Les passeports de l’AES, la dette cachée au Sénégal, l’abandon de João Lourenço, les futurs champions de la tech et une étrange disparition : les 5 infos qu’il ne fallait pas manquer
Bonjour à toutes et tous,
Bienvenue dans cette nouvelle édition du Brief de Jeune Afrique, la newsletter hebdomadaire qui vous permet, chaque semaine, de ne rien manquer d’incontournable dans l’actualité politique et économique du continent.
Au programme de cette édition :
1 – Mali : Assimi Goïta fait produire ses passeports AES par une société française
2 – Sénégal : pourquoi la « dette cachée » va coûter cher au pays
3 – Est de la RDC : pourquoi João Lourenço a jeté l’éponge
4 – Qui sont les 20 futurs champions de la tech africaine en 2025 ?
5 – À la frontière avec le Burkina Faso, l’étrange disparition de trois soldats ivoiriens
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1 – Mali : Assimi Goïta fait produire ses passeports AES par une société française
Le nouveau passeport AES du Mali
Blocage. Les nouveaux passeports de l’Alliance des États du Sahel, qui sont officiellement entrés en circulation le 29 janvier, ne permettent pas encore de circuler en France et dans l’espace Schengen. La raison de ce retard à l’allumage ? Selon les informations de Jeune Afrique, les autorités maliennes n’ont remis les exemplaires témoins aux chancelleries européennes que le 10 mars, ce qui a retardé les procédures de validation. Les autorités du Niger et du Burkina Faso n’ont, pour leur part, pas encore enclenché les démarches. En attendant que l’imbroglio administratif soit démêlé, les anciens passeports restent donc valables jusqu’à leur expiration.
Passeport malien, fabricant français. Le passeport malien siglé « AES » est aujourd’hui produit au rythme de 12 000 à 16 000 pièces par mois par la société française Idemia. Un paradoxe : l’entreprise et les autorités maliennes sont à couteaux tirés depuis plusieurs années.
Des soupçons pèsent sur les conditions d’attribution, en 2015, de ce marché des passeports biométriques maliens à Idemia (alors nommée Oberthur). L’ancien ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et son fils, Thomas, avaient été convoqués par un juge malien, en juin 2022, pour répondre de suspicions d’« atteinte aux biens publics ». Malgré les procédures judiciaires, le contrat liant Bamako à Idemia n’a pas été dénoncé. Signé en 2015, il court jusqu’à la fin de 2025.
2 – Pourquoi la « dette cachée » va coûter cher au Sénégal

Bassirou Diomaye Faye et Edward Gemayel, le chef de mission pour le Sénégal du FMI à Dakar, le 25 mars 2025. © Présidence du Sénégal
Conséquences économiques. Quelles vont être les conséquences de la découverte de la dette cachée du Sénégal ? Le FMI, qui vient de terminer une mission à Dakar, a validé le rapport de la Cour des comptes mettant au jour la situation plus que critique des finances publiques du pays, et pointant la responsabilité de l’administration de l’ancien président Macky Sall.
Fin 2024, le déficit budgétaire s’est établi à 11,7 % du PIB, tandis que la dette a atteint 105,7 % du PIB. D’ici à la fin de 2025, la dette atteindra 114 % du PIB, faisant du Sénégal l’un des pays les plus endettés du continent, relèvent Marième Soumaré et Thaïs Brouck, dans l’analyse de l’onde de choc tant économique que politique de la crise qui s’annonce.
Sur le plan économique, l’exercice de transparence impulsé par le président Bassirou Diomaye Faye a déjà entraîné une dégradation de la note du pays par plusieurs agences de notation. Au lendemain de la visite du FMI, les eurobonds du Sénégal qui arrivent à échéance en 2048 ont subi une décote de 35 % à la Bourse de Londres, quand les taux d’intérêt sont montés à près de 15 %. Un – triste – record historique pour le pays.
