Il aura fallu moins de vingt-quatre heures aux soutiens de l’ancien chef d’État Laurent Gbagbo pour dénoncer la liste électorale provisoire relative à l’élection présidentielle d’octobre 2025. La séquence se déroule dans le nouveau siège du PPA-CI (Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire) situé à Cocody, l’une des communes abidjanaises. Dans une dépendance exiguë adossée au bâtiment principal, Sébastien Dano Djédjé, directeur exécutif du parti, déplore un régime qui a « manifestement peur d’un homme : le président Laurent Gbagbo » ; qualifiant au passage la commission électorale de « véritable honte pour la démocratie ».
Si ce fidèle parmi les fidèles – maintes fois ministre durant les années Gbagbo (2000-2011) – se montre véhément, c’est que la liste provisoire rendue publique le 17 mars ne mentionne pas le nom de l’ancien président. À l’instar de Charles Blé Goudé (Cojep) et de Guillaume Soro (GPS), ces figures de la politique ivoirienne sont les absents très remarqués d’un fichier recensant désormais quelque 8 761 348 électeurs. Et pour cause, les trois protagonistes souffrent d’une déchéance de leurs droits civiques en raison de condamnations. L’officialisation de la présente liste entérine pour l’heure l’inflexibilité du pouvoir en place quant à leur statut politique. Le président du PDCI Tidjane Thiam, pourtant en proie à quelques critiques sur son éligibilité, figure quant à lui dans la base de données.
Faire primer la figure du chef
Au gré des commentaires, le PPA-CI a bien fustigé les résultats de la campagne d’enrôlement réalisée au cours du dernier trimestre 2024 par la Commission électorale indépendante (CEI). Parmi le million et demi de requêtes traitées, 769 757 d’entre elles renvoient proprement à de nouvelles inscriptions : soit un chiffre jugé largement insuffisant par le PPA-CI. En dépit des accusations portant sur des « électeurs fictifs, enregistrés sous de fausses identités, des personnes décédées, toujours maintenues dans le fichier électoral, des milliers d’usurpations d’identité » ; l’indignation première des dirigeants du parti et de sa base militante reste l’évincement de Laurent Gbagbo. Lors de la publication, le président de la CEI Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, avait par ailleurs définitivement balayé l’hypothèse d’une nouvelle campagne d’enrôlement, invoquant un « calendrier extrêmement serré et précis qui ne laisse pas de place pour une nouvelle RLE (révision) avant l’élection présidentielle ».
Dans cette configuration pour le moins contrainte, une candidature de l’ex-président et chef de file du PPA-CI demeure, en l’état, la seule revendication valable. L’homme politique et son parti jouent ici leur avenir immédiat. « Le PPA-CI est prêt à maintenir son mentor jusqu’au bout », affirme M. Dano Djédjé. Pour plaider sa cause, le parti mobilise l’acquittement de Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale en 2021. Cette instance, autrefois tant décriée par ses militants, s’est paradoxalement muée en un argument central de la présidentiabilité de leur leader. Les caciques du PPA-CI invoquent également le non-respect de la loi d’amnistie en lien avec la crise post-électorale de 2010-2011, promulguée en 2018 sous la présidence d’Alassane Ouattara. Sauf qu’un régime d’exclusion de certains individus – identifiés par les ministres clés de la Défense, de la Justice et de l’Intérieur – est prévu à l’article 2.
Un rapport de force limité
C’est ainsi que s’ouvrira le 22 mars, et pour une période de quinze jours, la période dite de « contentieux » pouvant porter sur l’inscription d’une personne omise, la radiation d’un électeur ou la rectification d’erreurs matérielles. Après étude et rendu de verdict par la commission, les requérants pourront, le cas échéant, procéder à un recours auprès du tribunal localement compétent. La liste électorale définitive est attendue aux alentours du 20 juin. « Appropriez-vous le contentieux de la liste électorale ! » prévenait, lundi, la CEI par la voix de M. Coulibaly-Kuibiert. À ce sujet, le parti de Laurent Gbagbo promet de « déposer des réclamations massives » visant les irrégularités que le parti et ses sympathisants auraient identifiées sur le territoire national.
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Quant à l’idée, pourtant naturelle pour le PPA-CI, de créer un contentieux pour « omission » de l’ex-chef d’État sur la liste électorale, le parti ne capitalise pas vraiment sur cette option, qui risque à l’évidence d’être déboutée. Sébastien Dano Djédjé préfère opposer la vision d’une candidature naturelle du prétendant Gbagbo. Ce dernier s’appuie notamment sur le jugement de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), qui dès la précédente élection de 2020 estimait nécessaire sa réinscription sur la précieuse liste. Au moment des questions adressées par la presse, une interrogation revient : à moins de huit mois de l’échéance et face à un pouvoir peu enclin à changer de positionnement, quelle évolution de la stratégie du PPA-CI ? En cas de non-inscription, « nous ferons ce qu’il faut faire », répond laconiquement le président exécutif du parti.
Ironie du sort, l’avenir de Laurent Gbagbo et des cas analogues continue, dans les faits, d’être suspendu au bon vouloir du camp d’Alassane Ouattara.
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