les Occidentaux accroissent timidement la pression sur le Rwanda

Bruxelles, Londres, Paris… Les grandes capitales européennes commencent, à pas comptés, à activer des leviers de pression sur Kigali pour faire cesser la guerre à l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Lors d’une offensive éclair, le groupe armé M23 et ses alliés rwandais ont pris le contrôle de Goma et Bukavu, les chefs-lieux des provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu. Les combats ont fait des milliers de morts selon l’ONU, qui craint un embrasement dans cette région en proie aux conflits depuis plus de 30 ans.

« Le diable se cache dans les détails »

Dernier en date, le Royaume-Uni a annoncé mardi 25 février plusieurs sanctions à l’égard du Rwanda : suspension de l’aide financière, cessation de sa participation aux événements organisés par Kigali, révision des licences d’exportation vers l’armée, fin des programmes de formation des soldats… « Les récentes offensives du M23 et des forces de défense rwandaises (…) constituent une violation inacceptable de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC », a une nouvelle fois martelé le ministère britannique des affaires étrangères, en appelant à la cessation immédiate des hostilités.

Nuance toutefois, les programmes britanniques destinés aux personnes « les plus pauvres et les plus vulnérables » au Rwanda se poursuivent. « Le diable se cache dans les détails ; il faut attendre de voir quel est le pourcentage des programmes d’aides concerné », estime Benjamin Chemouni, professeur à l’Université catholique de Louvain.

À Paris, le temps des seules condamnations verbales a pris fin. C’est désormais la même approche graduelle qui prévaut, avec par exemple la suspension de tout nouveau financement de l’Agence française de développement (AFD), en représailles aux ardeurs belliqueuses de Kigali, sans remettre en cause les projets qui ont déjà été signés et pour lesquels les fonds ont été octroyés.

La France se dit par ailleurs favorable à des mesures restrictives au niveau européen, notamment un moratoire sur le mémorandum d’entente sur les matières premières critiques et les minerais rares, ainsi que des sanctions individuelles contre les acteurs directement impliqués (officiers rwandais, combattants du M23, miliciens des Forces démocratiques de libération du Rwanda), à l’instar de celles prises par le Trésor américain le 20 février. Des mesures à portée principalement symbolique, reconnaît-on à Paris, tout en se disant ouvert à la discussion pour aller plus loin. Sauf sur les fonds alloués pour le déploiement des forces rwandaises au nord du Mozambique, en proie à une insurrection djihadiste et où TotalEnergies dispose d’installations gazières.

« On ne parle que de pause »

De son côté, l’Union européenne (UE) avance à reculons, et en ordre dispersé. La cheffe de la diplomatie, Kaja Kallas, a suspendu les consultations de l’UE en matière de défense avec Kigali. Le Parlement a voté lundi en faveur d’une pause du partenariat sur les minerais rares, sans qu’il soit suivi d’effets. Le Conseil s’est prononcé en faveur d’un simple « réexamen ».

Mardi, c’est le Luxembourg qui, à la surprise générale, a mis son veto à une nouvelle salve de sanctions visant neuf individus et une entité. La raison invoquée est de donner une chance aux négociations en cours, notamment la réunion ministérielle conjointe entre la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), prévue le 28 février, a justifié le Grand-duché.

« C’est une stratégie encore timide. Ce qui serait vraiment douloureux pour Kigali serait que les bailleurs suspendent d’un commun accord l’ensemble des aides au développement pour le Rwanda, mais ils ne paraissent pas prêts à franchir le pas », note Benjamin Chemouni. L’aide au développement accordée au pays des Mille collines représente 1,25 milliard d’euros, soit un quart du budget de l’État qui s’élève à 4,43 milliards d’euros pour l’exercice financier 2024-2025.

« Les pays occidentaux n’ont pas spécialement envie de voir s’écrouler tous les investissements consentis depuis des décennies pour le développement du pays, explique le professeur à l’Université catholique de Louvain. Ce serait un désaveu pour les agences d’aide internationale. » Et de relativiser : « Pour l’instant, on ne parle que de pause, et non d’arrêt définitif. »

En outre, pour le connaisseur de la région des Grands Lacs, les réticences des pays occidentaux peuvent aussi s’expliquer par les contributions appréciables du Rwanda aux missions de maintien de la paix au Mozambique et en Centrafrique. « Leurs soldats sont bien formés, compétents, affirme-t-il. Peu de pays seraient prêts à envoyer des troupes à sa place. »

De manière générale, les pays européens plaident pour une solution politique au conflit qui fait rage dans la région du lac Kivu. « Le Rwanda a beau avoir des inquiétudes sécuritaires, il est inacceptable de les résoudre militairement », a averti Londres.

Pour Paris, qui se prévaut de parler à tout le monde, il s’agit de traiter, au-delà de la crise sécuritaire actuelle, les causes profondes des tensions (exploitation des ressources minières du sous-sol congolais, questions foncières, développement économique de la région, problématique des déplacés des deux côtés de la frontière) et de proposer une alternative aux combats et aux prédations.

Crédit: Lien source

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.