Lettre ouverte d’un Mpongwè à Oligui Nguema en visite dans l’Estuaire du 11 au 13 août prochain –

A moins d’un mois de la tournée républicaine du président de la Transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguéma dans la province de l’Estuaire dont Libreville est la capitale, Fabrice LOPEZ, Secrétaire Général du Mouvement Associatif OVAGO Wi Mpongwè, Secrétaire Général de la Fédération Aluani, Secrétaire Général Adjoint d’Inongo Goré Estuaire, Chargé de la Communication de Foncier 241 et membre exécutif de la jeunesse en Marche et Lanceur d’alerte a adressé une lettre ouverte au président de la République.

Natif de Libreville, Fabrice Lopez alerte le chef de l’Etat sur l’histoire politique de l’Estuaire et la dépossession des terres dont cette communauté autochtone de la province est victime depuis la pénétration coloniale.

Voici l’intégralité de la lettre :

Excellence,

L’histoire des Mpongwè des estuaires du Gabon est une épopée de résistance, de résilience et de transformation face aux puissances coloniales européennes.

En tant que membre de la société Mpongwè, je me fais le devoir de rappeler et de commémorer cette histoire marquante.

Cette tribune libre vise à éclairer sur les dynamiques politiques qui ont marqué notre communauté depuis les premiers contacts avec les Portugais jusqu’à l’établissement de Libreville par les Français.

Les Premiers Contacts et la Redéfinition du Territoire :

En 1472, les Portugais sont les premiers Européens à entrer en contact avec les Mpongwè. Ils rebaptisent notre région de son nom originel ELIWA ZY NGABA ou encore ARONGO TCHUWA MBENE Y NDIWA en Gabao, ou Rio Gabon. Ce changement de nom symbolise le début des intrusions européennes et marque le commencement de l’appropriation de notre identité et de nos terres par des étrangers.

Tentatives d’Extermination et Résistance Acharnée :

Monsieur le Président,

Beaucoup de gabonais ignorent qu’en 1598, les Hollandais exterminent le peuple Mpongwè, ciblant spécifiquement le clan Ndiwa ou Andiwa, cette violence brutale est une réponse à notre résistance et à notre refus de nous soumettre.

Couché de soleil sur l’Estuaire ©  Gabonactu.com

Puis, vers 1675, les Français à leur tour tentent également de nous asservir, ce qui conduit au bombardement des Mpongwè du clan Aguekaza de Glass.

Excellence, Les Mpongwè, ont toujours été un peuple fière, pacifique, avenant, loin d’être des sauvages comme les Européens le pensaient, étaient des agriculteurs, commerçants et navigateurs prospères, pratiquant leur spiritualité et connaissant Dieu.

Commerce et Pratiques Culturelles :

Le 18ème siècle marque une période de commerce régulier avec les Européens, notamment pour la traite des esclaves. Cependant, nous, les Mpongwè, continuons de pratiquer nos us et coutumes, restant libres et maîtres de notre destin face aux tentatives de domination extérieure.

Notre résilience culturelle et spirituelle est une preuve de notre force et de notre détermination.

Fondation des Missions et Asservissement Spirituel :

En 1842, la première mission protestante est fondée en pays Mpongwè pour tenter d’asservir spirituellement notre peuple, mais elle rencontre peu d’adhésion. En 1844, les Français intensifient leurs efforts avec l’installation d’une mission catholique au Fort d’Aumale. Ces missions étaient des outils de domination culturelle, visant à casser notre arrogance et notre indépendance.

Traités et Établissement des Forts :

Excellence, Le 9 février 1839, le roi Denis signe le premier traité d’alliance offensif et défensif avec les Français, cédant quelques kilomètres de son île pour une base française, qui ne verra jamais le jour.

En 1842, le roi Louis du clan de la rive droite cède l’emplacement du village Okolo pour la création du Fort d’Aumale en 1843.

L’Estuaire sur le front de mer de Libreville ©  Gabonactu.com

En 1846, un troisième traité est signé avec les anciens chefs tels que Koweït Denis RAPOTCHOMBO, François 1er RADEMBINO, Kaka RAPONO et bien d’autres. Ce traité était un traité de protectorat politique et non un traité de transfert de  souveraineté foncière au bénéfice de la France.

