Massages, soins au beurre de karité, enclos en faux marbre doté de climatisation, et même musique: rien n’est trop beau au Sénégal pour les béliers de la race Ladoum. Depuis quelques années, Dakar connaît un essor des bergeries de luxe, censée assurer un confort maximal au « super bélier », qui peut se vendre jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de francs.
Le 17 juin dernier, pour la Tabaski – fête symbolisant la fin du hadj – près de 800’000 moutons ont été sacrifiés au Sénégal pour commémorer le sacrifice d’Abraham. L’élevage d’ovins est une activité très lucrative dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, où les prix peuvent varier de 200 francs pour un petit mouton, à plusieurs milliers de francs pour des gros Ladoum, principalement utilisés pour l’élevage.
Les Sénégalais vouent une véritable passion nationale à cette race, fruit d’un croisement génétique dans les années 1970. Elle est prisée pour sa taille et sa beauté, au point que des concours de beauté sont organisés, des émissions de télévision et des expositions leur sont consacrées.
Haut standing
Ces dernières années, les bergeries de haut standing ont fleuri à Dakar, la capitale sénégalaise. Les éleveurs rivalisent d’ingéniosité sur les réseaux sociaux pour attirer une riche clientèle et faire rêver les jeunes: enclos climatisés, néons et même vigiles à l’entrée des étables, donnent parfois une ambiance de boîte de nuit.
En 2002 déjà, Saliou Ndao a créé avec son frère aîné une bergerie de luxe au cinquième étage d’un immeuble cossu dakarois avec vue sur l’océan. Dotée de caméras de surveillance, de moulures et de ventilateurs au plafond, les moutons y sont rois. La priorité est donnée au confort des bêtes, mais aussi à celui des visiteurs, insiste le propriétaire de l’entreprise Ndao et frères dans un reportage de l’émission Tout un monde.
« C’est plus doux. Il y a de la fraîcheur et c’est très important pour les moutons. On veut aussi faire plaisir aux gens qui viennent ici et mettre les moutons dans de bonnes conditions. Tout ça rentre dans notre marketing, c’est un investissement… un grand investissement », explique-t-il.
Aux petits oignons
Avec ses 150 kilos pour 160 centimètres de long à seulement trois ans, Thiapathioly est la star du troupeau. Le mâle principal de la bergerie Ndao vaut déjà son pesant d’or. « Il vaut plus de 45 millions de francs CFA. Celui qui le veut n’a qu’à payer 50 ou 60 millions (80’000 francs suisses, ndlr) », détaille le patron. Un prix proche du record atteint en 2017 par le bélier Hassan II, qui culminait à 52 millions de francs CFA, mais que son propriétaire avait finalement refusé, estimant qu’il valait plus.
Une véritable fortune au Sénégal, où 38% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Chez Ndao et frères, les clients sont surtout des hommes d’affaires, des politiciens ou des célébrités. S’offrir un Ladoum est donc un luxe et un marqueur social.
Avec ses deux grandes cornes enroulées et sa toison blanche, Thiapathioly est bichonné depuis sa naissance. Moussa Sy, employé de l’entreprise Ndao et frères, est aux petits oignons pour le bélier qui a déjà engendré une descendance d’une vingtaine d’agneaux: massages, soins au beurre de karité, pédicure, cure de vitamines. L’ovin a même droit à de la musique. « Le rap lui plaît beaucoup », confie Moussa Sy.
Sophie Douce
Article web: Jérémie Favre
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