Les médecins et leurs patients attendent toujours

Alors que nos dirigeants politiques et de la santé en viennent à accepter les conséquences et les coûts supplémentaires de leur refus apparent d’offrir un soutien et des programmes de rémunération compétitifs en temps opportun aux infirmières, refus ayant mené à l’effondrement de notre système de soins actifs, aujourd’hui ouvert aux agences de soins infirmiers à prix élevé du secteur privé, une autre crise aux nuances étrangement similaires prend de l’ampleur, plus rapidement encore que quiconque aurait pu l’imaginer.

Le Conseil de la santé du Nouveau-Brunswick (CSNB), une source fiable et indépendante de données sur le rendement du système de santé provincial, vient de publier les résultats de son sondage sur les soins primaires de 2023 – et tous ceux qui prétendent que notre système de soins primaires est en voie de rémission feraient bien d’y regarder à deux fois. En six ans seulement, l’accès à un fournisseur de soins primaire dans notre province – qui dominait auparavant le reste du pays à cet égard – a chuté dramatiquement, passant de 93% à 79%. Au cours de la même période, l’accès aux soins dans les cinq jours a dégringolé, passant de 51% à 32%.

Si l’on applique ces données à notre population actuelle, cela signifie que près de 180 000 citoyens – soit un Néo-Brunswickois sur cinq – n’ont pas accès à un fournisseur de soins primaires permanent. Dans des collectivités comme Edmundston et Fredericton, près d’un patient sur deux est orphelin. De notre histoire, jamais notre système de santé public ne s’est détérioré si rapidement. Au cours de ma propre carrière, je n’ai jamais vu pire.

La situation exige une attention immédiate, et le moment est venu d’agir. Des mesures urgentes s’imposent, et j’ose espérer que nous ayons compris que, lorsqu’un problème – comme le manque d’incitatifs pour garder les infirmières dans le système public – est relégué au second plan, il ne disparaît pas simplement, il s’envenime. Les solutions deviennent de plus en plus coûteuses, et le risque pour les fonds publics, sans parler de nos institutions et de notre population, augmente de façon exponentielle.

En novembre 2023, la Société médicale du Nouveau-Brunswick (SMNB) a envoyé une lettre au ministre de la Santé pour demander des investissements de stabilisation urgents afin de soutenir les médecins de famille et leurs cabinets de soins primaires, à l’échelle de la province. Nous avons observé des tendances extrêmement préoccupantes chez des médecins de longue date, qui quittent leur pratique tandis que les nouveaux médecins de famille se font moins nombreux à choisir de prendre en charge des patients, et que d’autres médecins réduisent leur patientèle pour mieux gérer leur charge de travail. Les médecins et leurs patients attendent toujours que le gouvernement mette en œuvre les solutions simples, mais efficaces ayant été suggérées pour aider à atténuer la crise actuelle.

Les médecins ne demandaient rien qui ne correspondrait pas aux objectifs du gouvernement. Ils ont demandé une reconnaissance et des incitatifs liés au nombre de patients pris en charge, pour les aider à élargir leur patientèle. Ils ont demandé de l’aide pour embaucher des infirmières et d’autres membres du personnel clinique (également désigné comme l’équipe) afin de mieux servir leurs patients. Ils ont demandé de l’aide pour que leurs cliniques demeurent ouvertes au-delà des heures régulières. Ils ont demandé à être rémunérés pour les formulaires qu’ils remplissent et les tâches administratives attendues d’eux. Enfin, ils ont demandé un soutien supplémentaire pour inciter davantage de leurs collègues à assumer des tâches d’enseignement clinique et à contribuer à la constitution de notre main-d’œuvre.

Chaque semaine qui passe sans que le besoin d’aide supplémentaire des médecins de famille et des cabinets de soins primaires de la province soit reconnu, nous continuons de perdre du terrain. Les médecins qui devancent leur départ à la retraire ne nous reviendront peut-être jamais. Bien que j’aie l’impression d’être un disque rayé certains jours, il convient de faire valoir une nouvelle fois ces préoccupations, car tout autour de moi, je vois des collègues faire des choix qui influeront sur notre système pendant des générations.

Je tiens à réitérer que la médecine familiale n’est pas à l’abri des forces du marché. Les données récentes (CSNB) donnent une bonne indication de ce qui arrive à n’importe quel secteur lorsqu’il reçoit moins de soutien que tout autre, et touche un financement moindre. Je ne dis pas que les médecins de famille ne gagnent pas un salaire décent; ils sont cependant beaucoup moins bien rémunérés pour exercer en contexte communautaire qu’ils ne le seraient partout ailleurs au sein du système de santé (et au pays). Il s’agit là, sans surprise, d’un énorme problème qui entraîne, comme le prédit tout cours d’introduction à l’économie, une diminution du nombre de médecins choisissant de pratiquer la médecine familiale.

Nous espérons toujours que le gouvernement agisse avant les prochaines élections et qu’il ne nous faille pas patienter une autre année pour stabiliser nos cliniques de soins primaires. Pour sa part, en collaboration avec tous les partenaires du système de santé, y compris le gouvernement, la SMNB continuera de travailler à l’établissement d’un climat de confiance et à la création d’une feuille de route commune qui nous permette de faire croître et de transformer notre système, avec des équipes de soins primaires bien soutenues qui en viendraient à constituer la norme, chaque patient de notre province se voyant connecté à un centre de médecine de famille.

Nos médecins et leurs patients ne sauraient attendre plus longtemps.

Dre Paula Keating, présidente
Société médicale du Nouveau-Brunswick

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