à mal, mardi, lorsque les droits de douane imposés par Donald Trump ont commencé à causer des dommages économiques des deux côtés de la frontière.
À Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, la mairesse Donna Reardon a déclaré mardi qu’on se sentait dans cette ville industrielle comme à la fin d’un mariage qui aurait mal tourné.
La Chambre de commerce du Canada a récemment classé Saint-Jean comme la ville canadienne la plus vulnérable aux impacts négatifs des droits de douane américains. La ville portuaire abrite l’immense raffinerie Irving Oil, qui expédie 80 % de ses produits raffinés, y compris de l’essence, au sud de la frontière.
La première ministre du Nouveau-Brunswick, Susan Holt, a déclaré mardi matin que ces droits de douane «illégaux et injustifiés» mettaient en péril environ 6000 emplois dans la province.
«Ces droits de douane (…) marquent un tournant pour notre province et notre pays, a-t-elle déclaré. Nous partageons 17 postes frontaliers avec le Maine et de nombreux Néo-Brunswickois et habitants du Maine se considèrent comme des voisins, des cousins. On ne traite pas ses voisins de cette façon.»
L’organisme à but non lucratif «Atlantica Centre for Energy» affirme que 80 % des véhicules de la Nouvelle-Angleterre font le plein avec du carburant raffiné au Canada. De plus, la société d’État Énergie NB est depuis longtemps la principale source d’électricité pour le nord du Maine.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a déjà cessé d’acheter des produits américains et il travaille à lever les barrières commerciales interprovinciales, a déclaré la première ministre Holt.
Luke Randall, ministre responsable d’Opportunités Nouveau-Brunswick, a annoncé un soutien financier pour aider les grandes entreprises axées sur l’exportation à maintenir leurs emplois et à diversifier leurs marchés. Le ministère offrira également des prêts pouvant atteindre 5 millions $ aux entreprises durement touchées par les droits de douane.
Les citoyens du Maine inquiets
En Nouvelle-Angleterre, les retombées des droits de douane du président Trump faisaient beaucoup jaser, mardi. Cara Pelletier, mairesse de Bangor, dans le Maine, a déclaré que le droit de douane de 10 % imposé par M. Trump sur l’essence et le mazout en provenance du Canada entraînerait bientôt une hausse des prix à la pompe dans sa ville située à environ 180 km au sud de la frontière du Nouveau-Brunswick.
Elle a déclaré que les résidants étaient particulièrement inquiets pour l’aéroport municipal, où le prix du kérosène importé du Nouveau-Brunswick devrait également augmenter, ce qui rendra plus difficile d’y attirer des compagnies aériennes.
«Le Maine est un État économiquement défavorisé dans de nombreux domaines, et le mazout et l’essence font partie des dépenses les plus importantes de la plupart des ménages, a souligné la mairesse. Tout impact sur les prix a un impact direct sur ce que les gens peuvent se permettre d’autre.»
Au-delà du commerce, Mme Pelletier craint que les Canadiens commencent à rompre des liens historiques avec son État. Les adolescents qui grandissent dans le nord du Maine se rendent régulièrement au Canada pour jouer au hockey, a-t-elle rappelé. «Vous grandissez en connaissant à la fois l’hymne national américain et l’hymne canadien, et vous seriez même capable de chanter les deux», a-t-elle déclaré.
Plus au sud, au Massachusetts, le président de l’association des détaillants de l’État, Jon Hurst, a déclaré que peu de gens semblaient préoccupés par les droits de douane. «Je pense que c’est une question d’attente et que les gens commenceront à en parler lorsqu’ils verront cela dans leur budget familial mensuel», a-t-il déclaré en entrevue. «Nous espérons que ce sera réglé dans les jours et les semaines à venir.»
«Trump est un homme à courte vue»
Ailleurs dans les Maritimes, la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse a déclaré que ces droits de douane représentaient un défi sans précédent pour les industries orientées vers l’exportation, notamment le bois d’œuvre, les fruits de mer, les arbres de Noël, les produits du papier et les pneus des trois usines Michelin. Le syndicat estime que des milliers d’emplois en Nouvelle-Écosse pourraient être perdus.
Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, a eu des mots durs pour le président américain. «Donald Trump est un homme à courte vue qui exerce son pouvoir juste pour le plaisir de l’exercer, sans tenir compte de l’impact destructeur de ses décisions sur les Canadiens et les Américains», a déclaré M. Houston lors d’une conférence de presse conjointe à Toronto avec son homologue de l’Ontario, Doug Ford.
À Terre-Neuve-et-Labrador, Alberto Wareham, président d’Icewater Seafoods, a déclaré que son entreprise s’apprêtait à envoyer environ 40 % de sa morue du Nord vers les marchés américains lorsque les droits de douane ont été confirmés mardi. Il soutient que des mises à pied sont désormais possibles.
Le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, a aussi déclaré que ces droits de douane mettront probablement à rude épreuve les relations historiques entre la Nouvelle-Angleterre et la côte est du Canada, mais que cela ne durera pas éternellement.
«Il semble y avoir une compréhension collective selon laquelle la relation entre les États-Unis et le Canada est beaucoup plus solide et survivra à n’importe quel président, à n’importe quelle administration ou à n’importe quelle politique ridicule», a déclaré le premier ministre démissionnaire mardi.
Le premier ministre Furey a annoncé que les produits américains seraient retirés des étagères des succursales de la «Newfoundland and Labrador Liquor Corporation». Il s’est également engagé à élargir les marchés d’exportation de la province en Europe et au-delà, et il a appelé les Terre-Neuviens à acheter des produits fabriqués au Canada.
«Notre identité, nos valeurs et notre souveraineté nous donneront la force de résister à tout tyran.»
— Avec des informations de Sarah Smellie à Saint-Jean, T.-N.-L., et de Michael MacDonald à Halifax
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