l’île aux centenaires dévoile ses secrets de longévité

La Martinique, petit territoire de 350 000 habitants niché dans les Caraïbes, cache un trésor démographique exceptionnel : environ 400 centenaires, soit une densité deux fois supérieure à celle de la France métropolitaine. En 2023, l’île est même devenue la cinquième « zone bleue » de la planète, rejoignant des régions comme Okinawa au Japon ou la Sardaigne, réputées pour l’espérance de vie hors norme de leur population.

« Martinique : l’île aux centenaires », réalisé par Céline Bittner, part à la rencontre de ces « immortels » pour percer le secret de leur longévité. À travers les témoignages de Turenne, 101 ans, Eloi, 99 ans, et Georgette, 97 ans, se dessine le portrait d’une génération marquée par le travail et les épreuves, mais dotée d’une force vitale hors du commun.

« C’est une partie de notre histoire, c’est un patrimoine qu’il faut protéger », souligne un intervenant. Les centenaires martiniquais apparaissent comme les gardiens d’un mode de vie et d’une sagesse précieuse, témoins vivants d’une époque révolue mais riche d’enseignements.

Le Professeur Maturin Tabue Teguo, chef du pôle de gériatrie au CHU de la Martinique, explique que la longévité exceptionnelle des Martiniquais est le résultat d’une combinaison de facteurs. « Le secret de la longévité en Martinique est multifactoriel« , affirme-t-il. « Bien s’alimenter, avoir une activité physique, bénéficier d’un réseau social favorable, être entouré, tout ça ce sont des déterminants qui sont globalement connus pour le vieillissement. »

L’alimentation joue un rôle crucial, comme l’explique Vladimir François Maikoova, chef restaurateur, qui redécouvre les bienfaits de la cuisine créole traditionnelle : « On a des personnes qui ont vécu en harmonie avec l’environnement, qui ont travaillé dans l’agriculture. » La richesse de la biodiversité locale, avec 85% de la biodiversité mondiale concentrée dans les zones tropicales, offre une variété de nutriments incomparable.

Le jardin créole, véritable pharmacie naturelle, tient également une place importante. « Les personnes âgées ont confiance en leurs plantes médicinales« , explique le Professeur Maturin Tabue Teguo. Cette connaissance ancestrale des plantes médicinales, transmise de génération en génération, contribue à la santé et au bien-être des aînés.

L’enquête met en lumière l’importance cruciale des liens familiaux et sociaux dans la longévité des Martiniquais. « En Martinique, les grands-pères, ce sont les piliers comme on dit (..) ils sont nos trésors« , explique un témoin. Cette solidarité intergénérationnelle, où les aînés occupent une place centrale dans la famille et la communauté, contribue à leur bien-être psychologique et émotionnel.

La participation active à la vie sociale, même à un âge avancé, est mise en avant. Georgette, 97 ans, témoigne : « Je suis dans l’association des personnes âgées. Quand j’ai des soucis, si je peux, j’y vais. » Cette implication dans la vie communautaire permet aux personnes âgées de maintenir un sens du but et de l’utilité, facteurs essentiels pour un vieillissement en bonne santé.

Cette exploration de la longévité martiniquaise aborde également l’histoire complexe de l’île et son impact sur ses habitants. La diversité culturelle, fruit d’un passé colonial et de vagues d’immigration successives, a contribué à forger une population particulièrement résistante. Comme le raconte un descendant d’immigrants indiens : « Si nous sommes là, c’est parce que nos grands-parents indiens étaient des gens très résistants qui sont arrivés, les plus résistants qui ont vécu, qui ont survécu dans les cales de bateau infestées de toutes sortes de microbes.« 

Cette histoire de résilience et d’adaptation a peut-être doté les Martiniquais d’une force mentale particulière, contribuant à leur longévité. 

L’importance de la connexion avec la nature dans la longévité des Martiniquais est également soulignée. « Ce sont des centenaires qui sont au plus près aussi de la nature. La nature est luxuriante, elle est évidente« . Cette proximité avec l’environnement naturel favorise une « zen attitude » et une positivité qui contribuent au bien-être général.

L’importance de l’eau, omniprésente sur l’île, contribue sans doute au bien-être des habitants. « L’eau c’est la vie », rappelle Maturin Tabue Teguo. Les bains de mer ou de rivière, pratiqués régulièrement par les personnes âgées, sont décrits comme une véritable « cure de jouvence ».

Malgré ce tableau idyllique, les défis auxquels fait face la Martinique en matière de santé publique ne sont pas éludés. Le Professeur Teguo met en garde contre les menaces qui pèsent sur la longévité exceptionnelle des Martiniquais : « Les menaces sont factorielles. C’est ce qu’on appelle la malbouffe, le snacking, le stress, le burn-out, les maladies chroniques qui sont prévalentes sur le territoire.« 

La contamination au chlordécone, un pesticide utilisé dans les bananeraies jusque dans les années 90, est également évoquée comme un facteur de risque pour la santé des générations actuelles et futures.

À travers ces portraits d’anciens « debout et fiers de l’être« , cette exploration de la longévité martiniquaise offre bien plus qu’une simple enquête. Elle est un véritable hymne à la vie et à la résilience qui nous invite à réfléchir sur ce qui fait la richesse d’une existence. Elle souligne l’importance de préserver un mode de vie en harmonie avec la nature, de maintenir des liens sociaux forts et de cultiver une attitude positive face à la vie.

Alors que la Martinique fait face à de nouveaux défis sanitaires et environnementaux, la question cruciale de la transmission de cet héritage aux générations futures se pose. Comment préserver ces secrets de longévité dans un monde en rapide mutation ? C’est le défi que devront relever les Martiniquais pour continuer à faire de leur île un havre de longévité et de bien-être.

Découvrez ici l’intégralité du documentaire « Martinique : l’île aux centenaires » 

Un film de Céline Bittner
Production 17 Juin Media avec la participation de France Télévisions — Pôle Outre-mer et de LCP – Assemblée Nationale
52 min – 2024