Les richesses minières de la République démocratique du Congo suscitent l’avidité des puissances locales et globales
L’espace de quelques jours tout au plus, les « creuseurs » de Rubaya ont dû abandonner leur pioche. Le temps que les combats s’éloignent de cette localité de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et que les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), appuyés par l’armée rwandaise, assoient leur nouvelle autorité.
Le 30 avril, l’Etat central a perdu le contrôle de cette zone congolaise d’où est extraite, selon l’ONG Global Witness, au moins 15 % de la production mondiale du précieux coltan et qui fournit indirectement, toujours d’après l’ONG, des multinationales comme Apple, Tesla ou Intel. Ce minerai, composé de niobium et de tantale, est convoité depuis l’apparition de la 5G.
Mais à Rubaya, son exploitation n’a pas été paralysée par l’arrivée des insurgés. Des milliers d’artisans continuent, chaque jour, de remonter à la surface des blocs de pierre brunâtre. Seul le prix d’achat a changé. « Sur place, le kilogramme est passé de 30 à 70 dollars [de 27,60 euros à 64,40 euros]. Une augmentation qui s’explique par la disparition des taxes étatiques », détaille Voltaire Batundi, le président de la société civile locale, un regroupement d’associations citoyennes. « Les négociants veulent acheter vite pour ensuite écouler la marchandise illégalement vers le Rwanda voisin », poursuit-il.
Ce pays, frontalier de la RDC, est régulièrement accusé de déstabiliser l’est congolais pour accaparer ses ressources naturelles. « Scandale géologique », selon l’expression consacrée, la RDC regorge de métaux, indispensables notamment au développement des technologies du numérique et bas carbone.
Ces trente dernières années, Kigali a soutenu plusieurs groupes locaux (dont le dernier en date est le M23, qui a repris les armes fin 2021) ou envoyé directement son armée afin de combattre les forces congolaises dans les territoires des Kivu. Très peu d’entreprises industrielles s’y sont implantées, tant la région est instable. L’essentiel de la production de coltan est resté artisanal, propice à la contrebande.
Réorganiser les filières artisanales
Déjà, dans les années 2000, l’Armée patriotique rwandaise aurait généré 250 millions de dollars de recettes grâce aux exportations sauvages de coltan, au dire du groupe d’experts de l’ONU. Près d’un quart de siècle plus tard, le même scénario se répète, dénoncent les autorités congolaises. En 2023, le Rwanda s’est de nouveau classé premier exportateur mondial de coltan : 2 070 tonnes ont été expédiées contre 1 918 tonnes en RDC.
« Pourtant, ils n’en ont pas un gramme chez eux », assurait le président congolais, Félix Thisekedi, fin février 2024. Depuis son élection, en 2019, son administration s’efforce de reprendre le contrôle d’une partie des ressources. D’abord, en occupant l’espace médiatique : une mise en demeure contre Apple a été déposée fin avril, dans laquelle Kinshasa accuse le géant de la tech d’utiliser des « minerais de sang », exploités illégalement par les rebelles. Ensuite, en tentant de réorganiser les filières artisanales des métaux stratégiques, notamment au Katanga (sud), riche en cobalt.
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