Conséquences politiques. Fortement endetté, le Sénégal va devoir revoir son budget à la baisse. C’est d’ailleurs l’une des exigences du FMI, qui conditionne le lancement d’un nouveau programme à ce que l’institution qualifie pudiquement d’« assainissement des finances publiques ». Parmi les pistes avancées par le FMI : faire des économies sur les exonérations accordées à des entreprises. Avec le risque que cela accentue encore un peu plus la défiance naissante des investisseurs. Surtout, le duo formé par le président et son Premier ministre, Ousmane Sonko, élu sur la promesse de mieux redistribuer les fruits de la croissance, pourrait être forcé à engager des mesures d’austérité budgétaire.
Macky Sall, de même que plusieurs membres de la précédente administration, pourrait également avoir affaire à la justice. Le député Pastef Amadou Ba a annoncé avoir fait une proposition de loi visant à renforcer l’arsenal répressif à l’encontre des personnes reconnues coupables de détournement de deniers publics. Mais ce texte, s’il venait à être adopté, ne serait pas rétroactif. Le député Guy Marius Sagna, lui, accuse Macky Sall de « haute trahison ». « Il reviendra à la justice de qualifier les faits, et non à l’exécutif », a confié un conseiller du président sénégalais à Jeune Afrique.
3 – Est de la RDC : pourquoi João Lourenço a jeté l’éponge

Le président angolais, João Lourenço, au 38e sommet de l’Union africaine, à Addis Abeba, le 15 février 2025. © Amanuel Sileshi / AFP
Coup diplomatique et frustration. La rencontre surprise entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, le 18 mars à Doha, avait débouché sur l’annonce d’un « cessez-le-feu » dans l’est de la RDC. Cette rencontre, véritable « coup diplomatique » pour l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, ne s’est pour l’heure traduite par aucun changement notable de situation sur le terrain, où le M23 et ses alliés rwandais continuent d’affronter les Forces armées de la RDC et leurs supplétifs wazalendo dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu.
Elle aura cependant eu un effet immédiat : provoquer l’agacement de João Lourenço, comme le raconte Romain Gras, dans l’article qu’il consacre aux raisons qui expliquent l’ire du président angolais. Au lendemain de la rencontre de Doha, le ministère angolais des Affaires étrangères a, très diplomatiquement, fait part de son « étonnement » d’avoir découvert cette entrevue dont Luanda n’avait pas été informée.
Quant à Lourenço, il a annoncé avoir l’intention de « se consacrer pleinement aux priorités [de l’Union africaine] ». Une manière polie de dire qu’il jette l’éponge. « Lourenço avait déjà manifesté son mécontentement quand l’émir avait tenté de réunir les deux présidents, en janvier 2023. Pour lui, cette crise africaine devait être réglée en Afrique », confie à Jeune Afrique une source proche de la médiation qatari.
Échec diplomatique. La frustration du président angolais est à la hauteur des espoirs qui avaient été placés en lui lors du lancement du « processus de Luanda », en 2022, sous l’égide de l’Union africaine. João Lourenço faisait alors figure d’homme providentiel au moment où les tensions ne cessaient de monter entre Kinshasa et Kigali. Considéré par Félix Tshisekedi comme l’un de ses « meilleurs alliés », le chef de l’État angolais entretenait également de bons rapports avec Paul Kagame, avec qui il avait notamment noué des liens lorsque les deux hommes s’étaient impliqués dans la crise centrafricaine, en 2019.
Mais c’était sans compter sur le processus de Nairobi, d’abord piloté par l’ex-président kényan Uhuru Kenyatta. Placée sous la conduite de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), cette médiation, supposée être complémentaire, s’est avérée quasi concurrente. Fin 2024, Lourenço avait pourtant enregistré plusieurs succès, au point d’entrevoir la signature d’un accord de paix, qui devait avoir lieu le 15 décembre, à Luanda. Tout était prêt, mais Paul Kagame avait finalement annulé sa venue, arguant du refus, par Félix Tshisekedi, de discuter avec le M23. Le groupe rebelle qui, d’après les informations de Jeune Afrique, a été convié à Doha dans le cadre de la médiation conduite par l’émir du Qatar.
