Publié le 4 sept. 2023 à 7:36
Pas si facile que cela de définir ce qui fonde aujourd’hui la compétitivité d’une entreprise. Pendant très longtemps, en effet, on a pu la résumer « à son seul résultat d’exploitation », analyse Bruno Bonnell. Ce n’est aujourd’hui plus le cas, explique le secrétaire général pour l’investissement chargé de France 2030. La compétitivité va désormais bien au-delà…
« C’est l’ensemble des paramètres, quantitatifs et qualitatifs, qui font la personnalité d’une entreprise », poursuit le serial entrepreneur. « On est d’ailleurs dans un moment très intéressant, souligne le cofondateur d’Infogrammes, où énormément de choses sont en train de se redéfinir, du fait notamment de la prise de conscience globale du réchauffement climatique . » La transition étant « un accélérateur et une opportunité formidable », insiste le secrétaire général pour l’investissement. Avec déjà énormément d’initiatives…
Vers une nouvelle compétitivité
Alors, qu’est-ce qu’une entreprise compétitive ? « C’est une entreprise en constante évolution, développe Bruno Bonnell, capable de capter les signaux faibles, les tendances de marché, et d’avoir ainsi, sans arrêt, un temps d’avance. »
Le délégué général de France Innovation, Jérôme Billé, de rappeler, quant à lui, pour être compétitif, la nécessité de s’internationaliser rapidement. Avec un terrain de jeu européen voire mondial… Et, « une notion de ‘time to market’» très importante. Un besoin « d’aller très vite, très fort » pour les start-up et les scale-up notamment, car elles ont « besoin rapidement de beaucoup de cash ». Un terrain de jeu élargi qu’on retrouve aussi chez les PME et les ETI. « Plus vous êtes focalisés produit, plus votre marché domestique est court, plus vous êtes obligés d’aller à l’international, c’est un facteur majeur pour la compétitivité des PME et des ETI », souligne ainsi Alexandre Montay, délégué général du Meti, le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire.
A France Innovation, Jérôme Billé appuie également fortement sur la notion d’impact et de proposition de valeur : « Quelle réponse, quelle valeur nouvelle suis-je capable d’apporter sur le marché ? Quels bouleversements ? » De rappeler aussi, à toutes fins utiles, que « la technologie reste un moyen, pas une fin en soi ».
La transition comme levier
Qui dit impact, dit aussi, bien sûr, transition, l’un des principaux leviers désormais de la transformation, et par conséquent de la compétitivité des entreprises . Avec, en premier lieu, « la sobriété », ou comment consommer moins et adapter son outil. « C’est généralement par là qu’on attaque le sujet de la transition », explique Eric Versey, le directeur exécutif chargé du financement et du réseau chez Bpifrance, qui pilote aussi le plan climat au sein de la banque publique d’investissements. « On alerte les entreprises sur le fait que l’ensemble des parties prenantes est de plus en plus exigeant sur les enjeux de transition », insiste-t-il. Transition, mais aussi « adaptation » aux impacts du changement climatique . Un sujet qui va devenir « de plus en plus structurant pour les entreprises, prévient Eric Versey, avec des impacts économiques et sociaux de plus en plus importants ».
Toutes les parties prenantes sont de plus en plus exigeantes sur les enjeux de transition.
Eric Versey, Directeur exécutif chargé du Financement et du Réseau chez Bpifrance
Vecteur actuel fort donc de l’innovation, et vrai moteur aussi désormais de compétitivité, le triptyque : transition écologique, RSE et QVT. Ou comment, pour l’entreprise, mettre « en adéquation valeurs et actions », souligne, quant à lui, le chercheur associé à la chaire « Futurs de l’industrie et du travail » de Mines ParisTech, François Pellerin. Ce sont des éléments déterminants « de la capacité des entreprises à séduire le marché mais aussi les talents », analyse pour sa part Bruno Bonnell.
