Ouestafnews – La répression contre la presse burkinabè s’intensifie, marquée par des enlèvements et la suspension de médias. Dernier épisode en date : l’enlèvement, le 24 mars 2025, de deux responsables de l’Association des Journalistes du Burkina (AJB), survenu seulement trois jours après des déclarations critiques prononcées à l’encontre de la junte au pouvoir, lors de l’Assemblée générale de l’organisation.
La répression contre les médias et des journalistes se durcit au Burkina Faso. Guézouma Sanogo et Boukari Ouoba, respectivement président et vice-président l’Association des Journalistes du Burkina (AJB), ont été emmenés par des individus se présentant comme des policiers des services de renseignement. D’après un communiqué de l’AJB daté du 24 mars 2025 et consulté par Ouestaf News, l’évènement de Sanogo et Ouaba s’est déroulé au Centre national de presse Norbert Zongo à Ouagadougou. Les deux responsables s’y étaient rendus pour un entretien.
L’enlèvement des deux journalistes est intervenu trois jours après l’Assemblée générale de l’AJB lors de laquelle Guézouma Sanogo a été réélu à la tête de l’association pour un mandat de cinq ans. Dans son discours inaugural, Sanogo avait vivement critiqué la « mainmise du pouvoir sur les médias publics, accusant la Radiotélévision du Burkina (RTB) et l’Agence d’Information du Burkina (AIB) de servir de relais à la « propagande » du régime militaire.
Selon lui, « le pouvoir a expulsé tous les médias indépendants (internationaux) et manœuvre pour fermer les médias indépendants au plan national ».
Depuis plusieurs mois, l’AJB dénonce une « dégradation alarmante de la liberté de la presse au Burkina Faso ». Les journalistes font face à des menaces, des intimidations et parfois à des arrestations arbitraires.
Les « atteintes à la liberté d’expression et de presse ont atteint un niveau jamais égalé », a déclaré Roland Zongo, membre de l’AJB, cité par la West Africa Democracy Radio (Wadr). Roland Zongo décrivait une situation « sans précédent » des médias, lors de l’Assemblée générale.
Selon lui, « au moins quatre journalistes et trois chroniqueurs ont été enlevés en 2024 ». Il s’agit notamment d’Atiana Serges Oulon de l’Hebdomadaire L’Evènement, de Bienvenu Apiou, James Dembélé et Mamadou Ali Compaoré. D’autres restent « portés disparus à ce jour », tandis que d’autres professionnels des médias ont été « contraints à l’exil », déplore-t-il.
En octobre 2024, lors de la 81ᵉ session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) à Banjul, Marcel Zongo, directeur général des droits humains au ministère burkinabè de la Justice, avait reconnu que Serge Oulon, Adama Bayala et Kalifara Séré avaient été réquisitionnés de force par l’armée, en vertu d’un décret.
Cette révélation a suscité une vive réaction de Reporters Sans Frontières (RSF), qui a dénoncé une pratique « extrême » et « répressive » visant à faire taire les journalistes critiques du pouvoir. RSF avait réclamé des informations sur la localisation et l’état de santé des journalistes enlevés ainsi qu’une clarification sur le sort d’Alain Traoré, toujours porté disparu et la « libération immédiate » de tous.
Certains journalistes contactés par la rédaction d’Ouestaf News au Burkina Faso ont préféré ne pas se prononcer sur la situation, craignant pour leur sécurité.
Au pouvoir depuis le coup d’Etat de septembre 2022, la junte militaire burkinabè a récemment suspendu l’accès à plusieurs médias et bloqué certaines chaînes étrangères, les accusant de nuire à l’« effort national contre les groupes armés djihadistes ».
En avril 2024, le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso a temporairement suspendu l’accès aux sites web de plusieurs médias internationaux, dont TV5 Monde, Deutsche Welle, Le Monde.fr et The Guardian, ainsi que la diffusion de TV5.
Pour des motifs similaires, les radios BBC et Voix de l’Amérique (VOA) ont également été suspendues, s’ajoutant à une longue liste de médias internationaux, dont RFI, France 24 et Jeune Afrique. Ces derniers sont totalement interdits de diffusion depuis plusieurs mois.
En liberté de la presse, le Burkina Faso a connu un recul important dans le classement 2024 de Reporters sans frontières, passant de la 58ᵉ (2023) à la 86ᵉ place sur 180 pays. Ce déclin est lié à la montée de l’insécurité et à l’instabilité politique.
Selon RSF, le « traitement patriotique » de l’information imposé par le président de transition, Ibrahim Traoré, a restreint la liberté de la presse, privilégiant progressivement la propagande au détriment d’un journalisme rigoureux ». Cela a entraîné une « augmentation de l’autocensure, des pressions sur les journalistes et une multiplication des intimidations ».
Lors de son assemblée générale, peu avant ces nouvelles disparitions de journalistes, l’AJB a appelé à une mobilisation des défenseurs des droits de l’homme et des libertés publiques.
HD/md/fd
Voulez-vous réagir à cet article ou nous signaler une erreur ? Envoyez-nous un message à info(at)ouestaf.com.
Crédit: Lien source