l’heure du choix après un demi-siècle de Bongo


Depuis le 29 mars, la campagne bat son plein. Huit candidats cherchent à incarner l’alternance après cinquante-cinq ans de règne Bongo. Sur les vingt-trois dossiers déposés, seuls huit ont franchi l’étape de la validation, dont quatre après réexamen. Une sélection drastique opérée par les autorités de transition, qui ont imposé des critères d’éligibilité inédits : naissance au Gabon d’au moins un parent gabonais né lui-même sur le sol national, résidence continue de trois ans, renonciation formelle à toute double nationalité depuis au moins trois ans, ou encore la maîtrise d’une langue nationale.

Ces règles traduisent une volonté affichée de restaurer la souveraineté nationale et d’ancrer l’élection dans un processus de refondation. Mais derrière les discours de renouvellement, quels projets concrets ? Quelles figures émergent réellement comme alternatives au système Bongo ? Le Point Afrique passe en revue les huit candidats engagés dans cette campagne aux airs de tournant décisif pour le Gabon.

Brice Oligui Nguema

L’actuel chef de la transition veut concrétiser sa mue de militaire à homme d’État en accédant au poste de président du Gabon. Le général, candidat sous la bannière du Rassemblement des Bâtisseurs, a rassemblé en dernière minute tous les partis issus de l’opposition sous Ali Bongo et une grande partie des forces vives de la société, dont certains mouvements issus du Parti démocratique gabonais (PDG, fondé par Omar Bongo). « Il n’était nullement question d’exclure quiconque, mais bien d’unir l’ensemble des Gabonaises et Gabonais, souligne Dr Séraphin Akure-Davain, porte-parole du candidat et ministre de l’Énergie, selon qui la volonté d’inclusivité prônée par Brice Clotaire Oligui Nguema revêt une importance capitale dans le processus de reconstruction nationale. »

Si durant la transition, la refonte des institutions était le fer de lance du général, aujourd’hui, il promet d’élargir ses ambitions pour « rompre définitivement avec l’ancien système », explique le représentant. Dimanche 30 mars, Brice Oligui Nguema a présenté un programme qui repose sur six axes majeurs, parmi lesquels la réforme de la Société d’eau et d’énergie du Gabon. « Mon objectif est de mettre définitivement et totalement fin à la crise énergétique d’ici la fin de mon mandat », a-t-il déclaré. Il prévoit notamment l’achat et le déploiement de générateurs sur tout le territoire, ou encore le lancement de nouveaux projets de barrages en plus de moderniser le réseau de transport d’électricité. Il fait de la lutte contre le chômage des jeunes (environ 40 % des moins des 15-24 ans en 2022, selon la Banque mondiale) une priorité et veut stimuler l’entrepreneuriat en simplifiant les démarches administratives et financières. Le général évoque aussi, entre autres, un programme de logement pour tous, afin de pallier le déficit en la matière que ses équipes chiffrent à plus de 100 000. 

Alain-Claude Bilie By Nze

Dernier Premier ministre d’Ali Bongo, Alain-Claude Bilie By Nze a longtemps côtoyé les plus hautes sphères politiques au Gabon. Fort de son expérience, il s’affiche comme le seul candidat ayant le poids nécessaire pour faire face à Brice Oligui Nguema. « Il maîtrise ses dossiers, a de l’expérience, et est considéré comme quelqu’un de sérieux au Gabon et à l’international », tient à rappeler Thérèse Nguema, qui bat campagne pour le candidat au sein des cercles de la diaspora. 

Figure emblématique du PDG, il a choisi de faire cavalier seul en claquant la porte de l’ancien parti présidentiel en novembre. Il est dorénavant porté par la plateforme Ensemble pour le Gabon, qu’il dirige. Une initiative applaudie par ses soutiens : « Il a le courage de dire sa vérité », renchérit la militante.

Effectivement, Alain-Claude Bilie By Nze, qui a participé et profité des rouages de l’ancien régime, entend proposer un « contrat national de rupture » qui ambitionne de rompre définitivement avec l’ancien modèle de gouvernance. Pour ce faire, le candidat veut instaurer une politique économique d’austérité et s’attaquer aux dépenses publiques, notamment en « coupant à la tronçonneuse […] les dépenses de prestige » des élus. Le 30 mars, Alain-Claude Bilie By Nze a également annoncé vouloir mettre en place un revenu universel garanti de 150 000 francs CFA à destination des chômeurs, des retraités sans pension, des personnes en situation de handicap lourd, ou encore des filles-mères sans activité rémunératrice qui représentent près d’un tiers des 15-19 ans*. 

