les partis et organisations vent debout après la suspension de leurs activités par la junte

Les autorités maliennes de transition ont annoncé, mercredi 10 avril, suspendre les activités des partis politiques et des associations à caractère politique jusqu’à nouvel ordre sur toute l’étendue du territoire. Alors que Bamako justifie la mesure par la tenue d’un dialogue inter-malien, les partis politiques et associations ont exprimé leur stupéfaction, la jugeant brutale, illégale et issue d’une « dictature rampante ».

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Cette décision prise par décret en Conseil des ministres est justifiée par la tenue imminente d’un dialogue inter-malien et pour maintenir l’ordre public, selon un communiqué officiel. Une énième mesure qui restreint les libertés et les velléités de contestation du pouvoir.

Mais la mesure des autorités de transition a créé la stupéfaction, tant à Bamako que chez les diasporas et chez plusieurs acteurs politiques joints au téléphone. La suspension des partis politiques est jugée brutale et, pour de nombreux interlocuteurs, celle-ci est illégale et viole la constitution malienne.

Un point de bascule semble avoir été franchi. Pour la première fois depuis près de quatre ans et le coup d’État de 2020, le mot « dictature » est lancé à l’encontre des autorités militaires de transition.

Pour Cherif Koné, coordinateur général du groupement d’opposition Appel du 20 février, il est « hors de question de laisser la dictature prospérer dans le pays ». Il en appelle donc à la désobéissance civile en tant que droit constitutionnel « pour défendre les acquis démocratiques et préserver la forme républicaine de l’État ».

Son mouvement ne reconnaît pas le pouvoir des militaires depuis le 26 mars, date de la fin officielle de la transition annoncée il y a deux ans par ces mêmes autorités.

« Une transition qui se radicalise » ?

Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la Justice et pourfendeur de la gestion actuelle, fustige lui une « transition qui se radicalise ». Il souhaite « barrer la route à l’autoritarisme de la junte militaire », dont « les objectifs ne visent qu’à accaparer le pouvoir ». Pour mettre fin à ce qu’il appelle « une dictature rampante », il lance les mots-clés #SOSMali et #FreeMali pour réunir les idées et les opinions pour une dynamique en faveur des libertés.

Nous avons opté pour la paix, la liberté d’expression, parce que ces éléments sont dans la Constitution du Mali. En prenant la décision illégale de suspendre les activités des partis politiques et des associations, la junte viole la Constitution du Mali. Nous ne sommes pas pour la dictature, nous décidons d’aller vers une transition civile. Tant à l’intérieur du Mali que ceux qui sont exilés et qui sont parmi la diaspora, nous allons organiser une offensive de manifestations, de contestation, nous allons mener une résistance contre la dictature.

Ismael Sacko, président du parti PSDA

Kaourou Magassa

Plusieurs états-majors d’organisations politiques et de la société civile n’ont pas encore réagi. Certaines ont prévu de se réunir pour établir une position commune.

Le mouvement politique et citoyen An Biko de Fatoumata Batouly Niane, proche des autorités, invite pour sa part tous ses membres à surseoir à toutes les activités de l’organisation, cela jusqu’à nouvel ordre et jusqu’à la levée de la suspension, pour la sauvegarde de l’ordre public.

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Réponse à la « fronde » des organisations ?

Cette décision a été prise dans un contexte très particulier. Pour de nombreux analystes, la suspension des activités des partis politiques est une riposte à la « fronde » des groupements et organisations de premier plan qui le 31 mars 2024 ont signé une déclaration commune réclamant une transition civile et l’organisation rapide d’élections avant un retour à l’ordre constitutionnel.

Pour beaucoup, le pays est dans un vide juridique, les militaires s’étant maintenus au pouvoir au-delà du 26 mars 2024. Ils s’étaient engagés par décret à mettre fin à la période transitoire à cette date-là.

Dans le communiqué du conseil des ministres, les autorités jugent ces prises de position comme « des actions de subventions des partis politiques et de leurs alliées qui ne font que se multiplier ». À l’approche du dialogue inter-malien, dont la phase communale démarre ce week-end, cela fait tache.

Pour le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement de transition, « on ne peut pas mener un dialogue aussi crucial dans la cacophonie et la confusion ». Une manière de justifier la suspension des activités des partis, pour qu’une « initiative aussi salvatrice ne soit pas prise en otage par les forces politiques ».

Les textes constitutionnels, et la charte des partis politiques et les textes des associations, consacrent la liberté de ces structures à fonctionner et à s’exprimer. Donc ce qui est fait est contradictoire de ces textes et du discours et de la volonté des autorités de la transition à amener les Maliens à se parler et à se donner la main. C’est pour quoi, je souhaite que les autorités reviennent sur cette décision. Le minimum, c’est qu’elle puisse ouvrir des cadres de discussion avec les acteurs politiques plutôt que d’essayer de les museler. Il est simplement impossible d’empêcher les forces politiques et sociales de travailler, de s’exprimer et de fonctionner. Un décret ne peut pas le faire.

Moussa Mara, ancien Premier ministre

Kaourou Magassa

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