Dans un c ontexte de recrutement tendu , François Pellerin fait le lien, en effet, entre compétitivité et attractivité. « Pour être compétitive sur le marché de l’emploi, l’entreprise doit améliorer son attractivité . » Et, pour cela, poursuit-il, il faut s’intéresser à « la motivation intrinsèque qui anime chacun d’entre nous pour aller travailler ». L’entreprise doit ainsi proposer pour séduire de futures recrues, « autonomie, développement des compétences, sens et valeurs ». Ce qui, sur le terrain, se traduit aussi par la mise en place d’« un management différent », moins accaparé par le reporting que par le soutien aux équipes.
Attractivité et capital humain
Au Meti, Frédéric Coirier, son coprésident, évoque, lui, « le capital humain », comme enjeu de compétitivité, avec l’investissement massif en termes de formation que cela implique, notamment en augmentant la part de l’apprentissage, qui bat aujourd’hui tous les records dans les ETI. Une notion d’attractivité que l’on retrouve également dans la bouche d’Eric Versey, « Il y a, aujourd’hui, un vrai enjeu de marque employeur », souligne le directeur exécutif chez Bpifrance.
Quid alors de la place des entreprises tricolores vis-à-vis de leurs concurrentes, notamment en Europe ? « Dans l’industrie, insiste Thierry Valot, le président du comité vitrines de l’Alliance Industrie du Futur (AIF), il y a une vraie complémentarité des approches. » Certes, les références restent l’Italie et l’Allemagne. Mais chacun joue aujourd’hui sa partition, « avec ses propres atouts », analyse le directeur de l’innovation et du digital du groupe Fives.
Les Allemands sont ainsi très forts pour « standardiser, répliquer, déployer leurs solutions avec beaucoup de rigueur et d’organisation », souligne Thierry Valot. Là où la force de l’entrepreneuriat « à la française » réside dans la personnalisation, et « cette compréhension fine des besoins des clients ». Ce qui permet de leur apporter « cette petite différence par rapport au standard catalogue », poursuit Thierry Valot. En France, « nous sommes ainsi capables de concevoir des solutions qui rendent l’ expérience utilisateurs beaucoup plus riche », insiste le directeur de l’innovation et du digital du groupe Fives. Des solutions parfois même coconçues avec le client afin de lui permettre d’y mettre « un peu du sien ».
Avec ce même constat partagé par l’ensemble des acteurs interrogés : en dix ans, l’écosystème d’accompagnement en faveur de l’innovation, et par conséquent de la compétitivité des entreprises tricolores, s’est considérablement étoffé. Notamment sous l’impulsion de Bpifrance. « Un vrai point fort de notre pays, souligne Frédéric Coirier au Meti, sans équivalent en Europe, et qui participe au dynamisme et à la compétitivité de l’écosystème France. »
Un mur d’investissement pour les ETI
Le délégué général du Meti, Alexandre Montay, alerte, quant à lui, sur le « mur d’investissements » que va nécessiter la transition pour les ETI. « Attention à ce que cela reste soutenable pour nos entreprises, prévient-il. Et, qu’avec la déferlante de nouvelles réglementations européennes, on ne se tire pas une balle dans le pied ! »
Des représentants des ETI qui, même s’ils louent les efforts entrepris, ces dernières années, en matière de « compétitivité coût », continuent par ailleurs de militer pour ce que les charges patronales poursuivent leurs décrues, afin de rejoindre, un jour, la moyenne européenne. « La compétitivité des entreprises françaises en dépend », insiste Frédéric Coirier.
Bruno Bonnell d’indiquer, quant à lui, la feuille de route pour les années à venir, pour continuer à ce que la France, et les entreprises françaises restent dans la course. « Il faut rester têtu sur deux choses, insiste le secrétaire général pour l’investissement chargé de France 2030 : gagner en compétitivité par la technologie, l’automatisation mais également la formation des collaborateurs ; continuer à soutenir l’innovation pour élaborer des produits différenciants à très haute valeur ajoutée et répondant aux défis sociétaux de notre époque. »
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