4 – Qui sont les 20 futurs champions de la tech africaine en 2025 ?

Comme chaque année, Jeune Afrique révèle sa liste des 20 Futurs Champions de la tech en Afrique. © Montage JA; PeopleImages/GettyImages
Valeurs sûres. La troisième édition de notre palmarès des 20 futurs champions de la tech africaine le prouve : le contexte est difficile pour les start-up du continent. Les investisseurs se montrent plus que timides, préférant se réfugier sur des valeurs considérées comme sûres. Au risque de freiner les capacités de développement des jeunes pousses qui, si elles constituent des placements plus risqués, devraient constituer les laboratoires où s’inventent les futurs leviers de croissance du secteur.
Fintech en tête. WafR, Konnect, Axis… Qu’elles soient basées au Maroc, en Tunisie ou encore en Égypte, les fintech ont le vent en poupe, relève Aurélie Benoit, dans l’analyse qu’elle livre de ce palmarès exclusif. Les entreprises intervenant dans ce secteur, qui représentaient un tiers des lauréats dans notre édition 2024, pèsent désormais pour la moitié de la liste finale.
Autre enseignement de cette édition : le Maroc fait jeu égal avec l’Égypte et l’Afrique du Sud sur le plan continental, et se place en tête de l’espace francophone. Le royaume compte cette année deux sociétés basées à Casablanca (Enakl et WafR), et deux autres start-up du palmarès comptent des Marocains parmi leurs fondateurs (Spore.bio et ToumAI).
5 – À la frontière avec le Burkina Faso, l’étrange disparition de trois soldats ivoiriens

Les désertions restent rarissimes : s’il est avéré que les soldats ont rejoint les VDP, cela serait une première. © Sia KAMBOU/AFP
Soldats volatilisés. Trois jeunes militaires ivoiriens se sont évaporés, dans la nuit du 10 au 11 mars, nous apprend Florence Richard dans le confidentiel qu’elle signe cette semaine pour Jeune Afrique, un dossier qui comporte encore de nombreuses zones d’ombre. Les trois soldats, qui appartiennent au Groupement tactique interarmes (GTIA) basé à Bouna, dans le nord-est du pays, ont traversé la frontière avec le Burkina Faso, en tenue civile et après avoir démonté leurs armes. Aux gendarmes ivoiriens de faction placés au poste frontière qui se sont enquis des raisons de leur étrange échappée nocturne, ils ont affirmé être des agents de renseignements en mission. S’agit-il alors d’une « simple » désertion, ou est-ce que ces trois jeunes hommes ont fait défection pour grossir les rangs des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) côté burkinabè ? Une source sécuritaire ivoirienne a confié à Jeune Afrique privilégier cette seconde hypothèse, et évoque « l’appât du gain ».
Tensions frontalières. Si un tel ralliement venait à être confirmé, ce serait une première. Cette étrange disparition intervient dans un contexte particulièrement tendu, de part et d’autre d’une frontière particulièrement poreuse, et sur fond de tensions entre les présidents ivoirien, Alassane Ouattara, et burkinabè, Ibrahim Traoré.
Après une vague d’incursions et d’attaques, en 2020 et 2021, les autorités ivoiriennes ont renforcé le dispositif sécuritaire pour tenter de contenir le risque terroriste. Des VDP passent régulièrement en territoire ivoirien, où ils installent des campements ou s’adonnent parfois au vol de bétail. En septembre 2023, des gendarmes ivoiriens qui étaient entrés par mégarde en territoire burkinabè avaient été interpellés et détenus pendant plus d’un an avant d’être remis aux autorités ivoiriennes.
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