Ce dernier est là preuve formelle et factuelle,  que les Mpongwè n’ont pas vendu de terres à la France en échange de sel, de miroirs et de boissons, comme cela est trivialement raconté, faisant passer nos aïeux pour des alcooliques.

Fondation de Libreville et Domination Française :

En 1848, les Français établissent ARONGO MBENE Y NDIWA en Libreville, installant des esclaves libérés venus du Sénégal, en passant par le Congo uniquement à la Montagne Sainte et non sur tout Libreville comme cela est naïvement dit ici et là. Cette fondation est un symbole de la domination coloniale française, un village bâti sur le détournement et la réappropriation de nos terres et de notre liberté.

Politique de Domination et Dépouillement Culturel :

Les Français appliquent une politique systématique de domination en utilisant trois principaux outils : Le Missionnaire : Pour le dépouillement spirituel des Mpongwè, nous détournant de nos pratiques religieuses traditionnelles. Le Commerçant : Pour l’appauvrissement matériel, exploitant nos ressources locales au profit des colons.

Le Militaire : Pour la domination territoriale, imposant la loi coloniale par la force.

Contexte Historique :

Monsieur le Président de la république,

Depuis le milieu du 19ème siècle, plusieurs traités signés avec la France comme nous l’avons vu plus haut, étaient un moyen abile pour cette dernière de sécuriser des positions stratégiques et d’étendre son influence en Afrique et dans le monde.

Tout l’Estuaire presque un site touristique exceptionnel. Ici à Idolo ©  Gabonactu.com

En 1885, lors de la Conférence de Berlin, les puissances européennes ont convenu de formaliser leurs revendications territoriales en Afrique, légitimant les prétentions françaises sur le Gabon et d’autres territoires.

Administration Coloniale :

Monsieur le Chef de l’Etat,

À la fin du 19ème siècle, la France a renforcé son administration coloniale. En 1886, elle a créé le poste de gouverneur du Gabon, puis en 1891, le Gabon a été intégré à la colonie du Congo français. En 1898, le Gabon est devenu une partie de l’Afrique équatoriale française (AEF).Déclaration de Propriété en 1899, la France a officiellement déclaré sa souveraineté complète sur le territoire du Gabon, considérant le sol comme propriété de l’État français. Cela signifiait que la France contrôlait non seulement les relations politiques et économiques, mais aussi la terre elle-même, en dépossédant les populations locales de leurs droits fonciers traditionnels.

Conséquences pour les Populations locales.

Cette déclaration a eu des conséquences profondes pour les habitants du Gabon en général et pour les Mpongwè en particulier.

Les terres traditionnelles ont été appropriées par l’État colonial, ce qui a souvent entraîné le déplacement des communautés locales et l’exploitation des ressources naturelles (bois, minerais, etc.) par des entreprises françaises. Bien que cette déclaration ait été imposée, elle a rencontré diverses formes de résistance de la part des populations locales. Cependant, la supériorité militaire et administrative de la France a permis de maintenir le contrôle sur la région.

Conclusion : Un Héritage de Résistance et de Résilience :

L’histoire des Mpongwè des estuaires du Gabon est une leçon de résilience face à l’adversité. Notre résistance acharnée aux tentatives d’extermination et de domination, notre maintien de pratiques culturelles et spirituelles, et notre capacité à négocier et à traiter avec les puissances coloniales sont des témoignages de notre force et de notre détermination.

Monsieur le Président,

Aujourd’hui, il est crucial de se souvenir de cette histoire, non seulement pour honorer la mémoire de nos ancêtres Mpongwè, mais aussi pour la facilitation de la compréhension de notre revendication.

Fabrice LOPEZ, Secrétaire Général du Mouvement Associatif OVAGO Wi Mpongwè, Secrétaire Général de la Fédération Aluani, Secrétaire Général Adjoint d’Inongo Goré Estuaire, Chargé de la Communication de Foncier 241 et membre exécutif de la jeunesse en Marche et Lanceur d’alerte

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