Les familles changent ! Sur le continent africain comme ailleurs. RFI vous propose une série d’été sur la parentalité en 2024. Pour ce premier épisode, direction le Sénégal où on voit ces dernières années timidement apparaître de nouvelles figures paternelles… Des pères plus impliqués dans l’éducation de leurs enfants notamment et le partage des tâches ménagères ou qui essaient ! Reportage à Dakar de notre correspondante, Léa-Lisa Westerhoff.
Dans la salle d’attente du gynécologue Abdoulaye Diop, au cœur de Dakar, il n’y a que deux femmes enceintes installées sur les fauteuils en skaï gris ce jour-là, et un jeune couple dont la femme a le ventre naissant de future maman dissimulé sous un grand boubou vert. Quand on demande au futur papa pourquoi il est là ? Sa réponse vient comme une évidence : « Je suis obligé de le faire ! j’ai tenu à l’accompagner partout où elle va, pour ses consultations chez son gynécologue ».
Saliou Diaho a 37 ans, et même si son travail d’infirmier lui donne une sensibilité particulière, il assure ne pas être une exception au Sénégal.
Amissi Sembaye, 24 ans, (étudiante en droit) et son épouse depuis un an, confirment ce besoin de parentalité partagée, d’autant plus qu’ils ont perdu leur premier bébé : « Bien sûr, j’attends son soutien, j’ai besoin de lui à mes côtés ».
Et à en croire le docteur Abdoulaye Diop, gynécologue depuis 12 ans, même changer les couches commence à faire partie des fonctions partagées avec le père au Sénégal. Un partage du rôle de la mère avec le père récent : « Chez les jeunes maintenant, il n’y a plus cette dichotomie nette entre le rôle du père qui est de sortir pour aller chercher à manger, aller chercher des sous pour nourrir la famille, et la mère qui est censée rester à la maison pour s’occuper des enfants. Les femmes travaillent, elles doivent gérer les enfants en même temps. Et donc, le père a sa part à jouer. »
S’impliquer plus, mais comment faire ? C’est pour répondre à ces questions qu’Aboubacry Wade, informaticien de 42 ans, a créé « Les Super Papas », il y a cinq ans : « Nos femmes sont parties en vacances et nous ont laissé les enfants. On s’est dit, comment faire pour s’en occuper ? Et c’était une vraie question, C’est qu’on ne nous a pas appris à nous occuper seuls, des enfants ». « Le rôle qu’on a attribué aux papas, c’est souvent le rôle financier. Et on est très loin de l’accompagnement au quotidien des mamans.
C’est comme ça que c’est venu. On a commencé à échanger là-dessus, on a fait des espaces pour partager avec d’autres parents, et on s’est rendu compte, qu’il y a un réel besoin, il y a une vraie absence à ce niveau-là au Sénégal ».
Absence d’interlocuteur pour répondre aux questions des papas, mais aussi absence de modèles, face à ces mutations récentes, comme l’explique le docteur en psychologie Mamadou Mbodj : « Par exemple, un éminent professeur me disait que jusqu’à ses 40 ans, il n’avait jamais approché son père à moins de deux mètres. Vraiment, toute classe (sociale) confondue, il y a une sorte de sclérose… les hommes restent figés à des images, à des figures anciennes. L’image du père fort, du père autoritaire est encore présente que ce soit dans les couches moyennes, que ce soit dans les couches bourgeoises ou urbaines... »
En tant que père, c’était quoi, tes difficultés Emmanuel ?
Emmanuel Dior, juriste à Dakar, vient régulièrement échanger sur ce groupe de parole en ligne de « Super Papas » : « L’intérêt de cet espace, c’est que, ce sont des semblables avec lesquels on partage les mêmes codes. Si on parle par exemple de l’éducation numérique des enfants, on se comprend facilement. Ce n’est pas du tout sûr que mon papa va comprendre ».
La route est longue encore pour confirmer l’émergence de ce nouveau père au Sénégal. Parmi les combats, cet article du Code de la famille qui reconnaît uniquement au père le rôle de chef de famille et d’exercice de l’autorité parentale. Un article que la société civile demande à réformer le plus vite possible.
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