l’Europe devrait de nouveau imposer à la France une «procédure de déficit excessif» – Libération

Selon les informations du média «Contexte», la réforme des règles budgétaires européennes devrait imposer – à partir de juin – à la France une trajectoire de réduction de ses dépenses et de sa dette, comme c’était le cas entre 2009 et 2018. Avec des marges de manœuvre modifiées.

Le pacte de stabilité et de croissance connaît sa révolution, et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour la France. Selon le média spécialisé dans les politiques publiques Contexte, l’Etat a «99,99 %» de chances de se voir imposer, au lendemain des élections européennes, une «procédure de déficit excessif». Une mesure déjà appliquée au pays entre 2009 et 2018. Elle astreint l’Etat membre à suivre une trajectoire de réduction de ses dépenses et de sa dette, négociée avec la Commission européenne.

C’est la conséquence du dérapage du déficit public français. L’Insee avait confirmé le 26 mars qu’il s’élevait en 5,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023 loin de l’objectif européen des 3 %. Par ailleurs, la dette française s’élève à 110,6 % du PIB au quatrième trimestre 2023, alors que l’objectif européen est de 60 %. Une dérive confirmée par la présentation en Conseil des ministres mercredi 17 avril du programme de stabilité dont le Haut Conseil des finances publiques a déjà étrillé le manque de «crédibilité» et de «cohérence» qui doit être envoyé à Bruxelles.

Le retour du pacte de stabilité

La procédure de déficit excessif est une mesure du pacte de stabilité et de croissance. Mis au placard depuis le début de la pandémie de Covid-19, ce texte fixe les règles européennes d’encadrement des finances publiques. Signé en 1997, il a été ressuscité par Bruxelles début 2024 et sa nouvelle version doit encore être votée par le Parlement européen le 23 avril. Cette réforme doit conserver les objectifs de rigueur du pacte, mais n’impose toujours pas de sanction, offre plus de souplesse et de flexibilité aux pays membres dans leur gestion budgétaire, et modifie les règles de négociation entre les Etats et la Commission.

Concernant les sanctions, la Commission n’a jamais imposé d’amende aux pays visés par une procédure de déficit excessif – il serait absurde de pénaliser les finances d’un pays pour combattre son déficit. De plus, l’Hexagone ne sera pas la seule nation européenne à subir une procédure de déficit excessif, dans un contexte de crise énergétique et post-ovid prolongée. «Une dizaine d’autres États pourraient être concernés» selon Contexte, qui se fonde sur les prévisions économiques de la Commission.

Le gouvernement et le ministre de l’Economie Bruno le Maire devraient donc bénéficier des plus amples largesses offertes par la réforme du pacte et la tristoune conjoncture budgétaire actuelle en Europe. De quoi donner du répit à l’exécutif dans le contexte de débat houleux sur le budget, entre la seule stricte rigueur budgétaire prônée par l’occupant de Bercy… et l’augmentation des impôts – notamment des plus riches – souhaitée par la gauche, une partie de l’exécutif, et qui serait aussi plutôt populaire dans l’opinion.

La fin de l’indulgence ?

Mais la France va devoir s’adapter à la réforme des règles de négociation, qui explicitent désormais des processus auparavant plus officieux. En effet, chaque situation de crise déficitaire étant particulière, il est nécessaire pour l’Europe de négocier individuellement avec l’Etat membre concerné par une procédure. Avec la réforme du pacte, l’UE va désormais baser la négociation sur une trajectoire de référence de retour à l’équilibre financier, préalablement fixée par la Commission. L’objectif de l’Union est de mieux prendre en compte chaque cas de figure, et d’être plus flexible en fonction des efforts des Etats dans des secteurs clés. Si un pays investit plus dans la transition écologique par exemple, les efforts budgétaires demandés pourraient être lissés sur sept ans. L’ancien pacte ne permettrait de les lisser que sur quatre ans.

Analyse de Jean Quatremer, correspondant européen

Or, officialiser les processus de négociation n’est pas forcément une bonne nouvelle pour la France, qui a un statut d’habituée, et même de privilégiée. Entre 2009 et 2018, les gouvernements successifs sont toujours parvenus à faire plier Bruxelles et à obtenir des délais pour respecter la trajectoire préconisée par la Commission. En 2016, l’ancien président de la Commission Jean-Claude Juncker avait expliqué sur la chaîne Public Sénat qu’il ne cessait d’octroyer des dérogations budgétaires à la France, «parce que c’est la France», et «qu’on ne peut pas appliquer le pacte de stabilité de façon aveugle». C‘est peut-être de l’histoire ancienne.

Si Bercy espère que l’extension des marges de négociation pourrait lui profiter, tout dépendra de l’interprétation des règles par les commissaires européens. Mise en difficulté par l’accroissement de son déficit, la France pourrait être pénalisée, selon un expert interrogé par Contexte : «La négociation n’a pas été suffisante, les règles sont très contraignantes pour la France […] dans une mesure qu’elle semble aujourd’hui relativement incapable de respecter.»

L’an dernier, la Commission avait déjà pointé le pays parmi «les quatre pays de la zone euro dont le projet de budget risque de ne pas respecter les recommandations du Conseil». L’an prochain, selon un diplomate européen interrogé par Contexte, la situation sera plus problématique, car les «mauvais élèves» visés par la procédure seront moins nombreux. Il ne devrait rester que la Slovaquie, la Roumaine, la Belgique, et donc la France, isolée, et donc moins armée pour négocier face à Bruxelles.

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