Joseph Lapensée Essingone 

Membre actif de la diaspora, Joseph Lapensée Essingone a longtemps vécu en France. Il occupe actuellement un poste de cadre à la Direction générale des impôts. Il se veut être le « candidat de la rupture et du rassemblement » et ambitionne de lutter contre le chômage et la vie chère. 

Il propose notamment de réformer la formation pour qu’elle soit davantage en adéquation avec la réalité du marché. L’énarque veut mettre en avant l’apprentissage des métiers techniques et pratiques comme la plomberie, la maçonnerie ou le carrelage qui, selon lui, favorisera l’insertion des jeunes. Il souhaite également développer l’agriculture et l’élevage au Gabon pour assurer l’autosuffisance du pays et ainsi lutter contre l’inflation. 

Dr. Stéphane Germain Iloko Boussengui 

Le docteur a délaissé la plateforme Ensemble pour le Gabon dirigée par Alain-Claude Bilie By Nze pour proposer sa propre candidature portée par le mouvement Large Rassemblement Arc-en-ciel. Il veut redorer l’image de son pays sur la scène politique, économique et sociale. « Notre pays a eu le mérite pendant 56 ans d’être dirigé par des mafieux », a notamment lancé cet ancien Premier ministre d’Ali Bongo et porte-parole du PDG, lors du lancement de sa campagne. 

Parmi les mesures de son programme, on note qu’il souhaite rendre ses lettres de noblesse aux services publics, notamment en réorganisant l’hôpital. Lors d’un meeting, à Libreville, mardi 1er avril, le candidat a aussi promis la réhabilitation des routes, la création d’une ligne de métro pour relier les PK au Cap (banlieues de la capitale) ou encore valoriser les cultures nationales. 

Zenaba Gninga Chaning

Seule femme dans la course, Zenaba Gninga Chaning a l’intention de porter la parole de ses compatriotes. Plus qu’un symbole, la cheffe d’entreprise, candidate indépendante, se présente comme l’incarnation du changement. 

Construction de 50 établissements scolaires et de logement sociaux, formation professionnelle de 10 000 jeunes, réforme de la Caisse nationale d’assurance maladie, construction d’hôpitaux… Son programme se veut résolument social, mais pas que. L’entrepreneure, qui a lancé plusieurs entreprises au Gabon dans les secteurs de l’immobilier, de la beauté et de l’événementiel, propose également de réduire les taxes pour les entreprises locales et s’engage à lutter contre la corruption. Elle promet également d’avoir une vision plus nationaliste pour construire un Gabon dans lequel les Gabonais se sentiront chez eux. 

Dr Thierry Yvon Michel Ngoma

Déjà candidat en 2023, Thierry Yvon Michel Ngoma revient pour proposer une vision solidaire et égalitaire du pays. Cet admirateur des ressources humaines veut un État providence plus fort en développant l’accès aux soins et la gratuité de ces derniers. 

Alain Simplice Boungoueres

Il fait partie des PDGistes qui souhaitent se racheter. Et l’ingénieur a pris ce mot au sens propre. Au lendemain de sa nomination au poste de secrétaire général du ministère de l’Industrie en février 2024, il a offert 12 millions de francs CFA au Trésor public, façon, pour lui, de demander pardon, « pour (sa) participation au sous-développement » du pays. Sa mesure phare est la création d’un Fonds souverain du pardon national destiné à épauler les familles démunies à cause des politiques économiques passées et les citoyens victimes de la répression, prisonniers et/ou exilés, grâce à une indemnité annuelle de 50 000 francs CFA. 

Axel Stophène Ibinga Ibinga


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Parmi les 19 candidats de l’élection de 2023 qui s’est soldée par un putsch, le patron d’Ax Capital Investment Gabon, une société d’investissement, revient avec un programme similaire, mais étoffé intitulé « la République au travail ». Le candidat indépendant prévoit un investissement de 25 milliards de francs CFA par an pour développer l’entrepreneuriat et les initiatives privées afin de créer des emplois et de rehausser l’économie gabonaise. 

*Données collectées par l’agence des Nations unies pour la santé sexuelle et reproductive en 2017. 


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